
Un parc emblématique aux nombreuses controversesInauguré en 1970, le Marineland d’Antibes a été pendant des décennies une attraction phare de la Côte d’Azur. Avec ses spectacles d’orques et de dauphins, le parc attirait jusqu’à 1,2 million de visiteurs par an à son apogée. Toutefois, ces dernières années, une baisse de la fréquentation a été observée en partie liée à des crises marquantes qui ont frappé le parc. Parmi elles, l’inondation d’octobre 2015 reste l’un des événements les plus tragiques de son histoire. En quelques heures, une vague de deux mètres a ravagé 90 % des installations, causant la mort de près d’une centaine d’animaux, dont l’orque Valentin et le dauphin Alizé. Ce drame a durablement terni l’image de Marineland.Pour certains employés, cet événement a marqué un tournant : « L’inondation a été le début d’un effet boule de neige, entre perte de confiance des visiteurs et critiques de plus en plus nombreuses ». Cette crise, combinée à une réglementation de plus en plus stricte et à l’évolution des mentalités sur la captivité animale, a progressivement affaibli le parc. Ce déclin s’est concrétisé en 2023 avec une fréquentation réduite à 425 000 visiteurs, bien loin des chiffres de ses heures de gloire. Marineland a accueilli quatorze orques depuis sa création, dont six sont nées en captivité. Aujourd’hui, seules Wikie et son fils Keijo, les deux dernières pensionnaires du parc, témoignent de cette époque. Pourtant, leur avenir reste profondément incertain, symbolisant les limites du modèle des parcs marins.Pourquoi Marineland ferme ses portes ?La fermeture de Marineland n’est pas un simple hasard, mais l’aboutissement d’un long processus mêlant pressions économiques, critiques éthiques et décisions politiques. La loi de 2021 interdisant la reproduction et les spectacles de cétacés à partir de décembre 2026 a constitué un tournant décisif. Cette réglementation, qui visait à mettre fin aux pratiques jugées contraires au bien-être animal, a porté un coup fatal au modèle économique du parc. Les spectacles, autrefois cœur de son activité et source principale de revenus, étaient devenus impossibles à maintenir dans ces conditions.Lors de l’annonce de cette loi, la ministre de la Transition écologique avait déclaré : « Nous mettons fin à une époque où le divertissement se faisait au détriment du bien-être animal. Ces spectacles n’ont plus leur place dans notre société. » Cette déclaration reflétait une prise de conscience collective qui allait profondément affecter des structures comme le Marineland.En parallèle, les polémiques sur les conditions de vie des orques ont continué à alimenter les débats. Les associations de protection animale, telles que One Voice, n’ont cessé de dénoncer les troubles du comportement et les souffrances psychologiques des cétacés en captivité. Muriel Arnal, présidente de l’association, expliquait ainsi : « Nous avons vu des orques comme Wikie et Keijo nager en cercles sans fin, une preuve manifeste de leur mal-être. Cela ne peut plus être toléré. »Mais au-delà des questions éthiques, ce sont aussi les finances qui ont contribué à la fermeture du parc. Déjà fragilisé par l’inondation de 2015, Marineland n’a jamais réussi à retrouver son niveau de fréquentation d’autrefois. Les décès récents d’orques emblématiques, comme Inouk en 2024 et Moana en 2023, ont également renforcé les critiques, affectant l’image du parc et décourageant une partie du public.

L’avenir incertain de Wikie et KeijoAvec la fermeture définitive du parc, le sort de Wikie et Keijo est devenu une priorité. Pourtant, trouver une solution adaptée pour ces deux orques reste un défi de taille. Marineland avait initialement proposé leur transfert au Kobe Suma Sea World, un parc situé dans l’ouest du Japon. Cette demande, formulée auprès du ministère de la Transition écologique peu avant l’annonce de la fermeture, a cependant été rejetée par les autorités françaises.La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, avait justifié cette décision en rappelant que les standards de bien-être animal au Japon ne correspondaient pas aux exigences européennes :« Au Japon, il n’y a pas de réglementation aussi poussée sur le bien-être animal qu’en Europe. Il existe des parcs en Espagne qui sont aujourd’hui en capacité d’accueillir des orques dans des conditions respectueuses. »Ce refus a cependant mis en lumière un problème plus large : la rareté des lieux capables d’accueillir ces mammifères marins. Si certains parcs européens pourraient théoriquement héberger Wikie et Keijo, leur transport et leur adaptation à un nouvel environnement posent de nombreuses questions logistiques et éthiques.Face à ce constat, de plus en plus de voix s’élèvent pour promouvoir une solution alternative : le transfert vers un sanctuaire marin. Ces espaces semi-naturels permettraient aux orques de retrouver une certaine liberté tout en bénéficiant de soins adaptés. Mais malgré l’enthousiasme autour de cette idée, aucun sanctuaire opérationnel en Europe n’est aujourd’hui prêt à accueillir ces animaux. Muriel Arnal résume l’enjeu : « Ces animaux méritent mieux que d’être enfermés à vie. Un sanctuaire est leur seule chance d’une vie plus digne. »Les orques en captivité présentent par ailleurs des pathologies récurrentes, telles que l’usure prématurée des dents, des troubles du comportement et des affections chroniques. Wikie et Keijo, bien que suivis par des équipes vétérinaires expérimentées, n’échappent pas à ces problèmes. Toute décision concernant leur avenir devra impérativement tenir compte de leur santé physique et mentale.
La fermeture du Marineland d’Antibes tourne une page sur la captivité des cétacés en France, mais laisse en suspens le sort de Wikie et Keijo. Ces deux orques, symboles d’une époque révolue, attendent une décision que seul le parc, leur propriétaire, peut prendre. Espérons qu’elle les rapproche de la liberté qu’ils méritent.