
SA COURSE EN CHIFFRES
Heure d’arrivée : 20 h 23 32" (heure française)
Temps de course : 8 jours 6 heures 53 min 32 secondes
Distance parcourue : 3 293,55 milles
Vitesse moyenne (sur l’orthodromie) : 14,83 noeuds
Vitesse moyenne réelle : 16,56 noeuds
L’HISTOIRE DE SA VICTOIRE
Il a donc tenu bon, jusqu'au bout, s’est accroché et n’a jamais rien lâché. Yoann Richomme est un Figariste dans l’âme, de la trempe de ces skippers qui font preuve d’une capacité de résistance incroyable à la barre. Il est de ces mecs qui sont capables de se faire du mal, d’oublier tout pour tenir, progresser et avancer un peu plus vite que les autres. Yoann l’a donc démontré en cette fin de course à couper le souffle, obligeant à être en permanence rivé sur ses réglages à bord et, pour tous les autres, à rafraîchir compulsivement la ‘carto’ pour être sûr de ne rien rater.
La conquête de l’Ouest… Et de l’IMOCA
Jusqu’au-boutiste de l’effort, Yoann aime aussi se tenir aux objectifs qu’il s’est fixé. Samedi dernier, il confiait : « j’aimerais bien la gagner cette satanée course ! » Les raisons sont multiples : le plaisir d’entrer en vainqueur dans New York, lui qui a vécu quatre ans sur la côte Est pendant son adolescence ; le bonheur d’inscrire son nom au palmarès d’une course mythique après avoir déjà remporté les deux dernières éditions de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe en Class40 ; l’occasion de démontrer à nouveau qu’il faudra compter sur lui, tout le temps et sur chaque course.
Son bateau, l’IMOCA PAPREC ARKÉA, conçu par le cabinet Finot-Conq et Antoine Koch – à l’instar du bateau de Thomas Ruyant – est une fusée lancée à la conquête du Championnat IMOCA et du Vendée Globe à venir. Ses débuts - depuis sa mise à l’eau en février 2023 - sont saisissants : 2e de la Rolex Fastnet Race et de la Transat Jacques Vabre - Normandie Le Havre avec Yann Eliès comme co-skipper, vainqueur du Retour à la Base et donc désormais de la mère des transatlantiques, The Transat CIC.

La bonne gestion et le coup d’accélération
Pourtant, après trois mois de chantier et une poignée de navigation, tout restait à faire. Il fallait retrouver les automatismes, parvenir à tenir bon dans des allures où Yoann se sentait un peu moins à l’aise que ses concurrents. Timide en début de course, en proie à « quelques petits problèmes techniques peu significatifs », il a dû, comme le reste de la flotte, faire face aux difficultés du début. « Ça tape, c’est violent, c’est instable, c’est inconfortable ». Yoann constate mais ne se plaint pas. Il sait que tout est une question de temps long, qu’il faut savoir tenir et plier l’échine pour accélérer au bon moment.
L’instant en question survient jeudi dernier lorsqu’il décide d’allonger l’allure et qu’il dépasse par le Nord Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) visiblement en proie à des problèmes techniques. Richomme fait penser à ces coureurs cyclistes qui savent attaquer et porter l’estocade dès que le peloton semble s’essouffler. Quand la fatigue se fait sentir, avec une lucidité et un sang-froid saisissant.
Sa définition du rêve américain
La suite, c’est une leçon de résistance. Il sait que sa position en tête ne lui garantit rien et plus la ligne se rapproche, plus le constat est prégnant. Dans ce long couloir entre la zone d’exclusion des cétacés et l’Ouest d’une dépression, les conditions sont très changeantes, harassantes avant d’être très faibles. Lors de la dernière nuit, le leader progresse à moins de 5 nœuds. Derrière, la poursuite s’organise et un skipper, Boris Herrmann, grapille son retard jusqu’à pointer à près de 15 milles ! Dans ses prises de parole, Yoann fait preuve d’un certain flegme : « Boris me met sous pression, c’est la régate, j’aurais préféré arriver plus détendu ». Une arrivée serrée digne d’une étape de Solitaire du Figaro - Paprec !
Il a donc fallu se battre jusqu’au bout et comme toujours, l’adversité rend la victoire un peu plus belle encore. Sa progression ces derniers mois est un vertige en soi, l’illustration qu’un projet peut débuter il y a trois ans, qu’un nouveau bateau peut être mis à l’eau il y a un an et remporter deux transatlantiques. Yoann Richomme va avoir l’occasion de savourer pendant la dizaine d’heures de navigation entre le passage de ligne et son arrivée en Baie de New York, passer sous la Statue de la Liberté, sabrer le champagne et offrir sa propre définition du rêve américain.

