Lorsque l'averse antillaise s'abat...
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Lorsque l’averse arrive, il faut voir les aficionados du bain de soleil à la plage se lever nonchalament, plier parasol et aller se mettre à l’abri sous le flamboyant ou le fromager le plus proche. Ces arbres deviennent alors lieux de palabres pour quelques minutes avant que chacun ne regagne défendre son pré carré en serviette éponge. Merci l’averse pour ce moment de convivialité.
Je parle là des averses de Carême mais il faut reconnaître que toutes ne sont pas du même acabit.
Aux Antilles, il y a deux saisons caractéristiques. Le Carême qui s’étale de janvier à avril est la saison dîte sèche. L’Hivernage, de juillet à octobre, beaucoup plus chaude et humide est dîte saison des pluies. Les périodes de transitions sont rapides, durant de 1 à 2 mois.
C’est pendant le Carême que l’averse est synonyme de libération plus que de contrainte. La saison est déjà très agréable parce que le front inter-tropical est repoussé très au sud par l’anticyclone des Açores qui en profite pour instaurer un alizé solide et constant. Cette ventilation empêche la température maximale de dépasser 30°C et limite l’importance des dévellopements nuageux. Les averses en cette période sont presque douces et en tout cas très attendues par la nature qui a soif. Elles sont dues au passage de perturbations très au nord et donc très atténuées sur les Antilles. Du fait de leur origine, circulation de grande ampleur, elles surviennent à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Très différent est le régime des pluies durant l’Hivernage. C’est ce fameux front inter-tropical qui est remonté en latitude et donne des averses nombreuses et intenses. L’alizé a abandonné les Antilles et le manque de vent se traduit par des températures 3° à 4° plus élevées, mais surtout par un temps lourd et humide. Les nuages se développent considérablement jusqu’à devenir cumulonimbus agressifs. Les grains sous orages n’ont plus rien à voir avec la délicatesse des averses de Carême.
Pour autant, le marin doit toujours rester vigilant, même en saison sèche. Bien sûr, on n’est pas menacé par les cyclones. Mais si un front froid sortant des Amériques est plus envahissant que ses confrères et qu’il entraîne une ligne de grains sur les Antilles, il faut bien comprendre que le bel abri sous le vent des îles peut alors devenir un piège redoutable. J’ai vu plusieurs bateaux jetés à la côte pour un malheureux grain qui a soufflé à 40 nœuds pendant une demi-heure. Ce n’est pas la tempête, mais ce vent qui a tourné de 180° sous le nuage et qui a fait déraper plus d’un mouillage. Et s’il n’y a personne à bord pour le renforcer ou résister avec le moteur, les choses dégénèrent très vite.
Si avoir un grain c’est être un peu fou. Ne pas anticiper le grain c’est l’être complètement.