
La France est un acteur majeur dans ce secteur. En 2021, elle a produit 5 807 tonnes de poissons marins (source : Agreste 2025), principalement du bar (2 128 tonnes), de la daurade (1 881 tonnes), mais aussi du maigre, du saumon, de la sole ou encore de l’esturgeon, dont elle tire une production de 45 tonnes de caviar par an, ce qui la place parmi les trois principaux producteurs mondiaux avec l’Italie et la Chine. Ce développement est tiré par une vingtaine d’entreprises de grossissement réparties sur tout le littoral, avec une concentration plus marquée en Méditerranée. À cela s’ajoute une activité d’écloserie dynamique, avec près de 99 millions d’alevins produits en 2021, dont 90 % sont destinés à l’export. Mais si la filière est florissante, elle est loin d’être neutre pour ceux qui sillonnent la côte à la voile ou au moteur. Ces zones, pourtant signalées, restent souvent mal identifiées sur les cartes ou peu visibles en mer. Résultat : des surprises, des inquiétudes, voire des incidents.
Des fermes flottantes peu visibles et parfois mal cartographiées
Une ferme aquacole se compose de cages circulaires ancrées au fond, reliées entre elles par des câbles immergés. En surface, seules des bouées jaunes marquent les limites de la zone. Ces bouées, censées porter la mention "cultures marines", se confondent parfois avec celles des casiers ou des zones de baignade. Par mer formée, au crépuscule ou dans un secteur inconnu, elles peuvent facilement passer inaperçues.
Les cartes papier du SHOM indiquent les concessions, mais les applications électroniques populaires chez les plaisanciers n’intègrent pas systématiquement les dernières mises à jour. Il n’est pas rare qu’une ferme installée depuis plusieurs mois n’apparaisse pas ou mal sur un traceur. D’autant que certaines exploitations sont susceptibles de modifier légèrement la position de leurs cages pour des raisons logistiques ou environnementales, sans que cela soit immédiatement répercuté dans les outils de navigation.
Dans ces conditions, la navigation peut devenir piégeuse. Des navigateurs rapportent des cas de lignes de mouillage coincées, d’hélices prises dans des filins ou de safrans endommagés après un passage trop proche. Les câbles reliant les structures sont rarement visibles à l’oeil nu, et peuvent courir sous la surface à quelques dizaines de centimètres, voire affleurer selon la houle ou la marée.
Des zones de mouillage et de passage de plus en plus restreintes
Au-delà du danger mécanique, c’est l’occupation de l’espace maritime qui pose question. Certaines piscicultures sont situées à moins d’un mille nautique de la côte, parfois en plein coeur de zones historiquement utilisées pour le mouillage temporaire ou comme abris de vent. C’est le cas sur certaines portions du littoral méditerranéen, comme au large de Gruissan, de Frontignan ou dans les calanques de Marseille, mais aussi en Atlantique, près de l’île d’Oléron ou dans la rade de Brest.
En période estivale, la cohabitation entre navires de travail, embarcations de surveillance, engins de ravitaillement et navigation de plaisance devient tendue. Les piscicultures, même discrètes, mobilisent une logistique lourde et permanente : nourrissage automatisé, contrôles sanitaires, entretien des cages. Ce ballet invisible rend certaines zones moins accueillantes pour les plaisanciers.
De plus, les fermes étant considérées comme des installations sensibles, le mouillage y est strictement interdit, même à proximité immédiate. Un voilier cherchant un abri pour quelques heures peut ainsi se voir contraint de modifier totalement sa route.

Adapter sa navigation à une mer désormais partagée
Ce nouveau paysage maritime impose aux plaisanciers une vigilance renouvelée. La première précaution consiste à préparer sa navigation avec des cartes officielles à jour, en consultant notamment les services du SHOM ou les portails des Directions Interrégionales de la Mer (DIRM), qui publient les cartes des concessions en ligne. Les cartes électroniques peuvent servir en complément, mais ne doivent pas être la seule source d’information.
La veille visuelle reste primordiale. Même dans des eaux familières, il est essentiel de garder l’oeil sur la surface, d’identifier les bouées jaunes inhabituelles et de s’écarter des zones densément équipées. Mieux vaut allonger la route d’un demi-mille que de risquer un enchevêtrement de ligne ou un accrochage.
Ce que révèlent ces piscicultures, c’est une réalité nouvelle : la mer, longtemps perçue comme un espace libre, devient un espace aménagé, productif, contraint. L’émergence des parcs éoliens offshore, les réserves naturelles marines, les zones militaires, et désormais les concessions aquacoles dessinent une carte maritime de plus en plus complexe. Naviguer, aujourd’hui, c’est savoir lire cette complexité.
Mais ce changement n’est pas nécessairement un obstacle. Il peut devenir l’occasion d’élever notre pratique de la mer. En intégrant ces nouvelles données dans nos réflexes de navigation, nous participons aussi à une meilleure cohabitation entre usages. Car la mer, elle aussi, doit être partagée.
Et avant de partir en mer, ayez les bons réflexes en consultant la météo sur METEO CONSULT Marine et en téléchargeant l'application mobile gratuite Bloc Marine.