Les Grands Lacs au fil des saisons

Par Eric Mas

Le Capitaine Haddock avait le juron facile mais pas toujours justifié. Avait-t-il navigué sur les Grands Lacs ? Je parle des formidables étendues d’eau douce des États-Unis mais aussi du lac Léman puisque le nom de celui-ci, d’origine celte, est constitué de "lem" signifiant "grand" et "an" voulant dire "eau".

Les Grands Lacs des Etats-Unis recouvrent 243000km². Si vous faîtes un séjour sur la lune vous pourrez les repérer aisément. Et ces plans d’eaux sont prisés puisque ce ne sont pas moins 4,2 millions de bateaux de plaisance qui y croisent. Moi je suis tenté… peut-être pas à n’importe quelle saison.

Par définition un lac est une étendue d’eau au milieu des terres. Etendue d’eau qui subit donc un climat continental, c’est-à-dire qu’à l’opposé de la tempérance océanique, les conditions météo d’un lac, en particulier les températures, peuvent être extrêmes. Et le Capitaine Haddock avait-il observé que si l’eau de mer a besoin d’une température nettement négative pour geler, l’eau d’un lac gèle dès 0°. Quand la mer se refroidit, sa salinité, donc sa densité, augmente et l’eau froide de surface plonge en étant remplacée par de l’eau plus chaude. Sur un lac, l’eau gèle dès que la température est à 0°C et la glace reste en surface.

En hiver, il y a peu de chances de pouvoir naviguer. À mesure que la saison progresse, la glace s'étend depuis la côte vers le milieu du lac jusqu’à atteindre son maximum en février, avec une couverture d'environ 75% de la superficie pour le lac Supérieur, 50 % dans le lac Huron, 25% dans le lac Michigan.

Le printemps est souvent très court. On bascule rapidement du très froid au vraiment chaud. Cela donne parfois lieu à de drôles de phénomènes comme le « ice tsunami ». En 2014, il a gelé jusqu'au 25 avril et une couche de glace se trouvait encore en surface quand est arrivé brutalement, le 11mai sur les rives du Minnesota, de l’air à 25°C. La glace est devenue friable et des vents de 50km/h ont poussé de gros blocs sur la rive, envahissant rues et maisons. En été, les dépressions passent généralement au nord des Grands lacs et c’est de l'air chaud et humide qui arrive du sud. Sur l’eau plus froide, comme chez nous en mer d’Iroise, cela donne du brouillard. Les fronts froids apportent de l'air instable qui se traduit par de gros orages. Et si de belles périodes ensoleillées réchauffent la couche supérieure de l'eau, sa température ne dépasse pas beaucoup les 20°C… et encore faut-il être à proximité du rivage.

Puis l’automne arrive. Parfois indien, là il faut naviguer à vue des forêts pour le plaisir des yeux, parfois méchant, là il faut se souvenir du Big Blow de 1913. Cette tempête d’origine tropicale a été d’une force exceptionnelle puisqu’elle a soulevé des vagues de plus de 10 mètres et occasioné un blizzard (White Hurricane) mortel. Restant plusieurs jours sur les eaux encore relativement chaudes des lacs, elle a pris la vie de 235 marins.

Les marins d’eau douce n’oublieront pas que, sans être aussi extrêmes, les tempêtes d’automne sur les Grands Lacs répondent à un phénomène normal de conflits d'air chaud et d'air froid et sont donc fréquentes en cette saison.

Et notre Léman

Bien que 143 fois plus petit que le lac Supérieur, notre grand croissant de 72km de long est quand même le plus grand lac d’eau douce d’Europe. L’océan et son climat tempéré n’est pas si loin, 650km dans son ouest alors que ses grands frères américains sont à 3000 km du Pacifique. Les masses d’air qui arrivent sur la frontière franco-suisse sont donc beaucoup plus tempérées. Le Léman est alors considéré comme un lac chaud qui ne gèle que très rarement. Au plus froid, on enregistre la même température de 6°C en surface comme en profondeur.

Quant aux vents, ils sont particulièrement nombreux et tarabiscotés. Vaudaire, Bise, Bornan, Rebat, Séchard sont le plus souvent faibles. Quand la Bise se fâche, elle peut creuser des vagues de plus de 1,50m qui sont tellement courtes qu’elles en deviennent véritablement dangereuses.

Le Capitaine Haddock peut jurer mais naviguer en eau douce demande du bon sens marin pour, même s’il n’y a pas le feu au lac, mener sa barque à bon port… et pour les ports il y a le choix puisque le Léman en compte 70.

Mille sabords.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…