Route du Rhum - Destination Guadeloupe 2022 : combien d'Ultims au départ ?

Les occasions de voir les grands foilers sont rares alors nous n’allons pas bouder notre plaisir de les suivre sur la Finistère Atlantique. Bien que disputée en équipage, pour Armel le Cléac’h (Banque Populaire), Thomas Coville (Sodebo), Charles Caudrelier (Gitana) et Yvles Le Blevec (Actual) ce sera une excellente répétition-confrontation à quatre mois du départ de la Route du Rhum. Mais, comme sur la Brest Atlantiques disputée fin 2019, le plateau est malgré tout minimaliste. Heureusement, en novembre prochains ils devraient être plus nombreux dans le bassin Vauban de Saint-Malo. Outre les quatre de la Finistère Atlantique, Francis Joyon pointera également les vénérables étraves de son Idec vers la Guadeloupe. La rumeur est de plus en plus persistante qu’Arthur le Vaillant devrait également être au départ sur l’ancien Actual. Un ou des partenaires pourraient même être annoncés prochainement, mais on le budget de fonctionnement pour cette unité disponible, sans être négligeable, est très loin de l’investissement nécessaire pour le lancement d’un bateau neuf. Et puis bien sûr il y a l’inconnue François Gabart.
L’ironie de l’histoire veut que la course du jour soit partie de Concarneau, la base de son trimaran et de son écurie Mer Concept dont ses adversaires n'ont pas pu manquer les impressionnants bâtiments noirs. Malheureusement son magnifique trimaran bleu aux couleurs de SVR-Lazartigue restera à quai, dans l’attente de la décision de justice attendue le 21 juillet. En début de semaine, il était au contraire le seul à s’entraîner au large de la Bretagne, les autres ayant tous trouvé une bonne excuse pour ne pas venir au stage prévu, ambiance. On le sait, la conformité de son cockpit est remise en cause par la classe qui lui refuse l’indispensable certificat de jauge. L’entente cordiale entre des skippers qui se connaissent, se côtoient et s’appréciaient depuis des années, tout en s’affrontant au cours de Solitaires du Figaro et de Vendée Globe homériques, est rompue. C’est regrettable humainement et surtout extrêmement dommageable pour l’image de la course au large auprès du grand public. On la pensait à l’abri des dérives du sport business, les batailles de prétoire ne concernant jusqu’alors dans la voile, que quelques milliardaires à la poursuite de la Coupe de l’America.
Le contexte pourrait en tous cas refroidir de futurs investisseurs. Surtout qu’au détour de l’audience qui s’est tenue le 24 juin dernier au tribunal de Paris, Didier Tabary, en tant qu’armateur du trimaran de François Gabart, lâchait le chiffre de 40 millions d’Euros comme budget du projet trimaran Ultim chez le groupe Kresk qu’il dirige. Il s’agit bien sûr du budget global sur plusieurs saisons, et l’intention était clairement d’illustrer l’important préjudice que provoquerait une non-participation à la Route du Rhum, mais l’ordre de grandeur est là. Et on ne peut que difficilement imaginer l’arrivée d’un armateur investissant dans un nouveau bateau dans un environnement incertain aussi incertain.
Mais peut-être que l’origine du mal est plus ancienne. Mea culpa, nous n’avons pas vu le problème arriver en ce matin de juin 2015, dans ce café parisien où les dirigeants de Sodebo, Banque Populaire et Macif annonçaient le lancement de la classe 32/23 que tout le monde appelle Ultims. Nous n’avions pas anticipé les potentiels conflits d’intérêts d’armateurs/sponsors amenés à prendre des décisions techniques et sportives. Certes, nous regrettions déjà la limitation de taille qui excluait de fait le maxi trimaran Spindrift. Mais c’était plus par regret de voir un concurrent de moins sur les lignes de départ que par le possible biais d’esprit que cela pouvait révéler. En 2020, le retrait de l’équipe Gitana du collectif Ultim a été une autre alerte. Cette fois le désaccord portait sur l’asservissement des foils, une technologie que l’équipe de Charles Caudrelier et Franck Cammas souhaitaient développer, quand les autres avaient la volonté de maintenir l’interdiction. Une divergence de vue aujourd’hui aplanie, qui permettra au trimaran favori d’être au départ de Saint-Malo. On ne peut qu’espérer une issue aussi favorable dans le conflit actuel, pour que tout le monde soit bien là le 6 novembre, mais malheureusement les racines du mal semblent plus profondes.