Route du Rhum - Destination Guadeloupe : Morgane Ursault-Poupon, les convictions avant le nom

Par François TREGOUET

Elle ne voulait pas faire de course au large comme son père. Elle voulait être utile. La voilà skipper d’un Class40 d’autant plus joli qu’il porte, gracieusement bien sûr, les couleurs de l’ONG Médecins du Monde. Ou comment concilier atavisme familial et convictions profondes.

Le budget a été bouclé tardivement alors forcément elle court un peu après le temps. Alors plutôt qu’au bateau on la retrouve dans un café cosy de la ville intra-muros, le temps de terminer son déjeuner et de prendre un thé. Elle se souvient avoir couru petite sur les pontons de Saint Malo, mais pas vraiment des départs lors desquels elle était déjà confiée à ses grands-parents. Ce dont elle se souvient le mieux, ce sont ces deux saisons passées dans le grand sud, entre Patagonie et Géorgie du Sud sur le premier Fleur Australe paternel. Quand on nage adolescente, elle n’a alors que 13 ans, avec les baleines dans la Péninsule de Valdez cela peut déterminer une vie. En naîtra une passion infinie pour cette région pourtant hostile. Au point qu’après des études mêlant humanitaire, agrologie et irrigation, elle reviendra y travailler cinq années, à bord du Paradise, un solide cotre en alu de 20 mètres. La suite c’est Morgane Ursault-Poupon qui la raconte.

« C’est après c’est cinq années à renforcer mes capacités de marin et que j’ai accepté l’idée de faire de la course au large ? Avant, quand on me demandait, je disais « jamais de la vie » ou « ça sert à rien » ou encore « non, non, c’est pas pour moi ». En 2017, à 31 ans, j’ai commencé à chercher des partenaires et j’ai pu louer le Class40 N°30 six mois avant le départ, sachant qu’auparavant je n’avais jamais fait de course en solitaire ni même de régate. C’est grâce à des personnes que j’ai rencontré dans le Grand Sud, des chefs d’entreprise, qui m’ont fait confiance, et m’ont permis de commencer cette aventure. Fleury-Michon Bio est l’une des dernières entreprises que j’ai sollicitées et ils m’ont filé un coup de pouce pour une année. Comme j’ai fait des études dans l’environnement et que pour moi ça a toujours été important de faire des choses utiles pour la protection de la planète, ce petit « Bio » qui peut paraître anodin était hyper-important et il tenait aussi à cœur à l’équipe de Fleury Michon, à commencer par Grégoire Gonnord qui a de vraies convictions. Pour l’anecdote, quelques mois avant, quand j’étais en pleine recherche de partenaires et que je pensais que ça allait être plus facile, j’ai dit non à un groupe parapétrolier pour respecter mes convictions. Mais nous avons signé avec Fleury-Michon en juillet et cette Route du Rhum 2018 s’est super bien passée, je suis arrivée au bout, 27ème sur 53. J’ai enchaîné les dépressions dans le Golfe assez sereinement, le bateau était fiable et costaud. Du coup, au début c’était un one-shot, une aventure, je ne pensais pas forcément continuer et finalement, les quatre dernières années je n’ai fait que ça avec deux Transat Jacques-Vabre et une Route du Rhum. Ça a été super intense, j’ai rencontré plein de monde. J’ai une équipe d’une dizaine de personnes, tous bénévoles, des amis, qui m’ont accompagné. La course au large et la Route du Rhum ont été un tremplin pour développer des projets dans le nautisme et ça m’a créée en tant qu’entrepreneuse également, avec ma société UP Sailing.

Le bateau qui est dans le bassin Vauban pour votre seconde Route du Rhum, c’est le même qu’il y a quatre ans ?

Oui c’est le même parce que d’une part je n’ai pas eu les moyens de le changer et aussi parce que j’y suis très attachée et je n’ai jamais voulu le vendre. Je participe donc sur le plus vieux des Class40, et mon objectif c’est de faire un podium dans la catégorie « Vintage » (NDLR : Numéros de coques inférieurs à 100 environ, avec un critère de performance en plus) qui est une classe dans la Class40. Et surtout cette année je réalise un rêve, celui de pouvoir donner à mon bateau le nom d’une association qui se bat sur le terrain, dans les pays en voie de développement. Cela boucle la boucle avec mes études faites en partie dans l’humanitaire, cela crée une histoire qui a beaucoup de sens. Mon projet devient vraiment utile parce que toute l’équipe de Médecins du Monde est très enjouée autour de ce projet. Ils se servent de mon bateau comme d’un super moyen de communication qui rappelle qu’en 1980 l’ONG a été créée à l'occasion de l'opération « Un bateau pour le Viêt Nam » en Mer de Chine, pour apporter un soutien aux réfugiés Vietnamiens.

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© Photo Darwin Studio

Comment s’est monté ce partenariat ?

J’ai de la chance dans mon malheur, car n’ayant pas trouvé de partenaire-titre, du coup, grâce à plusieurs petits partenaires, j’ai pu donner le nom du bateau à cette association. En prenant ce pari de bloquer le nom, ça a attiré de nouveaux partenaires qui trouvaient beaucoup de sens dans ce projet, qui étaient content d’associer leur image à celle de Médecins du Monde. Et du coup, ça fait un projet multi-partenariats, avec des acteurs qui ont des convictions et qui se retrouvent dans ces valeurs humaines.

A deux jours du départ, comment vous projetez-vous dans cette Route du Rhum dont la météo s’annonce corsée les premiers jours ?

On voit qu’à J+1, vers Ouessant, on va être dans une zone dépressionnaire très forte, on va passer un front avec des rafales autour de 45 nœuds, la mer sera très forte également. C’est délicat de dire ça, mais ce sont des conditions qui me vont plutôt bien. Je suis assez à l’aise dans le gros temps, ce n’est pas quelque chose qui me fait particulièrement peur. Alors on a tous peur de casser et ce n’est pas confortable, ça va être dur, notre corps et notre mental vont souffrir. Mais je peux bien m’en sortir dans ces conditions parce que j’ai confiance en mon bateau, qui est éprouvé, plus solide que certains qui sortent de chantier. Donc je vais peut-être pouvoir mieux m’en tirer que si les conditions étaient plus faciles. Il ne faudra pas se tromper de trajectoire, moi je pars plutôt sur une route Sud, et la course sera belle si j’arrive de l’autre côté déjà, avec un maximum de bateaux derrière ensuite, et que j’ai fait une belle trace, comme au ski dans la poudreuse.

Et pour l’avenir post-Route du Rhum, vous avez déjà des idées ?

L’année prochaine, j’ai prévu de faire une pause. Je ne ferai pas la Jacques Vabre, parce que j’ai envie de changer de bateau, de projet, de me professionnaliser et d’être moins dans le stress du budget. Plutôt que me lancer un peu en aveugle sur une course sans avoir un budget solide, là je vais prendre les choses différemment, en construisant vraiment le projet avec des partenaires qui me permettront d’aller vers la performance. Il est donc possible que le projet soit d’aller sur un Vendée Globe, mais tout dépend des partenaires que j’arriverai à trouver.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…