Yoann Richomme (IMOCA PAPREC ARKÉA) : « Je ressens beaucoup de fierté »
Il a fallu être patient pour entendre Yoann Richomme, tout frais vainqueur de The Transat CIC. À 110 milles des côtes new-yorkaise, pas facile d’établir la connexion avec le large. Au moment où il apparaît à l’écran, le skipper de l’IMOCA PAPREC ARKÉA lance : « on est en direct au milieu de nulle part dans une bande de brume mais je viens de gagner une des plus fameuses transatlantiques », savoure-t-il avant de se prêter au jeu des questions-réponses.
Tu viens de remporter la 15e édition de The Transat CIC. Qu’est-ce que tu ressens quelques minutes après avoir coupé la ligne ?
C’est une transatlantique de dingue, elle est historique, elle a un peu dessiné l'histoire de la course au large avec Eric Tabarly. J’avais à cœur d’y participer et je ne rêvais même pas de la gagner ! On a eu une transatlantique très intense avec l’une des flottes les plus compétitives que l’on a pu voir sur cette épreuve. Je ressens beaucoup de fierté à l’idée d’avoir passé la ligne en tête et d’arriver demain dans la baie de New York. Il y a beaucoup de symboles pour moi d’autant que j’ai vécu ici pendant quelques années pendant mon adolescence. C’est top d’y revenir par la mer. Je suis très fier de ce résultat pour mon équipe et ceux qui m’entourent. Remporter deux transatlantiques consécutives en IMOCA, c’est génial et ça démontre tout leur travail.
“Avec Boris, on avait les bateaux les plus adaptés”
Tu as maîtrisé la course de bout en bout… Tu t’es senti en confiance ?
J’ai toujours un peu de mal à me mettre dans le bon rythme après le départ. Il y a eu des choses plus ou moins compliquées, des questionnements qui ne se voient pas sur les choix de voiles… C’est très énergivore de naviguer dans ces contrées assez extrêmes d’autant qu’il faisait froid. Tu réfléchis à deux fois avant d’effectuer un changement de voile. Je n’étais pas en totale sérénité. J’ai beaucoup cogité mais au final, j’ai été plutôt efficace. Il fallait limiter la dépense d’énergie, ne pas faire trop d’erreurs et faire de belles trajectoires. Et je suis fier de celles que j’ai faites, notamment l’aile de mouette dans la dépression pas loin de Terre-Neuve. J’ai bien exécuté certaines choses. Au final, je m’attribue une bonne note.
Tu as longtemps été à la lutte avec Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) notamment. As-tu l’impression d’avoir couru plusieurs étapes de Solitaire du Figaro - Paprec consécutives ?
Oui, deux, voire trois même ! On s’est bien tiré la bourre avec Charlie pendant la montée au nord le long de l’Irlande, ça va me servir de référence. Il y a eu ensuite le contournement de la dépression, puis la fin de la course avec Boris (Herrmann) qui est revenu fort. C’était intense et dur psychologiquement. On a vu les différences de vitesse dans la mer au portant. Je pense qu’avec Boris, on avait les bateaux les plus adaptés. On a sûrement eu tous nos déboires, ce qui a rendu la navigation délicate dans 30-35 nœuds. Hier matin, j’ai fait un départ à l’abattée dans un grain. Le bateau est parti en survitesse, il a dû rester 30 minutes sur la tranche. Je ne me suis pas réveillé malgré les alarmes tellement j’étais fatigué. Et quand je me suis réveillé, le bateau était couché sur le flanc et j’ai dû le redresser.
“Profiter de New York et de mon équipe”
Comment abordes-tu les dernières heures de navigation avant d’arriver à New York ?
Je suis bien cramé, je n’arrête pas de manger. Je vais aller doucement au début et attendre Boris (Herrmann) pour convoyer à deux jusqu’à New York. Il n’y a pas beaucoup de vent devant, je ne sais pas si on va devoir avancer à la voile ou au moteur. C’est compliqué de donner une heure d’arrivée, ça va prendre pas mal de temps. J’espère qu’on va être accueilli par du soleil !
Tu as tiré pas mal de bords pour éviter la zone de protection des cétacés (ZPC). Comment ça s’est passé niveau stratégie ?
La zone nous a un peu gêné mais j’ai fait comme si c’était une terre. On a dû la longer un peu. C’était une contrainte mais elle n’a pas été très gênante, surtout qu’elle était relativement nord. On a pu faire globalement ce qu’on voulait faire. Le scénario s’est bien déroulé.
Quel est ton programme pour les prochaines semaines ?
Je vais essayer de profiter de New York et de mon équipe. On va aussi partir une semaine à Yellowstone avec ma compagne. C’est l’un des parcs les plus beaux et les plus anciens. Ensuite, je reviendrai à New York dix jours avant le départ de la course retour pour passer du temps avec mon équipe. Je veux profiter au maximum des Etats-Unis et recharger les batteries avant le retour.