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Ces chiffres, déjà alarmants, ne tiennent pas compte des autres formes de pollution générées par le transport maritime, telles que le rejet d’eaux usées, de déchets plastiques, de substances toxiques, ou encore la dispersion involontaire d’engins de pêche abandonnés, véritables pièges mortels pour la faune marine.
Des rejets multiples aux conséquences désastreusesLes hydrocarbures, souvent pointés du doigt, ne sont qu’un aspect du problème. Le transport maritime est également responsable de la pollution chimique via le rejet d’eaux de ballast, chargées de résidus de carburant et de micro-organismes exotiques qui bouleversent les écosystèmes locaux. À cela s’ajoute la pollution sonore sous-marine, causée par le bruit des moteurs et des hélices, qui perturbe les cétacés et d’autres espèces marines sensibles.Le problème du plastique est lui aussi critique : chaque année, environ 150 000 tonnes de plastique sont directement rejetées en mer par les navires, principalement sous forme d’emballages, de microplastiques provenant des peintures antifouling et de filets de pêche abandonnés. Ces derniers, souvent constitués de nylon ou de polypropylène, continuent de piéger et d’étouffer la faune pendant des décennies.
L’Europe face au défi de la pollution maritimeAvec 22 États membres côtiers et une façade maritime s’étendant sur plus de 68 000 km, l’Union européenne (UE) joue un rôle clé dans la lutte contre la pollution marine. Son 8e programme d’action pour l’environnement fixe comme priorité une pollution zéro des eaux à l’horizon 2030. Cette ambition s’inscrit dans un cadre plus large, avec un engagement fort en faveur de l’objectif de développement durable 14 de l’ONU, qui vise à réduire nettement la pollution marine d’ici 2025.Pour renforcer cette politique, l’UE a mis en place plusieurs mesures :• Le règlement européen sur le contrôle des émissions des navires, qui impose des normes strictes sur les émissions d’oxydes de soufre (SOx) et d’oxydes d’azote (NOx) dans certaines zones maritimes sensibles, comme la mer Baltique et la mer du Nord.• Le système européen de surveillance et de contrôle du trafic maritime (SafeSeaNet), qui permet de suivre les rejets suspects et de détecter les infractions.• Le renforcement des obligations pour les ports européens en matière de gestion des déchets des navires, avec la directive "Port Reception Facilities", obligeant les navires à décharger leurs déchets dans des infrastructures portuaires adéquates.Malgré ces efforts, l’application des réglementations reste un défi de taille. Un rapport de la Cour des comptes européenne, couvrant la période 2014-2024, souligne des lacunes persistantes dans la mise en œuvre des règles, notamment en raison du manque d’harmonisation entre les États membres et de contrôles insuffisants.
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Des contrôles inégaux et une volonté politique à renforcerL’audit mené dans le cadre du rapport a inclus des visites en France et en Allemagne, couvrant la mer du Nord et la mer Baltique, où se situent certaines des routes maritimes les plus fréquentées au monde. Avec Hambourg et Le Havre parmi les principaux ports de fret européens, ces zones sont particulièrement exposées aux risques de pollution.Les résultats montrent que, si certaines réglementations sont appliquées avec rigueur, d’autres souffrent d’un manque de moyens et de coordination. Le faible nombre d’inspections en mer, le manque de sanctions dissuasives et les écarts entre les réglementations nationales compromettent l’efficacité des mesures en place.En parallèle, l’Organisation maritime internationale (OMI) tente d’accélérer la transition énergétique du secteur, avec la mise en œuvre de nouvelles normes sur les carburants marins et le développement de technologies plus propres (GNL, hydrogène, propulsion vélique). Toutefois, la transition reste lente, freinée par les coûts élevés et la réticence des acteurs économiques.
Un tournant écologique encore timide pour le transport maritimeFace à ces défis, des alternatives émergent. Certaines compagnies maritimes expérimentent des solutions innovantes, telles que l’intégration de voiles rigides pour réduire la consommation de carburant, l’utilisation de biocarburants ou encore le développement de ports intelligents, capables de fournir une alimentation électrique aux navires à quai pour limiter les émissions.Toutefois, la question de la pollution des navires ne pourra être résolue sans une approche mondiale et contraignante. L’Europe a posé les bases, mais une coopération renforcée avec les pays non européens et des mesures plus strictes seront nécessaires pour espérer atteindre un véritable objectif zéro pollution marine.En attendant, les océans continuent de payer un lourd tribut à l’essor du commerce maritime. La transition écologique du secteur, bien que lancée, reste encore trop timide face à l’urgence environnementale.