
Après avoir suivi les traces de Jean Cabot et de Jacques Cartier, poursuivons notre exploration historique avec une figure tout aussi marquante des grandes découvertes maritimes : James Cook.
Une ascension depuis les terres du Yorkshire
James Cook voit le jour en 1728 dans le nord de l’Angleterre. Rien, a priori, ne le prédestine à parcourir les mers du globe. Fils d’un métayer écossais, il quitte l’école à treize ans pour travailler dans une épicerie. Mais la routine terrestre ne lui suffit pas. Il embarque à dix-sept ans sur des navires de transport de charbon qui longent la côte est de l’Angleterre. Ces années de navigation côtière sont son premier laboratoire : il y apprend la rigueur, l’observation du ciel, la lecture des courants. Il se passionne surtout pour la cartographie, une compétence rare à l’époque. À vingt-six ans, il prend un risque inattendu : il abandonne un avenir stable dans la marine marchande pour repartir de zéro dans la Royal Navy. C’est un choix stratégique. Il y voit une chance d’apprendre davantage, de naviguer plus loin - et de se faire un nom.
Du golfe du Saint-Laurent à Terre-Neuve : la science en terrain de guerre
Lors de la guerre de Sept Ans, Cook participe à plusieurs batailles clés, notamment à Louisbourg et Québec. Mais c’est surtout par ses relevés précis des côtes canadiennes qu’il impressionne. Il fournit aux commandants britanniques les cartes nécessaires pour manoeuvrer leurs troupes, ce qui contribue à la prise de Québec en 1759. Ces compétences valent à Cook d’être remarqué par les autorités navales et scientifiques.
Après la guerre, il passe plusieurs années à cartographier les côtes de Terre-Neuve. Ce travail long et exigeant, qu’il réalise en autonomie, le distingue comme un homme de méthode. Il observe une éclipse solaire en 1766, publie des données astronomiques, se perfectionne en mathématiques. C’est un marin, mais c’est aussi un homme des Lumières.
L’Endeavour et la première grande traversée (1768-1771)
En 1768, il se voit confier sa première grande expédition. À bord de l’Endeavour, Cook a pour mission d’observer le passage de Vénus depuis Tahiti - un événement astronomique rare - et d’explorer le Pacifique sud, à la recherche du mystérieux continent austral que beaucoup soupçonnent encore d’exister.
Après avoir mené à bien l’observation astronomique, il se lance dans une longue exploration du Pacifique. Il contourne la Nouvelle-Zélande, prouvant qu’il ne s’agit pas d’un vaste continent mais de deux îles principales. Puis il longe la côte est de l’Australie, qu’aucun Européen n’avait encore cartographiée de manière aussi précise. Il frôle la catastrophe en échouant sur la Grande Barrière de corail, mais parvient à sauver son navire.
Pendant tout ce périple, Cook se distingue par une attention constante à la santé de ses hommes : il expérimente une alimentation variée, introduit le lavage des ponts, lutte contre le scorbut. Grâce à lui, peu de marins meurent, une performance rare à cette époque.

Le regard d’un explorateur sur les peuples du Pacifique
Cook n’est pas qu’un navigateur. Il est aussi un observateur. Accompagné du botaniste Joseph Banks et du dessinateur Sydney Parkinson, il documente plantes, animaux, paysages et populations locales. Il prend des notes détaillées sur les coutumes des Tahitiens, des Maoris, des Aborigènes.
Il n’idéalise pas toujours ces sociétés, mais tente de les comprendre. Il note par exemple que les Européens, « civilisés », sont souvent plus destructeurs que les peuples qu’ils rencontrent. Cette lucidité, rare pour un officier britannique du XVIIIe siècle, donne une dimension plus humaine à ses récits de voyage.
Le deuxième voyage (1772-1775) : dans les glaces du sud
Sa deuxième expédition, à bord du Resolution et accompagnée du Adventure, vise à trancher une vieille question : existe-t-il un vaste continent austral au sud du globe ? Cook pousse ses navires plus loin que quiconque dans les mers glacées de l’Antarctique. Il traverse trois fois le cercle polaire antarctique, affronte des tempêtes, navigue entre les icebergs. Aucun continent habité n’émerge. Il détruit ainsi un mythe qui persistait depuis l’Antiquité.
Il explore aussi de nouvelles terres : la Géorgie du Sud, les Tonga, la Nouvelle-Calédonie. À chaque escale, il continue ses observations scientifiques. Il perfectionne encore ses méthodes de cartographie, au point que certaines de ses cartes seront utilisées pendant un siècle.
Le dernier voyage et la fin tragique (1776-1779)
En 1776, Cook repart pour une ultime mission : découvrir un passage navigable entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique par le nord, au-delà du détroit de Béring. Il remonte la côte ouest de l’Amérique du Nord, longe l’Alaska, mais se heurte aux glaces. Aucune route ne s’ouvre.
Il redescend vers Hawaï, qu’il avait déjà abordée un an plus tôt. Lors de sa première visite, les habitants l’avaient accueilli avec des honneurs, croyant parfois qu’il s’agissait d’un être surnaturel. Mais au retour, le climat a changé. Des tensions surgissent. Un vol d’embarcation dégénère en conflit. Cook est tué à Kealakekua Bay le 14 février 1779, lors d’un affrontement avec les Hawaïens. Son corps ne sera jamais retrouvé en entier.
Un héritage entre science, exploration et pouvoir
James Cook laisse derrière lui des cartes précises, des milliers d’observations scientifiques, des journaux de bord traduits et commentés dans toute l’Europe. Il est à la fois l’outil d’un Empire en expansion et un homme sincèrement curieux du monde. Il a parfois imposé sa force, mais il a aussi cherché à comprendre, dialoguer, préserver la vie de ses marins comme celle de ses interlocuteurs.
Son nom est donné à des îles, des détroits, une université. Mais au-delà des hommages, c’est sa démarche qui marque les esprits : une volonté de repousser les limites de la connaissance, sans jamais cesser de douter, d’apprendre, de regarder.
James Cook n’a pas découvert le Pacifique. Il l’a rendu visible, lisible, compréhensible. Et ce faisant, il a changé à jamais notre façon de voir le monde.