
C’est parfait.
Partis tôt de Portimão, nous avons profité du vent d’ouest, 25 nœuds, sous trois ris et trinquette à plus de huit nœuds sur la route cet après-midi du dimanche 28 mai. La brise a lâché en soirée, elle est passé à droite, les fichiers météo et METEO CONSULT l’annonçaient. Adrena nous prédisait : « Moteur ». Volvo donc, route plein Est après avoir paré, un peu après minuit, les pêcheries au large du Cap Trafalgar. Trafalgar : 2+1 é 15 secondes. Trafalgar 2+1 é 15s, la dernière fois que PretAixte s’en ai fait éclairer, c’était par une nuit de pleine lune en septembre 2017, et quatre heures durant, à la cape en compagnie de cinq cargos, tous les six nous étions en route vers l’Ouest.
Les 2+1 é 15s passent par le travers bâbord. A trois heures du matin notre lune de mai va dormir. Le courant renverse d’abord à terre, vers l’Est et notre destination. Nous nous approchons de notre Point de Route arbitraire, un poil au sud de la thonaire de Barbate.
C’est impeccable.
Le point de route, à raser la thonaire de Barbate, n’est pas aussi arbitraire que cela. Nous l’avons déterminé en fonction de trois paramètres. Nous protéger du courant qui sort de Gibraltar, la renverse à Tarifa vers l’Est aura lieu à 8h24. Nous faire oublier la nuit des orques. Nous éloigner le plus possible du lieu des attaques référencées par le site « Orcinus » que je consulte avec intérêt depuis trois mois, et se rapprocher au maximum des thonaires que les pêcheurs surveillent jalousement contre les razzias de ces fauves des mers. Heureux de ne pas avoir fait de mauvaise rencontre avec ces mammifères marins, nous sortons, nuitamment et en catimini, de la zone dangereuse.
Le bonheur !
Je vais me coucher. Nous sommes deux à bord. Jacques a pris le quart à 3h30. En route vers les bancs de Tarifa, au 120° sous 2 ris et moteur sans beaucoup de vent, la houlasse a faibli passé Trafalgar. Veille visuelle, VHF, AIS, Radar. Du grand confort. Et puis Jacques demain, et il ne les sait pas, j’ai des cadeaux pour son anniversaire. Jacques ne fait pas son âge, soixante-dix ans. Deux Cap Horn en course, trois naufrages et un hélitreuillage, on peut penser que ça conserve. En plus il cuisine très bien Jacques, ça console de l’absence du Chef. C’est la première fois que nous naviguons ensemble, nous nous sommes vite apprivoisés l’un l’autre, on rigole beaucoup. Le sommeil vient vite avec la confiance. On songe à toutes les précautions prises pour éviter les attaques d’orques. Application Orcinus, Pinger, fusées. Nous sommes en route vers le sud de l’Italie, les Pouilles, et déjà un tiers du chemin parcouru. On y sera dans moins d’un mois. Ouf !
Boum ! Un grand choc sur le flanc bâbord. On vient de passer sur un gros flotteur de casier par une nuit sans lune ?
BOUM ! à tribord cette fois, encore plus violent, dur, agressif, volontaire. PretAixte, 14 tonnes en charge, tressaille. Aucun doute, je bondis de la couchette de quart.
Jacques a déjà mis la machine à zéro : « Les orques ! ».
A moins de deux mètres du flanc bâbord, dans le noir profond de la nuit, l’exhalaison puissante et haletante du prédateur a de quoi glacer le sang.
Nous subissons une attaque d’orques !
A suivre…