Cumulonimbus, le roi des nuages

Nous avons vu que le Cumulus peut être humilis, médiocris ou congestus. Congestus, il faut déjà être bien énervé pour se mettre dans cet état là. Eh bien le Cumulonimbus, Cunimb pour les intimes, est le nuage qui voudrait ne plus se donner de limite et qui laisse déborder sa colère.
Le sommet du Cumulonimbus n’est plus constitué de gouttelettes mais de cristaux de glace. Il se développe et gonfle démesurément jusqu’à… jusqu’à ce que son extension verticale soit limitée par un plafond, la tropopause, qui marque la fin de la décroissance de la T° de l’air avec l’altitude. Au-delà de cette limite, vers 8km d’altitude aux pôles, 13km à la latitude de la France, 18km à l’équateur, puisque la température ambiante cesse d’être de plus en plus froide, les particules d’air n’ont plus aucune raison de s’élever. La tropopause est donc un couvercle au-dessous duquel les cristaux de glace s’accumulent et se lient. Un bloc énorme de glace se développe et s’étale jusqu’à prendre une forme d’enclume. Plus blanc, plus rayonnant, plus compact… y'a pas ! On comprend que les avions se détournent. Il arrive que dans sa fureur le Cumulonimbus perce la tropopause. Le sommet du nuage prend alors l’aspect d’un crâne recouvert d’une chevelure hirsute. A l’opposé, la base du nuage est très sombre et déchiquetée. Elle expulse des virga (précipitations n’atteignant pas le sol) ou des averses de pluie, neige, grésil. Ces averses, au milieu d’éclaircies, sont propices aux arcs-en-ciel. Seul le Cunimb est habilité à produire de la grêle et de furieux coups de vent que l’on nomme, allez savoir pourquoi, grains. Toutes ces manifestations de puissance m’incitent à considérer notre Cunimb comme le roi des nuages. Et on peut ajouter à cela qu’il n’est presque jamais seul. Sa cour, constituée de cellules convectives toutes aussi prétentieuses les unes que les autres, respecte l’étiquette. Les Cunimb se rangent et se tiennent pour former une « ligne de grains ». Que ces prétendants se gonflent du poitrail en étant soulevés à l’avant d’un front froid ou en grimpant sur une colline prise pour piédestal, ils se retrouvent bêtement à la queue leuleu en marche parallèle aux courbes de niveau. Cette cour a ses nécessités et exige hauteur de plafond pour se révéler, socle pour se hausser, chaleur et humidité pour se gaver. Ce sont les raisons pour lesquelles les Cumulonimbus sont rares dans les régions polaires et fréquents dans les régions tropicales. Et ce sont aussi ces derniers prétextes, chaleur et humidité, qui les rendent plus ordinaires en été qu’en hiver dans nos régions tempérées. Les zones à relief sont plus vulnérables que les plats pays avec des orages plus violents et plus durables. Orages. Coups de tonnerre, éclairs, foudre, grêle, voilà qui résume le caractère du Cunimb. Le roi est orageux. Le roi bouillonne intérieurement. Des courants ascendants au cœur du nuage peuvent atteindre 150km/h dans des colonnes de plusieurs kilomètres de diamètres. Ces ascenseurs sont compensés par des rafales descendantes, effondrement des couches supérieures, véritables avalanches d’air. Le roi explose. Cette avalanche d’air peut tomber avec une vitesse de 200km/h et s’éparpiller horizontalement à 100km/h en touchant le sol. Bonjour les dégâts. Mais il ne faut pas confondre les rafales descendantes avec les tornades qui sont au contraire un mouvement ascendant et tourbillonnant. D’ailleurs si ces deux expressions de la royale colère font traces au sol dans de véritables corridors de dégâts, la rafale laissera des arbres couchés et des objets soufflés dans la même direction tandis que la tornade laissera des arbres tordus ou cassés à quelques mètres du sol. En mer, la première lèvera rapidement des vagues courtes et creuses, tandis que même une version chétive de la seconde pourra se traduire par une trombe marine, cette colonne d’air et d’eau mélangé qui remonte en spirale depuis la surface de la mer jusque dans le nuage. Le roi est alors ogre.