
Il ne lâchera rien ! Et il ne se laissera pas faire… Le premier n’est autre que Francis Joyon qui met tellement de charbon que la chaudière est en surchauffe : plus de trente nœuds de moyenne avec des pointes à plus de trente-cinq nœuds : IDEC Sport n’est jamais allé aussi vite, même en équipage, grâce à sa légèreté mais aussi à ses nouveaux foils. Avec seulement 120 milles de retard sur le leader François Gabart, l’expérimenté skipper tente de déborder son concurrent par-dessous en gagnant à chaque bord un peu de VMG, de distance de rapprochement. L’ex-Groupama 3 que Franck Cammas puis Loïck Peyron avaient amené à la victoire à Pointe-à-Pitre, a le petit avantage d’être un peu plus léger même s’il est plus ancien…
De l’autre côté, François Gabart connaît parfaitement son bateau MACIF même s’il est plus susceptible de voler que lors de son tour du monde victorieux. Mais il doit pour cela « pointer » un peu plus, attaquer le vent avec un angle légèrement moins favorable. Bref, les deux solitaires mettent tous leurs atouts dans la balance car ils savent que c’est à la Tête à l’Anglais, cet îlet au Nord de Basse-Terre, que le match risque de se jouer : si l’écart est inférieur à trois heures (soit moins de cent milles), la hiérarchie peut basculer. Surtout que les conditions météorologiques actuelles sur les Antilles ne sont pas propices à un final simplifié : les grains succèdent aux trombes d’eau, les calmes aux bourrasques, le soleil à un ciel plombé…

Attendus demain dimanche dans l’après-midi au Nord de l’île papillon, les deux navigateurs connaissent leurs limites et celles de leur monture, mais un seul petit nuage peut faire totalement basculer le tempo. Et plus ils s’approchent de l’arc antillais, plus cette situation orageuse peut les ralentir ou les mettre dans le rouge. S’il faut changer de voilure ou partir à 60° à cause d’un méchant grain, les milles peuvent rapidement s’égrainer dans le mauvais sens !
Et à plus de 1 000 milles des deux impétrants du tour du monde, Armel Tripon voit la route se dégager à proximité du tropique du Cancer : l’arrêt au stand remarquablement rapide (moins de 8 heures) de Thibaut Vauchel-Camus à bord de Solidaires en Peloton-ARSEP puis celui d’Erwan Le Roux et FenêtréA-Mix Buffet (l’un pour changer ses chariots de grand-voile est reparti des Açores, l’autre pour problèmes de pilote est en mer ce soir), les relègue à deux cent milles plus au Nord avec une configuration de vent un peu moins favorable. Le skipper de Réauté Chocolat est désormais sur le boulevard des alizés avec un Lalou Roucayrol (Arkema) bien loin derrière, au large des Canaries. Il lui faut dorénavant assurer sans prise de risque cette longue glissade (2 000 milles tout de même) vers la Guadeloupe.

Alex Thomson est un peu dans le même cas bien que ses trois poursuivants IMOCA ne lui rendent qu’une petite centaine de milles. Mais le Britannique est au moins un nœud plus rapide sur son Hugo Boss, redoutable à ces allures portantes. Ils auront beau tenter (à l’image de Yann Éliès (UCAR-StMichel) qui glisse encore plus Sud), de se démarquer, le skipper au bateau noir va les contrôler en suivant leurs mouvements : à chaque empannage, un empannage ! Il n’y a que l’instabilité des alizés qui pourrait redistribuer les cartes, ce qui est envisageable d’ici deux à trois jours…
Quant à Sidney Gavignet (Café Joyeux), impérial en catégorie Rhum Mono sur son voilier de 52 pieds, il se permet de tenir tête au deuxième groupe des IMOCA glissant dans une brise de Nord entre Madère et les Canaries. Eux aussi devraient, d’ici la fin du week-end, accrocher ces alizés de Nord-Est à Est d’une vingtaine de nœuds. Tout comme les Class40 toujours emmenés par Yoann Richomme (Veedol-AIC) qui devrait toutefois connaître une nuit difficile car il bordure les hautes pressions d’assez près… Ce qui est aussi le cas pour le leader des Rhum Multi : Pierre Antoine (Olmix) espère trouver un passage avec l’arrivée d’un front peu actif qui va se faire rétracter l’anticyclone des Açores.

Enfin du côté de la Bretagne comme de la péninsule ibérique, les nouveaux départs se succèdent : Éric Bellion (commeunseulhomme) et Laurent Jubert (L’espace du souffle) ont ainsi quitté l’Aber Wrac’h ce samedi matin, Nils Boyer (Le choix funéraire) ce midi La Corogne, prélude à une cohorte de solitaires qui ont préféré s’abriter que de casser du matériel lors des trois dépressions successives du golfe de Gascogne.