Marineland ferme ses portes : que deviendront les orques Wikie et Keijo ?

Culture nautique
Par Figaronautisme.com

Après plus de cinquante ans d’existence, le Marineland d’Antibes a fermé définitivement ses portes le 5 janvier 2025. Cette décision marque la fin d’une ère pour le parc, mais soulève une question cruciale : que va-t-il advenir des deux orques restantes, Wikie et Keijo ?

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Après plus de cinquante ans d’existence, le Marineland d’Antibes a fermé définitivement ses portes le 5 janvier 2025. Cette décision marque la fin d’une ère pour le parc, mais soulève une question cruciale : que va-t-il advenir des deux orques restantes, Wikie et Keijo ?

Un parc emblématique aux nombreuses controverses

Inauguré en 1970, le Marineland d’Antibes a été pendant des décennies une attraction phare de la Côte d’Azur. Avec ses spectacles d’orques et de dauphins, le parc attirait jusqu’à 1,2 million de visiteurs par an à son apogée.

Toutefois, ces dernières années, une baisse de la fréquentation a été observée en partie liée à des crises marquantes qui ont frappé le parc. Parmi elles, l’inondation d’octobre 2015 reste l’un des événements les plus tragiques de son histoire. En quelques heures, une vague de deux mètres a ravagé 90 % des installations, causant la mort de près d’une centaine d’animaux, dont l’orque Valentin et le dauphin Alizé. Ce drame a durablement terni l’image de Marineland.

Pour certains employés, cet événement a marqué un tournant : « L’inondation a été le début d’un effet boule de neige, entre perte de confiance des visiteurs et critiques de plus en plus nombreuses ». Cette crise, combinée à une réglementation de plus en plus stricte et à l’évolution des mentalités sur la captivité animale, a progressivement affaibli le parc. Ce déclin s’est concrétisé en 2023 avec une fréquentation réduite à 425 000 visiteurs, bien loin des chiffres de ses heures de gloire.

Marineland a accueilli quatorze orques depuis sa création, dont six sont nées en captivité. Aujourd’hui, seules Wikie et son fils Keijo, les deux dernières pensionnaires du parc, témoignent de cette époque. Pourtant, leur avenir reste profondément incertain, symbolisant les limites du modèle des parcs marins.

Pourquoi Marineland ferme ses portes ?

La fermeture de Marineland n’est pas un simple hasard, mais l’aboutissement d’un long processus mêlant pressions économiques, critiques éthiques et décisions politiques.

La loi de 2021 interdisant la reproduction et les spectacles de cétacés à partir de décembre 2026 a constitué un tournant décisif. Cette réglementation, qui visait à mettre fin aux pratiques jugées contraires au bien-être animal, a porté un coup fatal au modèle économique du parc. Les spectacles, autrefois cœur de son activité et source principale de revenus, étaient devenus impossibles à maintenir dans ces conditions.
Lors de l’annonce de cette loi, la ministre de la Transition écologique avait déclaré : « Nous mettons fin à une époque où le divertissement se faisait au détriment du bien-être animal. Ces spectacles n’ont plus leur place dans notre société. » Cette déclaration reflétait une prise de conscience collective qui allait profondément affecter des structures comme le Marineland.

En parallèle, les polémiques sur les conditions de vie des orques ont continué à alimenter les débats. Les associations de protection animale, telles que One Voice, n’ont cessé de dénoncer les troubles du comportement et les souffrances psychologiques des cétacés en captivité. Muriel Arnal, présidente de l’association, expliquait ainsi : « Nous avons vu des orques comme Wikie et Keijo nager en cercles sans fin, une preuve manifeste de leur mal-être. Cela ne peut plus être toléré. »

Mais au-delà des questions éthiques, ce sont aussi les finances qui ont contribué à la fermeture du parc. Déjà fragilisé par l’inondation de 2015, Marineland n’a jamais réussi à retrouver son niveau de fréquentation d’autrefois. Les décès récents d’orques emblématiques, comme Inouk en 2024 et Moana en 2023, ont également renforcé les critiques, affectant l’image du parc et décourageant une partie du public.

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L’avenir incertain de Wikie et Keijo

Avec la fermeture définitive du parc, le sort de Wikie et Keijo est devenu une priorité. Pourtant, trouver une solution adaptée pour ces deux orques reste un défi de taille.

Marineland avait initialement proposé leur transfert au Kobe Suma Sea World, un parc situé dans l’ouest du Japon. Cette demande, formulée auprès du ministère de la Transition écologique peu avant l’annonce de la fermeture, a cependant été rejetée par les autorités françaises.
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, avait justifié cette décision en rappelant que les standards de bien-être animal au Japon ne correspondaient pas aux exigences européennes :
« Au Japon, il n’y a pas de réglementation aussi poussée sur le bien-être animal qu’en Europe. Il existe des parcs en Espagne qui sont aujourd’hui en capacité d’accueillir des orques dans des conditions respectueuses. »

Ce refus a cependant mis en lumière un problème plus large : la rareté des lieux capables d’accueillir ces mammifères marins. Si certains parcs européens pourraient théoriquement héberger Wikie et Keijo, leur transport et leur adaptation à un nouvel environnement posent de nombreuses questions logistiques et éthiques.

Face à ce constat, de plus en plus de voix s’élèvent pour promouvoir une solution alternative : le transfert vers un sanctuaire marin. Ces espaces semi-naturels permettraient aux orques de retrouver une certaine liberté tout en bénéficiant de soins adaptés. Mais malgré l’enthousiasme autour de cette idée, aucun sanctuaire opérationnel en Europe n’est aujourd’hui prêt à accueillir ces animaux. Muriel Arnal résume l’enjeu : « Ces animaux méritent mieux que d’être enfermés à vie. Un sanctuaire est leur seule chance d’une vie plus digne. »

Les orques en captivité présentent par ailleurs des pathologies récurrentes, telles que l’usure prématurée des dents, des troubles du comportement et des affections chroniques. Wikie et Keijo, bien que suivis par des équipes vétérinaires expérimentées, n’échappent pas à ces problèmes. Toute décision concernant leur avenir devra impérativement tenir compte de leur santé physique et mentale.

La fermeture du Marineland d’Antibes tourne une page sur la captivité des cétacés en France, mais laisse en suspens le sort de Wikie et Keijo. Ces deux orques, symboles d’une époque révolue, attendent une décision que seul le parc, leur propriétaire, peut prendre. Espérons qu’elle les rapproche de la liberté qu’ils méritent.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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