Tempêtes hivernales et bouleversement climatique : ce que cela change pour nos navigations !

Equipements
Par Mark Bernie

L’image d’Épinal du port breton endormi sous une brume paisible en janvier a vécu. Si l’hiver a toujours été la saison du « gros temps », les dernières années ont marqué une rupture. Des phénomènes violents, comme la tempête Ciarán fin 2023, redessinent non seulement nos paysages côtiers mais imposent une refonte totale de notre manière d’envisager la navigation hors-saison. Entre érosion accélérée, surcotes imprévisibles et fenêtres météo qui se réduisent comme peau de chagrin, comment le plaisancier doit-il s'adapter à cette nouvelle donne ?

L’image d’Épinal du port breton endormi sous une brume paisible en janvier a vécu. Si l’hiver a toujours été la saison du « gros temps », les dernières années ont marqué une rupture. Des phénomènes violents, comme la tempête Ciarán fin 2023, redessinent non seulement nos paysages côtiers mais imposent une refonte totale de notre manière d’envisager la navigation hors-saison. Entre érosion accélérée, surcotes imprévisibles et fenêtres météo qui se réduisent comme peau de chagrin, comment le plaisancier doit-il s'adapter à cette nouvelle donne ?

Il y a encore dix ans, hiverner son bateau signifiait le rincer, le désarmer et attendre patiemment les beaux jours. Aujourd'hui, la donne a changé. Le changement climatique ne se contente pas de réchauffer l’atmosphère, il charge les systèmes dépressionnaires en énergie. Pour le navigateur, qu’il soit un habitué des sorties hivernales en Manche ou un candidat au grand voyage préparant son bateau en Méditerranée, l’impact est direct et brutal. Nous ne parlons plus simplement de « mauvais temps », mais d’une transformation structurelle de notre terrain de jeu : la zone côtière.

La fin des dépressions « classiques » ?

Ce qui frappe les experts comme ceux de METEO CONSULT et les observateurs du littoral, c'est l'intensité et la soudaineté des phénomènes. On assiste de plus en plus fréquemment à ce que les météorologues appellent des « cyclogénèses explosives » ou « bombes météorologiques ». Concrètement, il s'agit d'une chute de pression atmosphérique vertigineuse, supérieure à 24 hectopascals en 24 heures. Pour le plaisancier, cela signifie que la lecture du baromètre à l'ancienne ne suffit plus toujours pour anticiper. Le vent ne monte plus progressivement ; il explose.

Marc, chef de base dans une marina du Finistère, témoigne de cette violence nouvelle qui surprend même les vieux loups de mer. Selon lui, les bateaux, même amarrés, souffrent énormément. Il raconte voir désormais des taquets arrachés et des aussières de 18 millimètres rompre net sous les rafales, des dégâts qu'il ne constatait auparavant que tous les dix ans et qui deviennent presque la norme chaque hiver.

Cette énergie décuplée se traduit par un état de la mer souvent dantesque, avec des houles qui, combinées aux marées, créent des phénomènes de surcote (l'élévation du niveau de la mer au-dessus de la marée astronomique prévue) particulièrement dangereux pour les installations portuaires et les mouillages forains.

Un trait de côte qui recule, des cartes à revoir

L’autre conséquence directe pour la navigation côtière est la modification physique du littoral. Sous les assauts répétés des houles hivernales toujours plus violentes, le trait de côte recule, et les fonds bougent. Les plaisanciers qui naviguent en Aquitaine ou près des estuaires normands le savent bien : les bancs de sable se déplacent désormais à une vitesse stupéfiante. Une carte marine, même électronique et mise à jour l'année précédente, peut s'avérer trompeuse après une série de tempêtes hivernales. L’érosion des falaises et le transport sédimentaire modifient les entrées de port et les chenaux d'accès. C’est un piège redoutable pour le navigateur qui se fie à sa mémoire ou à ses traces GPS de l’été précédent. Et ce piège, il faut absolument l’éviter !

