Grande croisière : confort et énergie à bord, les frères-ennemis ?

Equipements
Par François TREGOUET

Entre tenants de l’esprit rustique de l’école des Glénan et hédonistes qui n’imaginent pas vivre à bord autrement qu’à terre, l’écart semble incompressible. Mais l’évolution technologique pourrait bien rapprocher les points de vue. Petit tour à bord de bateaux candidats au grand voyage.

L'Ovni 400 de Alubat, archétype du voilier de grande croisière moderne - ©François Tregouet - MULTI.media
Entre tenants de l’esprit rustique de l’école des Glénan et hédonistes qui n’imaginent pas vivre à bord autrement qu’à terre, l’écart semble incompressible. Mais l’évolution technologique pourrait bien rapprocher les points de vue. Petit tour à bord de bateaux candidats au grand voyage.

C’est un constat qui fait l’unanimité, les équipements dits de confort ont envahi nos bateaux ces vingt dernières années : eau sous pression, eau chaude, réfrigérateur, congélateur, micro-onde, télévision, chauffage, climatisation… On pourrait aussi parler des écrans de navigation qui sont certes une aide et un facteur de sécurité important, mais a-t-on vraiment besoin d’en avoir trois allumés simultanément. Le débat fait rage entre partisans du ’comme à la maison’, et tenants d’une ligne plus minimaliste. Les premiers tiennent souvent à s’assurer l’adhésion de leur moitié, pas forcément aussi enthousiaste qu’eux à l’idée de vivre à plein temps sur un bateau, quand les seconds adoptent la doctrine des navigateurs ‘Sail The World’ : « le confort, c’est de disposer de l’essentiel, et que l’on puisse le gérer soi-même ». Attention, le terme « minimaliste » à bord d’un bateau, qu’il soit monocoque ou multicoque de grande croisière en 2022 est à relativiser. Le froid est la principale  réoccupation et cela est bien normal car plus qu’un élément de confort, il est à juste titre jugé comme indispensable à la vie à bord. Les réfrigérateurs à tiroirs ont pris une belle part de marché, et si le congélateur ne fait pas l’unanimité, il fait le bonheur de ceux qui l’ont adopté. Pour lisser le fruit erratique de sa pêche ou se régaler d’une bonne entrecôte frites en plein océan, il n’y a pas mieux.

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Avec ses grandes surfaces de panneaux solaires, le Lagoon 51 illustre tous les avantages du multicoque en la matière - © François Tregouet - MULTI.media

Energies vertes en forte hausse

Problème, tous ces équipements entraînent une « facture » énergétique qui met le dossier sur le dessus de la pile quand il s’agit de vivre à bord sur une longue durée. En gestionnaire éclairé, le skipper du XXI° siècle parie de plus en plus sur un mix énergétique illustrant l’attention qu’il porte à son environnement. L’objectif est clair, utiliser le moins possible, voire idéalement pas du tout, les moteurs diesel comme moyens de recharge.  Les multicoques modernes sont les supports parfaits pour mettre en place ce cercle vertueux. Leur surface permet l’installation de panneaux solaires en nombre, et disposer de 1000 W utiles, qui fonctionneront aussi bien en mer qu’au mouillage, est devenu courant. L’autre avantage de naviguer sur deux ou trois coques réside dans leur capacité d’accélération, leurs vitesses moyennes. On voit donc nombre de jupes arrière accueillir un hydrogénérateur, notamment les fameux Watt&Sea lancés par un certain Yannick Bestaven, vainqueur du dernier Vendée Globe, un modèle d’ailleurs issu de la course au large. Les multicoques les plus véloces s’équipent même de la version Racing, certes plus coûteuse, mais quand le speedo indique régulièrement deux chiffres avant la virgule, c’est bien celui qui convient avec son hélice à pas variable. Les témoignages recueillis sur les pontons corroborent les données théoriques, avec 20 A en sortie à 10 nœuds de vitesse et 9 à 10 Ampères dès 6 nœuds. Le tout dans un silence de cathédrale et sans impact ou presque sur la vitesse, que demander de mieux ?

Le Lithium ça vous gagne

Une petite éolienne peut-être ? Clairement ce n’est pas le choix majoritaire des équipages consultés. Les nuisances sonores, le risque d’accident (bosse de ris ou pire, main maladroite), faible rendement au portant comme dans les mouillages abrités, continuent à être des freins importants. Surtout à bord des multicoques qui, comme nous l’avons vu, offrent d’autres sources d’énergies vertes très efficaces. Non, la nouvelle révolution électrique en marche, concerne les batteries, avec l’arrivée en force du lithium. Associant une masse réduite pour une plage d’utilisation étendue, elles avaient tout pour séduire les aficionados du multicoque à la recherche d’autonomie pour leur grand voyage. En plus, leur prix a fortement décru ces dernières années, les rendant presque raisonnables, en tous cas relativement à l’investissement global. Celui qui est en perte de vitesse en revanche, c’est le groupe électrogène. Il faut dire qu’avec déjà deux moteurs sur les catamarans, et toutes les sources d’énergie propres déjà évoquées, on voit mal l’intérêt d’embarquer (poids, encombrement, maintenance...) un troisième moteur thermique. Seuls quelques adeptes invétérés de la climatisation s’y résignent encore.

Conclusion ? Le plaisancier du troisième millénaire a vraiment tous les équipements pour se faciliter la croisière. À tel point que le plus grand risque encouru est peut-être d’en avoir trop. Au risque de perdre de vue l’essence même du voyage en bateau, le plaisir de la vie en autonomie, du lâcher prise, du ralentissement du temps qu'apporte un peu de simplicité.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…