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Après un voyage au bout du monde, Bruno Sroka continue son récit d’aventures et nous raconte comment il a réussi à réaliser son « rêve de gosse ».
Jour 2 : L’arrivée à Puerto Williams s’est faite de nuit. Quel sentiment étrange de se retrouver dans un lieu inconnu au bout du monde, sans savoir exactement où l’on est ! Premier réveillé, je me suis précipité à l’extérieur du bateau pour découvrir ce nouveau lieu. Puerto Williams est un petit village au pied de larges montagnes. Nous ne quitterons pas ce lieu sans avoir reçu les autorisations de l’armée chilienne. Peu de personnes le savent mais Puerto Williams est la ville la plus au sud du continent américain. Fini le rythme fou de nos régions : ici, on vit au rythme des marées, au calme. Jour 3: Les autorisations en poche, nous levons l’ancre en direction du Canal de Beagle. Je suis très excité. Nous avons l’impression d’être dans un endroit irréaliste : la mer est d’huile, il fait relativement doux pour cette région et il y a une visibilité impressionnante. Mon imaginaire du Cap Horn se heurte à cette réalité étrange que nous vivons. Nous avançons au moteur par manque de vent. L’archipel du Cap Horn se rapproche doucement et les îles apparaissent de plus en plus grosses au fur et à mesure. Assis dans un coin du bateau, je me mets à rêver d’aventures et j’ai du mal à imaginer que je vais enfin réaliser mon rêve. En arrivant dans cet archipel, Wolf, le capitaine, nous informe que nous pouvons aller visiter l’île Horn. Nous mettons l’annexe à l’eau, et nous prenons la direction d’une petite crique recouverte de cailloux, difficilement accessible mais seul point de débarquement sur l’île. Arrivés au sommet, nous passons devant une petite chapelle pour arriver au sémaphore qui sert d’avant-poste pour les militaires. Nous visitons ce lieu si mythique et nous montons en haut du phare pour observer cette confrontation des océans. Tout à l’air si calme et pourtant le militaire nous raconte qu’il y a 2 ans, le toit de la base s’est envolé, avec des pointes de vent de plus de 250 km/h. Passer quelques moments dans ce lieu mythique a été un moment très fort en émotion. Avant de partir, nous demandons à recevoir le tampon sur nos passeports attestant de notre passage sur cette île. L’heure des derniers préparatifs Notre sésame en poche, nous reprenons la direction du bateau. Arrivés au mouillage pour la nuit, nous prenons le temps de checker la météo. Wolf me dit que, potentiellement, le départ se fera demain matin. Excité et frileux à l'idée d'un éventuel départ, je me couche tôt pour être prêt pour le lendemain. Jour 4 : Réveillé à 6h du matin avant tout le monde, je monte sur le pont et vérifie le vent. Il n’est pas encore levé. Nous prenons la direction de mon point de départ: Le Faux Cap Horn. Ce nom a été donné du temps de la marine à voile où les navigateurs se trompaient avec le vrai Cap Horn. Ce lieu se situe à l’extrémité méridionale de la péninsule Hardy. Cette pointe ressemble étrangement au vrai Cap Horn et fut régulièrement confondue. Le vent se renforce, Wolf me le confirme. La décision me revient. Il fait beau, il y a 15 noeuds et la mer semble calme. Sans plus réfléchir, je décide de tenter ma chance. Après une longue préparation, c’est l’heure du grand saut ! Je monte sur l’annexe avec tout mon matériel pour m’éloigner du bateau et décoller mon aile. Le temps de se mettre à l’eau et de se préparer, le vent se renforce fortement. Impossible de partir avec cette aile si le vent est si fort. Je décide donc de remonter sur le bateau pour changer d’aile et en choisir une plus adaptée à cette force de vent. Seconde tentative : je saute dans l’eau et le temps de me préparer, le vent tombe à nouveau. Quatre tentatives ont été nécessaires pour partir du Faux Cap Horn. Cette expérience m’a fait comprendre que ce lieu se mérite et s'apprivoise. La patience est la meilleure des stratégies. Finalement, le vent semble s’être stabilisé, j’ai donc réussi à prendre le départ et je slalome autour du bateau en prenant la direction du Cap. Chaque mètre parcouru est un pas vers l’inconnu, cette grande bleue est une découverte totale et j’apprécie, les yeux émerveillés, cette nature. Le vent ne semble pas très constant. Nous continuons notre chemin et après quelques dizaines de miles, le capitaine m’appelle à la VHF: “l’île Horn se trouve en face de toi Bruno”. Etant plus rapide que le bateau, j’accélère pour admirer ce cap immense. 1er objectif atteint : passer le Cap Horn Je reçois un nouveau message du Capitaine. Officiellement, je viens de passer le Cap Horn ! Je suis très heureux et l’équipage sabre le champagne sur le bateau. Malheureusement pour moi, quelques miles plus tard, le vent tombe complètement et mon aile n’arrive plus à voler. Elle s’écrase dans l’eau. Impossible de continuer, le vent s’est complètement arrêté. Je patiente 30 min dans l’eau en espérant que le vent remonte mais ce ne fut pas le cas. Je décide de remonter sur le bateau et d’abandonner cette tentative. Je suis vraiment déçu, et content en même temps. Sur ce projet, j’avais deux objectifs. Le premier était de franchir le Cap Horn, le second de réaliser une distance de 100 miles nautiques. Le premier atteint, il me faudra recommencer pour valider les 2 objectifs. De retour au mouillage après quelques heures, l’armée chilienne nous appelle et nous interdit de bouger du mouillage. Une grosse tempête se dirige vers nous avec 60 nœuds de vent et plus de 6 m de creux. L’équipage vérifie que le bateau est bien fixé au mouillage. La nuit arrive avec le début de la tempête. Jour 5 : Personne n’a très bien dormi sur le bateau. Au réveil, je découvre un autre paysage. Toutes les montagnes sont blanches, il y a 5 cm de neige sur le pont et une température extérieure inférieure à 0 °C. Une longue journée d’attente se profile à l’horizon. Tant que l’armée chilienne ne nous donne pas les autorisations, nous ne pourrons repartir dans cette aventure. Nous essayons de nous occuper comme nous le pouvons: lecture, jeux de société, sieste… Toutes les idées furent bonnes pour passer le temps. Difficile de rien faire lorsque l’on est très actif comme moi ! Le soir même, l’armée chilienne nous appelle et nous annonce que demain, le vent devrait faiblir ce qui signifie un potentiel départ pour nous, malgré une mer très formée. Cette attente fut difficile pour tout le monde car l’imaginaire du Cap Horn, les récits des navigateurs et les conditions extérieures ne nous rassurent pas. Quoi qu’il en soit, je ne repartirai pas sans avoir réussi mon second objectif. A suivre...