Martinique : plongée sur les épaves de Saint-Pierre

Plongée
Par Figaronautisme.com

C'est le paradoxe des épaves sous-marines : la vie foisonnante qu'elles offrent en spectacle aux plongeurs naît d'événements souvent dramatiques. L'éruption de la montagne Pelée en Martinique, le 8 mai 1902, le fut particulièrement ; elle sera la plus meurtrière du XXe siècle. Aujourd'hui, une nature verdoyante a repris ses droits et les habitants de Saint-Pierre leurs habitudes. Et sous l'eau, les épaves des navires coulés dans la baie ce jour funeste enchantent les plongeurs.

C'est le paradoxe des épaves sous-marines : la vie foisonnante qu'elles offrent en spectacle aux plongeurs naît d'événements souvent dramatiques. L'éruption de la montagne Pelée en Martinique, le 8 mai 1902, le fut particulièrement ; elle sera la plus meurtrière du XXe siècle. Aujourd'hui, une nature verdoyante a repris ses droits et les habitants de Saint-Pierre leurs habitudes. Et sous l'eau, les épaves des navires coulés dans la baie ce jour funeste enchantent les plongeurs.

On la surnommait le « Petit Paris » ou le « Paris des Isles ». Au début du XXe siècle, la ville de Saint-Pierre de la Martinique rayonnait dans toutes les Antilles ; on admirait ses demeures en pierres, son Jardin des Plantes, on profitait de son théâtre et de ses rhumeries, la ville possédait un tramway (hippomobile) et son port était l'un des plus prospères des îles de l'arc antillais. Saint-Pierre était une escale de choix dans la traversée de l'Atlantique. Jusqu'au matin du 8 mai 1902.

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Un drame prévisible

La catastrophe était annoncée. Depuis plusieurs semaines déjà, le volcan signalait son réveil (fumerolles permanentes, détonations régulières, pluies et nuages de cendres au-dessus de la ville, mini-séismes et rupture des câbles télégraphiques sous-marins). Le 5 mai, l'usine Guérin est ensevelie par une coulée de bouée volcanique (un lahar) : 23 victimes sont à déplorer. Pourtant les autorités continuent de se montrer rassurantes (davantage préoccupées par les élections législatives, dont le premier tour s'est déroulé le 27 avril ; le second doit avoir lieu le 11 mai). Décision est même prise de ne pas faire évacuer la ville et d'interdire l'appareillage des navires au mouillage. Mais au matin du 8 mai, peu avant 8 heures, alors que les cloches de la cathédrale de Saint-Pierre appellent les fidèles à célébrer l'Ascension, une violente explosion se produit dans le cratère sommital de la Pelée ; un énorme panache noir s'élève à plus de 4 km au-dessus du volcan… La nuée ardente qui déferlera sur la ville à plusieurs centaines de kilomètres / heure rasera tout sur son passage et finira sa course au large, à plus de 1 500 m du rivage, incendiant les navires ancrés dans la rade. En quelques minutes, la plus grande ville de la Martinique n'existe plus et ses quelque 30 000 habitants (et réfugiés des communes alentour) sont morts (3 survivants seulement). Dans la baie, une quinzaine de navires a coulé, emportant avec eux leurs passagers.

Les stars de la baie

Les épaves du Roraïma et du Tayama sont désormais les plus célèbres de la baie, la première pour son histoire et aujourd'hui son gigantisme sous les flots, la seconde pour sa profondeur et l'engagement qu'elle demande à ses visiteurs ; posée par -85 m, elle ne se dévoile qu'aux plongeurs équipés de mélanges gazeux spécifiques, autres que l'air.

Le Roraïma arriva dans la baie de Saint-Pierre le jour de la catastrophe, deux heures seulement avant que la montagne Pelée ne crache sa nuée ardente. Le cargo à vapeur de la Quebec Steamship Company assurait la liaison depuis New York. Son capitaine eut bien des doutes en découvrant le ciel obscurci et les nuages de cendres au-dessus du volcan, mais devant les propos rassurants des autorités portuaires, il fit amarrer le navire comme à son habitude, à son coffre de mouillage situé à 700 m seulement de la côte ; il fallait de toute façon débarquer passagers et cargaison avant de reprendre la mer pour le Brésil. Ils n'eurent pas le temps.

Le navire brûla pendant 3 jours avant de s'enfoncer sous la mer. Il coula par l'arrière et se brisa en heurtant le fond, par - 55 m. Il fut découvert en 1974 par Michel Métery. Le cargo de 120 m de long et 25 m de large est en trois morceaux. Au vu de ses dimensions et de sa profondeur, plusieurs plongées sont nécessaires pour l'explorer entièrement. L'étrave du navire est posée bien droite sur le fond de sable ; la proue est à 36 m de profondeur, le bas de l'étrave à 48 m. Plus loin, la cheminée n'est plus, soufflée par l'explosion ; les superstructures n'y ont pas résisté non plus. En un peu plus d'un siècle, les éponges (encroûtantes, tubulaires, barriques géantes), les gorgones, les coraux cornes d'élan, les fouets de mer ont partout recouvert l'épave. À l’intérieur, la salle des machines, avec les chaudières à vapeur toujours en place, la cuisine et la salle de bains, les cales avant et arrière restent accessibles avec précaution. Nombre de crustacés y trouvent refuge. Les poissons aussi sont abondants, en bancs ou solitaires, stationnés dans les recoins ou naviguant parmi les tôles ; dans le bleu, ce sont les pélagiques (notamment de gros barracudas) qui croisent.

Parmi d'autres trésors

D'autres épaves historiques reposent à moindre profondeur. Entre 30 m et 40 m, le Biscaye, un trois-mâts goélette destiné au commerce de la morue depuis Saint-Pierre et Miquelon, et le Teresa Lo Vigo, un trois-mâts barque assurant les échanges de bois et de briques entre la Martinique et la métropole. Entre 20 m et 30 m de profondeur, c'est une petite vedette à vapeur que l'on découvre, largement délabrée, baptisée Diamant ; elle était dévolue au transport de passagers entre Saint-Pierre et Fort-de-France. On ne compta qu'un rescapé sur la quarantaine de personnes embarquées le jour du drame. Un voilier de commerce - le Yacht italien - repose également à ces profondeurs (20-35 m).

Enfin, l’épave de l’Amélie, un trois-mâts acier de 48 m battant pavillon français, ravira les plongeurs débutants et les snorkeleurs : le voilier, coulé suite à une voie d'eau devant l'anse Turin, se situe entre 4 et 10 m de profondeur ! Certes très dégradée, l'épave s'est transformée en un superbe récif artificiel baigné de lumière, entièrement colonisé d'éponges et autre invertébrés aux couleurs éclatantes, et investi par une myriade de poissons.

Beaucoup d'épaves localisées dans la baie de Saint-Pierre ne sont pas dûment identifiées. D'autres navires, dont on sait qu'ils étaient sur zone le jour de l'éruption, restent au contraire introuvables. Peut-être entendrez-vous parler du Grappler ? C'était l'un des deux câbliers sous-marins chargés de réparer la ligne télégraphique avec la Guadeloupe. Il était le plus proche de la côte, aurait été renversé avant de couler mais son épave n'a jamais été retrouvée. On sait qu'il était rempli de câbles en cuivre, mais aussi, paraît-il, chargé de tout l'or de la ville et des riches planteurs prêts à fuir. Le trésor du Grappler continue d'alimenter l'imaginaire.

Avant de partir, pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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