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L’histoire du Potemkine est intimement liée au cinéma. En effet, le navire est l’élément central du film soviétique muet de Serguei Eisenstein : Le cuirassé Potemkine (1925). Dans ce film en noir et blanc, le cuirassé devient le symbole des inégalités sociales en Russie au début du XXème siècle. Ce film, conçu pour commémorer la révolution avortée de 1905, est considéré comme l’un des plus grands films de propagande au monde et a fait entrer le Potemkine à jamais dans la postérité.
Avant d’être l’objet d’un film, Le Potemkine, de son vrai nom, Kniaz Potiomkine Tavritcheski est avant tout un navire de guerre, un cuirassé en acier de la flotte russe. Destiné à être un héros de guerre, il hérité son nom de Grigori Potemkine, militaire russe du 18ème siècle.
Ce massif cuirassier en acier fait partie des cuirassés dits « pré-Dreadnought », construits entre 1890 et 1905 afin de remplacer les navires à coque en fer. Ce massif bateau de 113 mètres de long pour 21,75 mètres de large, comprend tous les éléments d’artilleries des cuirassés de la période : deux tourelles doubles, 16 canons de 152 capables de transpercer les coques des cuirassés ennemis et 5 tubes lance-torpilles de 380 mm.
Sa construction, qui débute en 1898, s’inscrit dans la stratégie d’expansion navale de la Russie pour s’imposer en Extrême-Orient face aux Japonais. Mais en 1905, lorsque le navire est mis à la mer, le contexte politique et militaire a déjà beaucoup évolué. Six ans plus tard, la guerre sino-japonaise bat son plein et la Russie est en déroute face aux Japonais. En août 1904 la flotte de Vladivostok est détruite et le 2 janvier 1905, Port Arthur capitule face au Japonais. Le Tsar Nicolas II est affaibli et c’est dans ce contexte tourmenté que la mutinerie du Potemkine va avoir lieu.
Le 27 juin 1905, la mutinerie éclate après qu’un matelot ait découvert que la viande servie à l’équipage était avariée. La situation dégénère rapidement sur le bateau. Les marins refusent de manger la viande avariée et se révoltent. Leur chef est assassiné par le commandant du bateau. En réponse, le commandant est tué, ainsi que certains des officiers, par les marins. C’est une escalade de violence. Le bateau accoste dans la ville d’Odessa, où les ouvriers sont eux même en grève et sévèrement réprimés par la cavalerie cosaque. Les mutins font alliance avec la population et s’insurgent dans la ville le 28 juin. Manifestations, pillages, incendies : la ville portuaire est en sang. L’état de guerre est proclamé. La sédition est durement réprimée et des milliers d’émeutiers sont tués par les cosaques.
La rumeur de l’arrivée de deux escadrons envoyés par le gouvernement pour couler le Potemkine, pousse le cuirassé à quitter la ville. Le Potemkine se rend en Roumanie pour éviter d'être arrêté par le gouvernement russe. Là bas, il est rebaptisé Saint-Pantéleimon. Il retrouvera son nom brièvement en mai 1917, avant de prendre le nom de « Combattants de la liberté » un mois plus tard. Il est détruit en 1919 après que des officiers aient sabordé le bateau à Sébastopol pour éviter aux bolcheviks de s’en emparer…
Fin tragique et injuste pour un bateau qui a eu un rôle clé dans l’Histoire du XXème siècle, en portant les germes de la révolution russe de 1917.
Lénine dira de lui qu’il est "le premier territoire invaincu de la Révolution."