
C’est un constat qui fait l’unanimité, les équipements dits de confort ont envahi nos bateaux ces vingt dernières années : eau sous pression, eau chaude, réfrigérateur, congélateur, micro-onde, télévision, chauffage, climatisation… On pourrait aussi parler des écrans de navigation qui sont certes une aide et un facteur de sécurité important, mais a-t-on vraiment besoin d’en avoir trois allumés simultanément. Le débat fait rage entre partisans du ’comme à la maison’, et tenants d’une ligne plus minimaliste. Les premiers tiennent souvent à s’assurer l’adhésion de leur moitié, pas forcément aussi enthousiaste qu’eux à l’idée de vivre à plein temps sur un bateau, quand les seconds adoptent la doctrine des navigateurs ‘Sail The World’ : « le confort, c’est de disposer de l’essentiel, et que l’on puisse le gérer soi-même ». Attention, le terme « minimaliste » à bord d’un bateau, qu’il soit monocoque ou multicoque de grande croisière en 2022 est à relativiser. Le froid est la principale réoccupation et cela est bien normal car plus qu’un élément de confort, il est à juste titre jugé comme indispensable à la vie à bord. Les réfrigérateurs à tiroirs ont pris une belle part de marché, et si le congélateur ne fait pas l’unanimité, il fait le bonheur de ceux qui l’ont adopté. Pour lisser le fruit erratique de sa pêche ou se régaler d’une bonne entrecôte frites en plein océan, il n’y a pas mieux.
Energies vertes en forte hausse
Problème, tous ces équipements entraînent une « facture » énergétique qui met le dossier sur le dessus de la pile quand il s’agit de vivre à bord sur une longue durée. En gestionnaire éclairé, le skipper du XXI° siècle parie de plus en plus sur un mix énergétique illustrant l’attention qu’il porte à son environnement. L’objectif est clair, utiliser le moins possible, voire idéalement pas du tout, les moteurs diesel comme moyens de recharge. Les multicoques modernes sont les supports parfaits pour mettre en place ce cercle vertueux. Leur surface permet l’installation de panneaux solaires en nombre, et disposer de 1000 W utiles, qui fonctionneront aussi bien en mer qu’au mouillage, est devenu courant. L’autre avantage de naviguer sur deux ou trois coques réside dans leur capacité d’accélération, leurs vitesses moyennes. On voit donc nombre de jupes arrière accueillir un hydrogénérateur, notamment les fameux Watt&Sea lancés par un certain Yannick Bestaven, vainqueur du dernier Vendée Globe, un modèle d’ailleurs issu de la course au large. Les multicoques les plus véloces s’équipent même de la version Racing, certes plus coûteuse, mais quand le speedo indique régulièrement deux chiffres avant la virgule, c’est bien celui qui convient avec son hélice à pas variable. Les témoignages recueillis sur les pontons corroborent les données théoriques, avec 20 A en sortie à 10 nœuds de vitesse et 9 à 10 Ampères dès 6 nœuds. Le tout dans un silence de cathédrale et sans impact ou presque sur la vitesse, que demander de mieux ?
Le Lithium ça vous gagne
Une petite éolienne peut-être ? Clairement ce n’est pas le choix majoritaire des équipages consultés. Les nuisances sonores, le risque d’accident (bosse de ris ou pire, main maladroite), faible rendement au portant comme dans les mouillages abrités, continuent à être des freins importants. Surtout à bord des multicoques qui, comme nous l’avons vu, offrent d’autres sources d’énergies vertes très efficaces. Non, la nouvelle révolution électrique en marche, concerne les batteries, avec l’arrivée en force du lithium. Associant une masse réduite pour une plage d’utilisation étendue, elles avaient tout pour séduire les aficionados du multicoque à la recherche d’autonomie pour leur grand voyage. En plus, leur prix a fortement décru ces dernières années, les rendant presque raisonnables, en tous cas relativement à l’investissement global. Celui qui est en perte de vitesse en revanche, c’est le groupe électrogène. Il faut dire qu’avec déjà deux moteurs sur les catamarans, et toutes les sources d’énergie propres déjà évoquées, on voit mal l’intérêt d’embarquer (poids, encombrement, maintenance...) un troisième moteur thermique. Seuls quelques adeptes invétérés de la climatisation s’y résignent encore.
Conclusion ? Le plaisancier du troisième millénaire a vraiment tous les équipements pour se faciliter la croisière. À tel point que le plus grand risque encouru est peut-être d’en avoir trop. Au risque de perdre de vue l’essence même du voyage en bateau, le plaisir de la vie en autonomie, du lâcher prise, du ralentissement du temps qu'apporte un peu de simplicité.