Sophie, une lectrice habituelle du Figaro Nautisme et qui vit à bord de son voilier en Charente-Maritime, explique qu'elle doit désormais réapprendre son bassin de navigation chaque printemps. Elle note que certains de ses mouillages favoris, autrefois bien protégés par des langues de sable, sont aujourd'hui exposés à la houle car le banc protecteur a été "gommé" par les tempêtes de l'hiver.

Le paradoxe de la douceur : naviguer plus, mais naviguer "dur"

Ce dérèglement climatique entraine un paradoxe étonnant. Les hivers sont globalement plus doux. Les températures plus clémentes incitent de nombreux plaisanciers à laisser le bateau à l'eau et à naviguer toute l'année, profitant de ces lumières hivernales rasantes qui sont, il faut l'avouer, d'une beauté absolue. Mais cette douceur a un prix : une atmosphère plus chaude contient plus d'humidité, carburant idéal pour les dépressions. Naviguer en hiver en France demande désormais une vigilance météo de tous les instants. Il ne s'agit plus de partir pour trois jours en se disant que le temps va se maintenir. Les fenêtres météo sont courtes, parfois violentes. La stratégie du « saute-mouton », qui consiste à passer d'un abri sûr à un autre sur de courtes distances, devient la règle d'or.

Comme le rappellent souvent les bulletins de METEO CONSULT Marine, il faut savoir renoncer. Si les modèles prévoient un flux d'ouest soutenu sur plusieurs jours, l'état de la mer résiduel rendra toute sortie non seulement inconfortable mais dangereuse, même si le vent semble maniable.

Sécuriser son navire : le nouveau standard

Face à ces éléments déchaînés, le matériel doit évoluer. Pour ceux qui laissent leur bateau à flot, l'équipement d'amarrage standard fourni par les chantiers (souvent calculé au plus juste) n'est plus suffisant pour affronter les hivers actuels. Il devient indispensable de doubler les amarres, d'investir dans des amortisseurs de quai haute performance et de protéger les zones de ragage avec un soin maniaque. De nombreux propriétaires installent désormais des chaînes ou des câbles de sécurité directement sur les corps-morts, ne faisant plus confiance aux seuls cordages textiles face aux coups de boutoir des tempêtes modernes. Sur le bateau lui-même, le fardage (la prise au vent) doit être réduit au minimum absolu : tout ce qui peut être démonté (capote, bimini, panneaux solaires orientables, voiles sur enrouleur) doit l'être. Laisser un génois sur enrouleur en plein hiver est devenu un pari risqué, même avec une bande anti-UV neuve. Une rafale à 70 nœuds aura vite fait de dérouler un petit bout de voile et de transformer le tout en lambeaux, mettant en danger le gréement entier.

Une école de l'humilité et de la technique

Est-ce la fin de la navigation hivernale ? Absolument pas. Au contraire, c'est une école d'excellence. Ceux qui naviguent aujourd'hui l'hiver sur nos côtes développent un sens marin aiguisé. Ils apprennent à lire le ciel, à interpréter les signes précurseurs d'une dégradation rapide et à manœuvrer dans des ports où le courant et le vent peuvent être contraires et forts. C'est une navigation engageante, physique, qui demande un bateau parfaitement préparé et un équipage soudé. Mais le plaisir est là, intact. Se retrouver seul au mouillage dans une ria bretonne ou une calanque marseillaise, loin de la foule estivale, reste un privilège rare.

Simplement, ce privilège se mérite aujourd'hui un peu plus qu'hier.

Il demande d'accepter que la nature change, qu'elle est plus puissante, et que nous, plaisanciers, ne sommes que des invités tolérés si, et seulement si, nous savons rester humbles et prudents face à ces nouvelles colères du ciel.

Avant de partir en mer, pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine et à télécharger l'application mobile gratuite Bloc Marine.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.