
Figaro Nautisme : Vous êtes né et avez grandi en Afrique du Sud, « l’autre pays du nautisme ». Le bateau est-il une passion depuis toujours ?
Lex Raas : Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours navigué. Enfant, avec mon père, nous partions naviguer le long des côtes d’Afrique du Sud. En voilier, puis je me suis pris de passion pour l’aviron que j’ai pratiqué assidûment. Après la fac, je cherchais dans quel domaine me lancer professionnellement parlant. A 15 ans, j’avais déjà construit un bateau entièrement de mes mains : un trimaran sur plans Arthur Piver. Alors, avec un de mes amis, John Robertson, on s’est lancé dans la construction navale. Des bateaux de régates : des quarter Ton cup ou Half Tonner. Nos bateaux ont vite acquis une bonne réputation. Ils marchaient bien et étaient costauds pour résister aux conditions locales difficiles. Mais voilà, les coûts d’importation des matériaux et de l’accastillage ont vite rendu les bateaux locaux moins attrayants. Je me suis donc tourné vers l’importation de bateaux du chantier BENETEAU en Afrique du Sud. En 1986, le monde prend des sanctions économiques drastiques contre le régime d’Apartheid. En une seule nuit, le taux de change de la monnaie sud-africaine s’est totalement effondré et j’ai tout perdu. J’ai alors appelé BENETEAU qui m’a proposé de les rejoindre. Je n’ai pas hésité longtemps et j’ai embarqué ma femme et mes 4 enfants pour cette nouvelle aventure en France puis aux USA, toujours pour BENETEAU...
Figaro Nautisme : Chez The Moorings (puis Sunsail), vous avez imposé les catamarans dans les flottes de location. Comment cela s’est-il passé ?
Lex Raas : Lorsque j’étais chez BENETEAU, j’étais en contact avec The Moorings qui nous achetait des bateaux pour ses bases de location. Quand j’ai voulu retourner vivre aux USA où 3 de mes enfants étaient restés pour leurs études, BENETEAU n’avait plus de poste pour moi là-bas. Avec l’accord du chantier, je me suis rapproché de The Moorings qui m’a proposé de les rejoindre en tant que directeur logistique, un poste qui ne me correspondait pas forcément, mais pour rejoindre ma famille, je n’ai pas hésité. En partant, Madame Roux, la patronne de BENETEAU, a dit à ses équipes de ne pas me laisser partir au risque que je leur créé un concurrent. Comme toujours, elle avait raison !
Chez Moorings, j’ai rapidement évolué pour m’occuper de l’achat des bateaux pour renouveler les flottes. Nos locataires aimaient franchement les bateaux sur lesquels ils naviguaient, mais certains détails restaient à améliorer. Par exemple sur les catamarans à l’époque, ils n’aimaient pas devoir descendre dans les coques pour accéder à la cuisine. Et les travellers dans les cockpits ? Ils ne comprenaient pas l’intérêt de les avoir dans les pieds ! Brefs, des détails que j’ai voulu régler auprès des constructeurs avec qui nous travaillions. Mais personne n’a voulu me suivre. J’ai donc appelé mon vieux complice John Robertson en Afrique du Sud où il avait créé le chantier Robertson & Caine. « John, tu peux me construire un catamaran ? Ou plutôt 17 catamarans ? ». Nous avons établi le cahier des charges du bateau dont nous avions besoin, trouvé le nom de Leopard et... depuis une trentaine d’années, Robertson & Caine construit les catamarans Leopard ! Un deal passé avec une simple poignée de main à l’époque, mais c’est comme ça que j’aime travailler.
Figaro Nautisme : Aquila catamarans c’est aujourd’hui une gamme complète de catamarans à moteur. Pouvez-vous nous expliquer le concept de ces bateaux ?
Lex Raas : Nous avons créé Aquila en 2010. Après le succès des Leopard à voile, j’ai développé la gamme de catamarans à moteur toujours pour The Moorings. Mais après 16 années, j’ai eu envie d’un nouveau challenge et, là encore, c’est une rencontre qui va tout déclencher. Je devrais dire, deux... rencontres. Frank Xiong de Sino Eagle Group et Bill McGill de Marinemax. Le premier avait construit quelques Leopard à moteur à une époque et j’avais apprécié sa manière de travailler. Marinemax était - et est toujours - l’un des plus importants vendeurs de bateaux aux USA. Ensemble, nous avions le triptyque gagnant : innovation - construction et distribution. En 15 ans, nous sommes devenus les leaders sur le marché du catamaran à moteur.
Aquila propose aujourd’hui une gamme complète de catamarans à moteur de 28 à 70 pieds, du dayboat pour aller pêcher en mer au yacht pour vivre à bord dans le plus grand confort. Des bateaux modernes, élégants, rapides et bien plus économiques en consommation que leurs équivalents en monocoque...
Figaro Nautisme : Comment naviguerons-nous dans 10 ans, sur quels types de bateaux ?
Lex Raas : Vaste question... Nous serons forcément toujours plus nombreux en catamarans, des bateaux plus faciles à manoeuvrer, encore plus confortables, mais aussi plus économes sans grever les plaisirs en navigation. Nous proposons déjà sur certains modèles des foils fixes qui permettent d’augmenter les performances extrêmement facilement. Nous avons beaucoup d’autres idées chez Aquila, et vous les verrez bientôt sur les prochains modèles que nous présenterons dans les années à venir.
Figaro Nautisme : Aquila en chiffres ?
Lex Raas : En seulement 15 ans d’existence, nous sommes devenus les leaders dans la construction de catamarans à moteur. Nous proposons une gamme complète de 10 bateaux dont le tout nouvel Aquila 50 et les 42 et 46 Coupé qui sont équipés en standard de notre système de foils fixes.
Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Lex Raas : Quand je suis à Hawaï - ce qui est le cas actuellement - ou à Miami, je navigue tout le temps... Donc, hier et tout à l’heure !