Le Jardinier de Corail - Chapitre 4 : Plage de Temae, le jardin de corail du Sofitel

« Mon ami, tu as nagé au- dessus des coraux du lagon ?»« Non »« Il le faut, dessous c’est du Picasso ! », et de continuer :« C’est le plus beau lagon de l’île, il y a du courant, l’eau est la plus claire de toute l’île »« Tu es d’ici ? »« Oui j’entretiens la plage publique. Tu nages jusqu’à la barrière et tu te laisses porter par le courant jusqu’au Sofitel, c’est du Picasso mon ami ! »Jack est le directeur des relations avec la clientèle du superbe hôtel Sofitel. C’est un polynésien avenant.J’ignores pourquoi mais la conversation arrive rapidement sur la ciguatera.« On nous a dit que tous les poissons du lagon étaient infestés par la ciguatera »« Pas du tout, ici oui, mais chez moi à Tiahura je pêche toutes les semaines et je mange le poisson sans problème »« Tiahura c’est après les Tipanier ? »« Oui, c’est cela ». C’est en fait à l’opposé de Temae, à la pointe nord-ouest de l’île.« Vous avez déjà eu la ciguatera ? »« Oui à Fakarava, mais ils ont un antidote, préparé avec des décoctions de faux tabac. C’est un arbre qui pousse sur les atolls, en tahitien on appelle cela Tahinou ou Tohonu ».
Déjà qu’on apprend que le corail est un animal voici maintenant qu’il y a un remède à la ciguatera ! La ciguatera c’est Gambierdiscus toxicus, algue microscopique des mers chaudes qui produit des toxines. Que ce soit en Polynésie ou au Antilles elle s’appelle « la gratte ». Les poissons herbivores du lagon consomment la ciguatera qui n’a aucune toxicité pour eux, ni pour leurs prédateurs carnassiers qui concentrent tout au long de la chaîne alimentaire la toxine. Arrive alors l’homme, rient ne permet de savoir si un poisson est porteur ou non de la gratte. Les symptômes digestifs inaugurent la scène clinique, suivis rapidement par des effets cardiologiques, neurologiques, et… le prurit (la gratte). Cela peut durer de quelques jours à quelques semaines, il y a des formes au long cours et même létales ! Ça fait cher du joli poisson de lagon, du mérou, du barracuda, du vivaneau. Pour ma part dans ces eaux, et depuis 45 ans je ne mange que du poisson pélagique : Thon, marlin, espadon, dorade coryphène, ayant pu observer un cas d’ingestion qui a tenu la jolie touriste amatrice de vivaneau un mois en réanimation…
Mais pourquoi parler de la ciguatera ? Mais parce qu’elle a à voir avec le corail. Le blanchiment du corail, sa disparition, favorise le remplacement sous-marin par les algues dont notre algue des Gambiers. C’est un fait connu que la ciguatera se développe après un passage cyclonique. La santé du lagon, ; c’est la nôtre ! Insidieusement je l’avoue, et comme je le ferais plus tard avec le directeur du Sofitel, je pose la question du traitement des eaux usées de l’hôtels. Ils sont tous les deux unanimes : leur station est parfaitement aux normes, entretenue avec soins. L’eau est réutilisée, entre autres, pour l’arrosage. On veut bien les croire. En tout cas là aussi, au Sofitel, de nombreux panneaux renseignent sur le corail, sa vie, sa variété et les opérations de préservation.
Mais revenons avec Jack. Pour aborder le côté économique de l’affaire dont je m’étais déjà entretenu avec Mathieu.« Nous sommes allés avec Mathieu voire le corail au Hilton »« Oui c’est maintenant Max qui le remplace, il travaille avec nous »« Comment se rémunèrent-ils ? »« Et bien soit ils organisent des sorties de snorkeling avec une activité de bouturage de corail, et ce sont les participants qui les règlent, soit nos clients à la fin de leur séjour chez nous acquittent une participation éco responsable »« En pratique ça se passe comment ? »« Et bien sur votre note d’hôtel, à votre départ, on vous invite à régler une participation financière, non obligatoire, pour l’entretient des coraux du jardin du Sofitel »De fait, en soldant notre compte à la réception, il nous sera proposé de laisser un peu plus de 3 euros par personne pour notre jardinier.On peut mettre plus !
Il y a une dernière question qui me vient en parlant avec Jack, lui le polynésien, le local, le pêcheur, l’amoureux, comme tous de son île.Mais auparavant nous le félicitons du travail qui a été fait et le plaisir qu’il y a à se laisser porter par le courant au -dessus de ces tableaux vivants, formes et couleurs, témoins de la variété et de la vitalité du vivant.« Nous avons eu des attaques d’étoiles Taramea, c’est incompréhensible et vraiment destructeur, surtout si vous en voyez ne les touchez pas ! »« Jack, c’est votre île, votre lagon, c’est un travail incroyable. Mais comment les autres habitants de Moorea considèrent le corail ? »« Pour eux c’est du caillou, du rocher ! »
Et bien il a donc de l’espoir et tout à gagner en commençant par l’éducation à l’école ici, à Moorea.Mathieu ça te dirait d’aller porter aux enfants la parole de la plus belle des natures ?
FINMerci à Mathieu Kerneur pour sa patience et son dévouement.Toutes les photos sous-marines sont issues de sa collection.Merci à Jean Pellissier et à Brigitte pour leur accueil et leur aide.Mauruuru
Pour ne pas rester sur votre faim :Un incontournable de Moorea se trouve sur la route entre Opunohu et Haapiti. C’est au bord du lagon, on nourrit les poissons. Passent raies et pointes noires. Le nombre de voitures garées sur le bas-côté signale l’endroit : Snack Manaha
Entre autres sur la ciguatera :https://www.ciguatera.pf/index.php/fr/85-traitementshttps://www.inspq.qc.ca/sante-voyage/guide/risques/ciguatera/situationhttps://www.plateforme-sca.fr/point_sur/la-ciguatera-et-les-ciguatoxinesEt surtout la thèse de Manon Marion Maryannick Jambou en 2023 : La ciguatéra en Polynésie française : du phénomène écologique à l’impact sur la santé. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-04017580v1