Naviguer sans permis : pourquoi la voile reste une école de liberté

Voiliers

En France, on peut prendre la mer à bord d’un voilier sans passer par la case « permis ». Une exception bien française qui intrigue autant qu’elle fascine, entre tradition, bon sens et apprentissage pratique. Mais attention, cette liberté n’est pas un blanc-seing pour partir à l’aveugle. Plongée dans les subtilités d’une pratique où la mer est à la fois maître et juge.

©Sophie Savant-Ros
En France, on peut prendre la mer à bord d’un voilier sans passer par la case « permis ». Une exception bien française qui intrigue autant qu’elle fascine, entre tradition, bon sens et apprentissage pratique. Mais attention, cette liberté n’est pas un blanc-seing pour partir à l’aveugle. Plongée dans les subtilités d’une pratique où la mer est à la fois maître et juge.

Pas de permis, mais pas de laxisme

Quand il a pris la barre de son premier voilier, Mathieu, 34 ans, plaisancier passionné, se souvient d’un mélange d’excitation et de doute. « J’avais l’impression de faire quelque chose d’interdit. Qui me laissait partir seul avec un bateau de 10 mètres sans m’interroger sur mes compétences ? », s’étonne-t-il. Pourtant, aucune loi française n’exige de permis pour naviguer à la voile, peu importe la taille du bateau !

Cette exception repose sur une logique simple : un voilier, par nature, est plus lent et moins maniable qu’un bateau à moteur. « Avec un semi-rigide, vous filez à 40 nœuds en quelques secondes. À la voile, c’est le vent qui commande. L’apprentissage vient presque naturellement », explique Claire Duval, monitrice en Bretagne. Une manière élégante de dire qu’il faut bien du temps pour maîtriser un voilier, même sans permis.

Une école de patience et de modestie

« La voile, c’est une école de la vie », résume Bernard, 62 ans, un vieux loup de mer qui sillonne les côtes bretonnes depuis quarante ans. « Vous pouvez avoir tous les diplômes du monde, si vous ne respectez pas la mer, elle vous remettra vite à votre place. »

C’est peut-être là la clé de cette absence de permis : elle repose sur une tradition maritime où l’expérience et la transmission priment. On apprend à naviguer avec un ami, un parent, ou lors d’un stage. « Mon père m’a tout appris, des nœuds marins aux rudiments de la météo. Je n’ai jamais eu besoin de cours formels », raconte Louise, 28 ans, qui vient de boucler sa première traversée vers les Baléares.

Une liberté encadrée par des responsabilités

Si l’absence de permis offre une liberté précieuse, elle s’accompagne d’une responsabilité de taille. Le capitaine, même amateur, est responsable de la sécurité de son équipage et du respect des règles maritimes. Cela inclut la vérification de l’équipement obligatoire, comme les gilets de sauvetage, les moyens de communication (VHF) ou encore les cartes nautiques.

Et gare aux imprudents. « Ce n’est pas parce que vous pouvez partir sans permis que vous êtes prêt à affronter un coup de vent force 8 », prévient Claire. Les Affaires Maritimes rappellent régulièrement que les plaisanciers doivent se former, ne serait-ce que par respect pour les sauveteurs en mer, trop souvent mobilisés pour des interventions évitables.

L’exception française : un héritage de liberté

Dans d’autres pays, les règles sont plus strictes. En Espagne ou en Italie, par exemple, un permis est requis dès que la longueur du voilier dépasse une certaine taille. Alors pourquoi ce laxisme apparent en France ? « C’est culturel, presque philosophique », analyse Michel Louvet, journaliste et historien du nautisme. « La France a toujours considéré la mer comme un espace de liberté, mais cette liberté va de pair avec une certaine autodiscipline. »

Autrement dit, naviguer sans permis, c’est une forme de pari : celui de faire confiance aux plaisanciers pour s’auto-former. Les écoles de voile, comme les Glénans ou les nombreux clubs nautiques, jouent un rôle clé en initiant chaque année des milliers de passionnés.

Des anecdotes maritimes pleines de leçons

Ce cadre souple engendre aussi des histoires parfois rocambolesques. Comme ce couple qui, ayant loué un voilier sans la moindre expérience, s’est retrouvé coincé au mouillage, incapable de lever l’ancre. « Ils ont fini par appeler le loueur en panique, croyant que leur ancre était bloquée par une épave ! », s’amuse Bernard, témoin de la scène. La mer, elle, reste indulgente, pour peu qu’on prenne le temps de l’écouter.

Un permis inutile, mais une formation essentielle

S’il est vrai qu’aucun document officiel ne vous sera demandé pour partir à la voile, tous les navigateurs expérimentés s’accordent sur un point : un minimum de formation est indispensable. « C’est une question de respect pour soi-même, pour ses équipiers et pour l’environnement marin », rappelle Claire. Les plaisanciers les plus prudents choisissent d’ailleurs de passer le permis côtier, même s’il n’est pas obligatoire, pour mieux comprendre les bases de la navigation.

Comme aime à le dire Yann, un marin du Sud habitué aux croisières méditerranéennes : « Le vrai permis, c’est l’expérience. Et ça, ce n’est pas un papier qui peut vous l’apporter. »

Naviguer à la voile sans permis est à la fois un privilège et une responsabilité. Une opportunité unique de renouer avec une tradition ancestrale, tout en découvrant une école de patience, d’humilité, et surtout, de liberté. Alors, prêt à hisser les voiles ?

Le cas particulier de la location : des garanties exigées par les loueurs

Si aucun permis n’est nécessaire pour naviguer à la voile, louer un voilier reste une autre histoire. Les sociétés de location, conscientes des risques liés à une navigation non maîtrisée, demandent généralement des preuves de compétence avant de confier un bateau. « On ne remet pas les clés d’un voilier à quelqu’un sans s’assurer qu’il sait gérer les bases : manœuvrer dans un port, lire une carte marine ou utiliser une VHF », explique Jean-Marc, responsable d’une base de location à Hyères.

Ces garanties peuvent prendre plusieurs formes : un CV nautique détaillant vos expériences de navigation, la présence d’un skipper professionnel si vous êtes novice, ou encore un test pratique pour évaluer vos compétences sur place. « Nous avons parfois des clients qui se surestiment », confie Marine, une employée d’une base à Marseille. « Un simple essai au moteur pour sortir du port suffit souvent à voir si quelqu’un est vraiment à l’aise. »

Pour les débutants, de nombreuses sociétés proposent des formules avec skipper, permettant de profiter de l’expérience sans le stress de la navigation. Une bonne alternative pour ceux qui souhaitent apprendre tout en naviguant.

En somme, si la loi reste souple, les loueurs, eux, ne transigent pas sur la sécurité. Leur vigilance est un filet de sécurité essentiel pour éviter des mésaventures en mer.

Quelques règles d’or avant de prendre la mer : prévenir une personne restée à terre de votre lieu et heure de départ et de la traversée prévue, tenir un journal de bord, avoir consulté la météo marine sur METEO CONSULT Marine avant le départ et ne pas hésiter à actualiser régulièrement les infos et être équipé des documents obligatoires et règlementaires à bord, que vous trouverez au sein de la dernière édition du Bloc Marine.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…