
Un plat de marins devenu mets d’initiés
C’est à Venise, entre deux marées et un plat de fruits de mer, que le "risotto al nero di seppia" a vu le jour. Autrefois plat humble, élaboré avec les moyens du bord, du riz, des seiches fraîchement pêchées, et leur fameuse encre, il est devenu, au fil des décennies, une icône de la cuisine vénitienne. Mais si sa couleur peut dérouter, son goût, lui, est d’une délicatesse rare. Loin d’être âcre ou écrasante, l’encre apporte une profondeur iodée, subtilement saline, presque suave. Elle évoque la mer sans jamais l’imposer. Mariée à un riz crémeux, à de l’ail, du vin blanc et parfois un zeste de citron, elle révèle un équilibre étonnant entre intensité et douceur.
L’inattendu dans l’assiette
Servi dans une assiette blanche, le risotto à l’encre de seiche impose immédiatement son contraste visuel. Noir brillant, presque laqué, il capte la lumière et titille les curiosités. C’est un plat qui interpelle autant les pupilles que les papilles.
En bouche, c’est un voyage. La texture du risotto, liée par le bouillon et le riz arborio (ou carnaroli), se mêle à la légère résistance des morceaux de seiche. L’encre, incorporée en fin de cuisson pour préserver son arôme, diffuse une saveur marine profonde, enrichie par les sucs de cuisson. Quelques herbes fraîches, une touche d’huile d’olive, et le tour est joué : un plat à la fois rustique et raffiné, qui ne laisse jamais indifférent.
Loin d’être un simple colorant naturel, l’encre de seiche possède aussi des propriétés intéressantes. Riche en antioxydants et en acides aminés, elle contribue, selon plusieurs études, à renforcer les défenses immunitaires et à lutter contre le stress oxydatif. Elle contient également des minéraux comme le fer ou le cuivre, utiles au bon fonctionnement de l’organisme.
Bien sûr, on ne parle pas ici de cure miracle, mais d’un plaisir gustatif qui, en prime, fait du bien. Et c’est déjà beaucoup.

Une recette simple, pour un effet garanti
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, préparer un risotto à l’encre de seiche ne relève pas de la haute voltige. Voici une version accessible, qui respecte les fondamentaux :
Ingrédients pour 4 personnes :
o 320 g de riz arborio
o 500 g de seiches ou encornets nettoyés
o 1 litre de bouillon de poisson
o 2 sachets d’encre de seiche (ou l’encre récupérée directement si vous êtes chanceux)
o 1 oignon blanc
o 1 verre de vin blanc sec
o 2 c. à soupe d’huile d’olive
o Sel, poivre, persil plat ou zeste de citron pour la finition
Préparation :
Faire revenir l’oignon émincé dans l’huile, ajouter les seiches coupées en petits morceaux, laisser dorer. Ajouter le riz, le nacrer, puis déglacer au vin blanc. Verser le bouillon chaud louche après louche, en remuant doucement. À mi-cuisson, incorporer l’encre diluée dans un peu de bouillon. Rectifier l’assaisonnement. Lorsque le riz est crémeux et encore légèrement ferme, couper le feu, laisser reposer deux minutes. Servir avec un trait d’huile, un zeste de citron ou un peu de persil.
Où le déguster ?
Et si l’envie vous prend de goûter ce plat dans les règles de l’art, voici quelques adresses, de Venise à Marseille en passant par Paris, où le risotto (ou ses cousins à l’encre de seiche) se déguste avec justesse et caractère.
- Ristorante Trattoria Cherubino - Venise
- Osteria Al Diavolo e l’Acquasanta - Venise
- Il Quadrifoglio - Paris
- The Roof Kitchen - Marseille
Dans une époque où la cuisine cherche à surprendre sans trahir, le risotto à l’encre de seiche coche toutes les cases. Visuellement spectaculaire, gustativement équilibré, nutritionnellement intéressant... il n’a rien d’un effet de mode. Il est la preuve que la tradition a parfois tout bon, surtout quand elle ose le noir.
Bonne dégustation !