
On le voit en ce moment sur l’Atlantique, la flotte de la 12e édition de la Transat AG2R - La Mondiale est scindée en deux groupes : celui des partisans de la route nord, au plus près de l’orthodromie, et celui des adeptes de la route sud, qui rallonge considérablement la route mais est généralement plus ventée. La course peut-elle simplement se résumer à deux grandes options ?
L’une des particularités de la Transat AG2R - La Mondiale, c’est sa marque de parcours obligatoire à La Palma (par le passé, c’était son escale aux Canaries puis à Madère). Ce schéma de course canalise les bateaux pendant la première semaine de mer, et c’est précisément cet effet d’entonnoir que les organisateurs recherchent. Pierre Bojic, le directeur général de Pen Duick l’a expliqué sans détour il y a quelques jours: cela permet de garantir une meilleure médiatisation de l’épreuve. « Souvent, cette section du parcours entre la Bretagne et les îles, que ce soit celles de Madère ou des Canaries, est très intéressante. C’est aussi la plus maîtrisée, explique Jean-Luc Nélias, qui connait bien l’AG2R pour l’avoir disputée six fois. Il y a des fronts qui passent, des dorsales à gérer, le DST (dispositif de séparation du trafic) du cap Finisterre à négocier, les alizés le long des côtes Portugaises à attraper… Bref, il y a énormément de jeu. On l’a bien vu cette année : au classement, cela a été le jeu des chaises musicales et tout le monde est arrivé très groupé à La Palma. » Reste que si les écarts étaient effectivement faibles aux Canaries - la faute notamment à des petits airs évanescents qui ont resserré les rangs une fois le way-point passé - les tandems ont dû faire un choix important pour attaquer la traversée proprement dite. « Lorsqu’on se trouve le long des côtes africaines, le champ des possibles pour se rendre à l’autre bout est immense, autant que l’océan qui se trouve devant les étraves. Les marins peuvent choisir d’aller au nord, au centre, au sud, au sud encore un peu plus… La variété des options est alors extraordinaire ! Dans le cas présent, les binômes ont une grosse bulle sans vent plantée au milieu de la route à contourner. Lundi, Ils ont dû décider de le faire par le nord ou par le sud », poursuit le vainqueur de la dernière Volvo Ocean Race.
Option Short ou ciré
« Lorsqu'on se trouve dans ce cas de figure, la question est : est-ce que je plonge au sud pour chercher des vents plus forts en rallongeant beaucoup ma route, ou est-ce que je reste dans le nord, au plus court, mais avec des conditions plus engagées, plus humides et plus froides ? En clair, il faut faire un choix entre le short et le ciré » résume Yann Eliès, le skipper de Groupe Quéguiner – Leucémie Espoir. Pour cette 12e édition, ils sont quatre à avoir tranché pour l’option « casque lourd » alors que la majorité de la flotte a préféré celle de la « crème solaire ». « Lorsqu’ils prennent leur décision, les duos font un vrai pari car la traversée entre l’archipel espagnol et les Antilles dure à peu près 15 jours. Or les fichiers météo dont ils disposent ne sont fiables que jusqu’à dix jours. De ce fait, lorsqu’ils investissent au nord ou au sud, il leur manque un petit bout de parcours » précise Nélias, ajoutant qu’à l’heure actuelle, il est tout simplement impossible de donner raison aux uns ou aux autres. « Pour l’instant, c’est match nul, même si certains pratiquent la méthode Coué comme Yoann Richomme, à bord de Skipper Macif » relève avec amusement Jean-Luc. « Au moment de la décision, c’est souvent 50-50. A mon sens, une option nord se tente uniquement si les routages la font arriver avec, au minimum, douze heures d’avance de l’autre côté. Et pour cause, ils ne prennent pas en compte la fatigue de l’équipage qui évolue au près, le fait qu’il y ait souvent beaucoup de mer… Ces éléments font que les bateaux n’avanceront pas à 100% de la polaire, mais peut-être à 90. Alors certes, les outils informatiques d’aujourd’hui nous permettent de dégrader un peu le routage, mais cela reste un peu subjectif » analyse le double vainqueur de la Solitaire du Figaro – Eric Bompard cachemire, notant que la route nord a moins souvent payé que la route sud dans l’histoire de la course. Jean-Luc Nelias garde néanmoins en tête l’édition 1996 qu’il avait alors bouclée en troisième position avec Franck Cammas, sur Skipper Elf. « Je me souviens que Philippe et Luc Poupon, à bord de Fleury Michon, étaient arrivés en tête à Madère où l’AG2R faisait escale à l'époque. Ils sont donc repartis les premiers en plongeant vers le sud mais au final, ce sont les partisans du nord (dont il faisait partie, ndlr) qui ont trusté toutes les places du podium à Saint-Barth ». Reste donc à voir quel scénario de dénouement va connaître cette 12e édition !