La brise, une mécanique subtile

Voilà de retour nos douces navigations estivales, d’autant plus délicieuses qu’elles se trouvent rythmées par les brises.
La mécanique est subtile, qui met en place ces vents légers et pleins de saveurs, mais elle nous rassure par son caractère prévisible et fiable.
« La brise mollit un peu et hâla le sud-est. » C’est Jules Verne qui nous le dit dans Le Tour du Monde en 80 jours et c’est ce que nous répétons à nos équipiers à l’approche du port en fin de journée. A haute voix pour la sonorité de la belle sentence ou dans notre tête pour le plaisir de voir s’accomplir l’inéluctable. Il suffit d’adapter la direction en fonction de l’orientation de la côte et la brise glisse comme attendue.
Comme de tout vent, pour jouir pleinement de la brise, il faut en comprendre son essence, sa nature, son caractère.
On s’en doute, l’apparition de la brise est d’abord liée à la différence de température entre la terre et la mer. De jour, l’air qui surplombe un sol qui chauffe rapidement au soleil va s’élever. L’absence créée en surface va être comblée par un appel d’air venant de la mer.
Mais l’humidité joue un rôle primordial aussi. Parce que en s’élevant une particule d’air humide se refroidit, se refroidissant elle se condense (formation nuageuse), se condensant elle dégage de la chaleur (au contraire de l’évaporation qui absorbe de la chaleur), se réchauffant elle s’élève, s’élevant elle se refroidit…. c’est ça l’instabilité ! Une bande nuageuse s’installe alors le long de la côte. Vu du large c’est magnifique, vu d’un satellite, encore plus. Petit cumulus peut devenir grand. Par beau temps cette bande de nuages qui marque son territoire est un vrai révélateur de brise. Attention tout de même à la déception, un beau temps anticyclonique trop sec empêchera le déclenchement de la brise. Le charme de l’anticyclone a vraiment ses limites.
Le plus favorable à l’installation de la brise est d’ailleurs un vent de fond (on dit synoptique pour avoir l’air savant) qui, venant de la terre améliore en altitude le tirage de la cheminée « cumulus » et permet de rendre au large ce qui lui a été arraché en surface par la brise de mer. Bref, une sorte de cellule où le vent d’altitude est contraire à la brise de surface, et qui boucle la boucle avec de l’air devenu plus frais redescendant vers la surface de la mer à 10 ou 15km au large.
Alors, avec ces quelques règles dans la tête, avec l’observation de l’épanouissement des nuages à la côte et du vent de fond, nous voilà armés pour profiter des belles journées d’été.
Dans le vocabulaire marin, la brise peut être légère, petite, jolie, bonne, parfois forte. On la trouve aimable parce qu’elle apporte un peu de fraîcheur du large lors de journées trop chaudes. Surtout, lorsqu’on a pris le temps de bien la connaître, on peut l’attendre, elle est toujours au rendez-vous. Elle sait aussi se faire discrète au moment des couchers et levers de soleil pour laisser place à la contemplation.
Dans la nuit elle revient, plus légère encore, apportant vers le large le parfum de la terre.
"Aux bords des mers, à l’heure où la brise se tait..." Avec la brise, même Victor Hugo en oublie de trouver sombre la mer.
Merci la Brise.