Transat Paprec : la « remontada » pour tous

Il a fallu qu’un club de foot, dans une compétition prestigieuse, gagne le match aller 4-0 puis perd le retour 6-1 pour faire apparaitre un mot qui n’a plus jamais quitté les lexiques des terrains de sport et d’ailleurs : la « remontada ». Depuis qu’il a émergé en 2017, le concept n’appartient d’ailleurs plus aux footballeurs mais à tout le monde. Il implique une remontée mais pas seulement : c’est aussi l’idée de faire son retour quand celui-ci semblait impossible, la capacité à revenir en pleine lumière après une traversée du désert. À la Transat Paprec, « la remontada » du moment a cela d’intéressant et d’inédit qu’elle concerne... Les trois quarts de la flotte !
« Un tassement très conséquent de la flotte »
À l’origine, il y avait Lola Billy et Corentin Horeau (Région Bretagne - CMB Océane), ralentis par un arrêt à Lisbonne pour remplacer leur safran bâbord, qui ont cravaché pour revenir dans le peloton. Et puis il y a eu cette tentaculaire zone sans vent entre la flotte et les Antilles. Résultat : les leaders sont les premiers à buter dans cette zone, ce qui permet le retour de l’ensemble de leurs poursuivants. « On constate un tassement très conséquent de la flotte avec des bateaux qui reviennent de l’arrière en ayant plus de vent », précise Francis Le Goff, le directeur de course. Certains duos ont même été complètement arrêtés pendant un temps à l’image de Charlotte Yven et Hugo Dhalenne (Skipper Macif) dont les compteurs sont restés un temps bloqués à 0,9 noeuds !
Malgré tout, « ceux qui ont mené la course jusque-là sont toujours dans le paquet de tête » précise Francis. Les trois premiers - Wings of the Ocean (Alexis Thomas et Pauline Courtois, 1ers), Cap St Barth (Cindy Brin et Thomas André, 2es) et Skipper Macif (Charlotte Yven et Hugo Dhallenne, 3es) - ont « peut-être un peu plus d’atouts en ayant décidé de faire une route plus nord ».
Une arrivée attendue entre le jeudi 8 au soir et le vendredi 9 au matin
Mais les équilibres sont fragiles. Francis rappelle en effet que « les vents faibles ne sont pas bien modélisés dans cette zone » et évoque « l’activité orageuse » et les grains. « La météo, c'est la roulette russe, souffle Victor Le Pape (Région Bretagne - CMB Espoir). Ça dépend de rien, ce n'est prévisible en rien et c'est bien frustrant ».
« C'est la grosse incertitude... C'est un peu notre Pot-au-Noir », ajoute Davy Beaudart (Hellowork). « Il y aura beaucoup de jeu jusqu'à la fin, ça va être chouette », assure Adrien Simon (FAUN).
« On n’est pas à l’abri, comme dans la Solitaire du Figaro, de voir un bateau ou un groupe démarrer un peu plus qu’un autre et conserver un avantage jusqu’à la fin », assure Francis. Ces prochaines heures, les skippers pourraient « retoucher un peu plus de vent », notamment pour ceux qui font une route plus Nord. Ensuite, l’approche des îles s’annonce « compliquée ». « Il faudra être opportuniste et sur le coup... Ça annonce un nouveau casse-tête pour la flotte ».
Cette situation météo complexe avec ces vents erratiques rendent difficile d’estimer avec précision l’heure d’arrivée (ETA) des premiers skippers. « Pour certains modèles, l’ETA serait le jeudi 8 à 22 heures (heure locale, 4 heures en métropole), pour d’autres le vendredi 9 à 10 heures (16 heures en métropole) ». Mais Francis tient à rappeler « qu’il faudra patienter pour affiner les ETA ». En revanche, une arrivée groupée continue de se profiler. D’ailleurs les deux derniers de la flotte - les jeunes Ellie Driver et Oliver Hill (Women Engineering Society, 17e) ainsi que Pier-Paolo Dean et Tiphaine Rideau (Les Banques Alimentaires, 16e) - sont jusqu’à 3 noeuds plus rapides que les autres. Ils vont donc continuer à réduire fortement les écarts dans les prochaines heures avant une arrivée qui s’annonce donc spectaculaire à Saint-Barthélemy.
DES NOUVELLES DE LA FLOTTE
« Ça va être un finish un peu long mais au moins on en profite pour sécher nos affaires », confie Thomas de Dinechin (Almond for Pure Ocean). Romain Bouillard, lunettes de soleil et chapeau sur la tête, explique lui aussi « avoir retrouvé le soleil et faire tout sécher, c’est l’été ici ». « On est en lycra et en short, on se rapproche de la maison », s’amuse Cindy Brin (Cap St Barth). « C’est la première fois qu’on a pu naviguer sans les cirés depuis le début de la course », a apprécié Laure Galley (DMG MORI Academy). De quoi permettre de profiter un peu plus du décor. Adrien Simon évoque « le beau ciel étoilé avec plein de météorites, de grosses boules vertes, super sympa à voir ».
D’autres ont immortalisé le coucher de soleil comme Maggie Adamson et Calanach Finlayson (Solan Ocean Racing), Anaëlle Pattusch et Hugo Cardon (Humains en action). Martin Le Pape et Mathilde Géron, eux, ont été pris en photo par un cargo français et ont pu échanger avec eux par la VHF. De leurs côtés, Ellie Driver et Oliver Hill (Women Engineering Society) ont pris le temps de revenir sur leur rencontre avec une baleine. Cindy Brin et Thomas André (Cap St Barth) se sont activés pour enlever les poissons-volants qui se sont faufilés partout sur le pont. Romain Bouillard, lui, a fait une vidéo de Poulpie, son poulpe en peluche. « Il a été mouillé et pourtant il ne se plaint jamais. C’est un gars chouette ! » Mathilde Géron, elle, a découvert les petits mots que ses filles lui ont écrits. « Allez maman, tu es la meilleure ! Faut que tu nous ramènes la coupe ! » Il n’y a pas mieux pour rester motivé jusqu’au bout !
Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Transat Paprec et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.