
Le traditionnel briefing météo de veille de départ, organisé par la direction de course en visio-conférence ce vendredi, a bien donné le ton de la tension qui, jusqu’à dimanche, va peser sur l’issue de la 51e édition de La Solitaire du Figaro. Les deux leaders au général, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) et Frédéric Duthil (Technique Voile / Cabinet Bourhis Generali), y ont pris la parole pour se faire préciser des détails des parcours et points de règlement, preuve que l’un comme l’autre sont déjà rentrés dans le match de la quatrième et dernière étape.
Une étape qui, comme la précédente, entre Dunkerque et Saint-Nazaire, s’annonce très incertaine d’un point de vue météo. « Il y a une vaste zone dépressionnaire pas très bien organisée sur le Golfe qui génère des vents pas très bien établis et très faibles. La situation s’annonce délicate et nécessitera de surveiller les vents sur le plan d’eau, avec éventuellement quelques grains synonymes de regains d’air temporaires dont il faudra savoir profiter », résume Cyrille Duchesne, de Météo Consult.
Très peu d’air, à savoir 4-6 nœuds maximum sur la zone de départ samedi à 19h15 devant Saint-Michel-Chef-Chef, au sud de Saint-Nazaire, et à peine plus pendant les 20 heures suivantes. Ce qui a conduit la direction de course à proposer un parcours raccourci de 83 milles qui consistera en un aller-retour entre l’estuaire de la Loire et l’île d’Yeu. « C’est un petit parcours, parce qu’il n’y a pas de vent, explique Francis Le Goff, le directeur de course. On se laisse même la possibilité de mouiller une bouée cylindrique une douzaine de milles dans le nord de l’île d’Yeu pour faire un pointage officiel au cas où la flotte ne progresserait pas suffisamment vite. Et si dimanche à 10h, elle n’a pas franchi le sud de l’île d’Yeu (à environ 35 milles de Saint-Nazaire), la manche sera annulée. La Solitaire du Figaro n’est pas un côtier, il faut que cette étape fasse au minimum 50 milles pour conserver l’esprit du large ». Dans la même veine, la manche ne sera pas lancée si, à 20h30 maximum, le vent n’est pas suffisamment établi sur le plan d’eau, la réglementation interdisant les départs de nuit.
Inutile de dire que du côté des coureurs qui jouent gros sur cet ultime tronçon, que ce soit pour la victoire finale, mais aussi pour le classement Bénéteau des bizuths -Trophée Eric Ingouf et le Vivi Trophy récompensant le meilleur marin étranger, cette situation génère une pression supplémentaire. « C’est sûr que c’est le scénario le plus compliqué pour moi, avec une météo très incertaine, peu de vent et beaucoup de courant, j’espère que cette dernière étape pourra se disputer dans des conditions normales de course », confirme le leader, Armel Le Cléac’h, conscient de pouvoir perdre gros sur cette étape de tous les dangers.
Dans ces conditions, ses 10 minutes et 43 secondes d’avance sur son dauphin, Fred Duthil ne pèsent pas bien lourd, mais le skipper de Banque Populaire, à qui les arrivées finales à Saint-Nazaire ont jusqu’ici toujours réussi (deuxième place au général en 2000 pour sa première Solitaire, victoire en 2003 avec 13 petites secondes d’avance sur Alain Gautier), essaie de relativiser : « Ça ne va pas m’empêcher de dormir, j’en ai vu d’autres, ça reste du sport et on est tous logés à la même enseigne, il faudra être bon jusqu’au bout pour aller chercher cette victoire ».
Une troisième victoire sur La Solitaire du Figaro qui lui ferait intégrer le « club des cinq » (Philippe Poupon, Jean Le Cam, Michel Desjoyeaux, Jérémie Beyou et Yann Eliès), mais que Frédéric Duthil est déterminé à lui contester jusqu’au bout, lui qui confie en cette veillée d’armes : « Deuxième, troisième, quatrième, cinquième, dixième du classement, pour moi, ça ne va pas changer. J’ai déjà fait trois podiums sur La Solitaire, une fois deuxième, deux fois troisième, un quatrième serait génial, mais le passé m’a appris qu’on ne retient que le vainqueur. Ce qui m’intéresse, c’est de tenter de rattraper ces dix minutes et de me battre contre Armel ».
Et vu les conditions, les Tom Laperche (Bretagne CMB Espoir), Adrien Hardy (Ocean Attitude), Tom Dolan (Smurfit Kappa) et Fabien Delahaye (Laboratoires Gilbert), qui suivent les deux leaders au classement, avec 91 minutes de retard pour ce dernier, peuvent se dire que sur cette Solitaire du Figaro décidément folle, il y aura jusqu’au bout un coup à jouer…