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« Débranches le pilote ! » Dans la confusion du tambour de la machine à laver qui nous encercle et fait tanguer le bateau, Jacques s’affaire déjà à extraire le pinger rangé dans le couronnement. Je prends la barre, à moitié à poil, les mains posées bien à plat sur la roue pour éviter les conséquences de la violence des chocs sur le safran.
Je lofe en grand, en direction de la thonaire de Barbate, la vitesse chute à 1.5 nœuds. Le pinger est à l’eau, il est à priori efficace. Nous avions testé qu’il était bien immergé en dessous de 3 nœuds. Nous reprenons notre route, sous grand-voile arisée, le pinger à la traîne. Court répit.
PFCHHHHH…Le souffle maléfique de la bête rompt la trêve. En dépit de la nuit noire on peut voir l’eau expulsée par l’évent du tueur de baleine sur le flanc bâbord. La machine à laver se remet en marche. Le pinger, les orques elles s’en moquent bien…
Jacques reprend la barre, je sors les feux à mains blancs, remisés dans la table du cockpit. Jacques s’en saisit, ignore les gants et les lunettes que je lui propose et en déclenche un à bâbord, sous le vent. La fumée âcre nous enveloppe, la lumière est aveuglante. La fusée meurt, le silence se fait, l’agitation autour du bateau cesse.
BAMM…BOUM. Le rodéo reprend. Second feux à main blanc.
Cessation des hostilités. Je descends dans la cabine pour aller inspecter la sentine : pas d’eau dans les cales ; le tube de jaumière : pas de fuite, la cabine bâbord est envahie par l’odeur de la poudre ; le sail drive : pas de fuite. J’en profite pour me couvrir un peu.
« La barre est dure ! »
« Tu crois qu’ils ont faussé la mèche ? »
« Non ils sont sur le safran »
Je le constate en reprenant momentanément la barre qui bouge toute seule. Je vais contrôler à l’arrière. Une des bête est sous la voute, sur le dos, je distingue la blancheur de son ventre.
BLANG…BLING. C’est reparti : machine à laver, déséquilibre. Le troisième feu à main blanc foire. On passe au rouge, Jacques le tient à bout de bras. L’ambiance est fantasmagorique sous cette lumière, dans la fumée et le bruit des remous qui signent la présence des bêtes sauvages
Le feu écarlate s’évanouit et avec lui l’agitation autour du bateau. Un grand silence prolonge cet éclairage méphistophélique.
La barre est libre. On attend un peu. Rien, il ne se passe plus rien. Nouveau contrôle des trois éléments vitaux : aucune anomalie visible. L’hélice est enclenchée, pas de vibration suspecte. On pousse le régime, la barre ne vibre pas. Toujours sur la route mais cette fois ci à 5,5noeuds. Le pilote automatique fonctionne normalement.
Il est 04h22. Le combat a duré une demi-heure.
A suivre…
Retrouvez la première partie de ce récit par ici !