
Dans le jargon des records à la voile, le terme de « fenêtre météo » est souvent employé dans une phase de pré-départ. Que se cache-t-il derrière ce terme imagé ? Comment décide-t-on de larguer les amarres ?
En cet hiver 2013, le Sodebo de Thomas Coville est amarré au port de Brest en attente d’un départ à la conquête du record du tour du monde à la voile en solitaire. Chaque jour, le skipper et son équipe scrutent les fichiers météo à la recherche de conditions idéales de navigation : il faut du vent, suffisamment fort et dans la bonne direction, pour naviguer vite. Alors par une journée ventée au port du Château, on croise des touristes qui s’interrogent : « Il y a du vent, pourquoi ne part-il pas ? » Parce que si le temps estimé de cette circumnavigation est d’environ 57 jours, la fiabilité des prévisions de vent atteint péniblement une dizaine de jours. L’objectif est d’exploiter au mieux ce début de parcours: trouver le bon enchaînement de conditions météo pour rallier l’équateur dans le temps du précédent record, établi par Francis Joyon, soit 6 jours et 13 heures. Jean Luc Nélias, le routeur (conseiller météo, ndlr) de Sodebo nous décrit la situation parfaite : « À nos latitudes, on profite du vent de nord-ouest que l’on trouve derrière le front froid d’une dépression pour descendre vers le sud et attraper la bordure de l’anticyclone des Açores où sont établis les alizés. Puis les alizés nous amènent jusqu’au Pot-au-noir ». Il précise aussi que cette situation est « assez rare ».
« À trop écouter la météo, on reste au bistrot »
Ce vieux proverbe de marin résume la problématique du choix du départ. Si la météo est idéale, on part. Si la météo est exécrable, on patiente. Mais si les conditions sont moyennes, comment prendre une décision ? « Nous nous autorisons à partir avec un temps prévu de sept jours jusqu’à l’Équateur » nous dit Jean-Luc Nélias. Une demi-journée de retard est acceptée. Au-delà, la probabilité de battre le record est trop incertaine. Un autre paramètre entre en considération : la période de stand-by, qui est limitée en date. Naviguer autour de l’Antarctique se fait en été, soit en hiver pour nous. Il n’est donc plus raisonnable de s’engager dans ce record après la mi-mars. On comprend alors que plus on approche de cette date fatidique, moins on peut être exigeant sur la qualité de la météo, au risque de regretter les précédentes opportunités.