L’assistance météo pour la Route du Rhum, tout un art.
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Sir Winston Leonard Spencer Churchill a dit : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. » On le croit puisque chacun peut faire dire ce qu’il veut aux chiffres. Et les météorologues ne sont pas en reste, qui savent mettre partout en évidence des records qui parfois ne se jouent qu’à un dixième de degré ou à un jour près. Nombreux sont les records mensuels qui s’illustrent le 31 du mois alors qu’ils seraient retombés dans la fadeur de la norme dès le lendemain.
Mais alors que le départ de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe approche, je parodie volontiers cette sentence en l’appliquant aux prévisions. Je ne crois qu’aux prévisions que lorsque je les ai moi-même falsifiées. Nous, METEO CONSULT, avons la passionnante responsabilité d’assurer la couverture météorologique de la course. La chose commence par une démarche très mathématique qui prend en compte les résultats de différents modèles météo et se nourrit de la dispersion de ceux-ci. Puis on procède par élimination avec des raisonnements comme « la configuration du courant jet en haute altitude interdit l’arrivée d’une dépression tempétueuse sur la Manche le jour du départ». Pour cette 10e édition de la course qui a connu tant de conditions variées et parfois extrêmes, le jet dessine des méandres prononcés et non pas un tracé rectiligne qui serait propice au creusement et à l’accélération des dépressions. Ces méandres donc se traduisent par une situation de blocage pour quelques jours avec un anticyclone au milieu de l’Atlantique et des dépressions plus ou moins cafouilleuses arrivant du nord-ouest à proximité des côtes européennes.
À partir de cet état de fait, intervient l’expertise du météorologue, c’est-à-dire ses connaissances de l’atmosphère et ses vécus. Mais si l’expertise est une habileté purement technique, qui exclut ou tue les sentiments, je prétends qu’elle ne doit pas interdire toute imagination. Nous, météorologues, devons imaginer toutes les dérives possibles auxquelles l’atmosphère peut se prêter dans tel ou tel type de configuration. On doit raisonner avec logique mais ne pas oublier ce que nous disait Oscar Wilde (désolé pour ce trop de citations, mais elles expriment tant que je n’y résiste pas) « La logique est le dernier refuge des gens sans imagination. »
Et la boucle est bouclée. Parce que nous avons imaginé toutes les possibilités et leurs conséquences, notre synthèse présente le fruit de calculs « remaniés » (pour ne pas dire falsifiés) qui expriment le plus probable, ce à quoi l’on croit en toute honnêteté.