Route du Rhum - Destination Guadeloupe : Les dessous du sauvetage express de Thibaut Vauchel-Camus

Route du Rhum, Vendée Globe, Route du Café, ces grandes courses sont aussi émaillées de quelques naufrages célèbres. On préfère oublier ceux qui ont vu leurs skippers disparaître, dans ce cas la perte du bateau est accessoire. Mais rien que sur la célèbre transat entre Saint-Malo et Pointe à Pitre, on se souvient de l’édition de 2002, funeste pour les trimarans Orma avec 15 abandons, dont 6 chavirages, sur 18 partants, des multicoques éparpillés façon puzzle de la Bretagne à La Corogne, et même jusqu’au milieu de l’atlantique pour l’infortuné Steve Ravussin. Plus récemment encore, en 2018, c’est le maxi-trimaran Banque Populaire d’Armel Le Cleac’h qui est déclaré en perte totale après avoir perdu un flotteur et s’être retourné. Le bateau était assuré et la décision est prise d’en construire un nouveau, à bord duquel le Breton court d'ailleurs cette édition. Mais avec un coût de construction estimé entre 15 et 18 millions d’euros, on comprend que les assureurs deviennent frileux ou que les primes d’assurance s’envolent. Elles sont de l'ordre de 4% à 10% de la valeur du bateau selon que l’on court en Class40 ou en Imoca. Mais en multicoque le risque de chavirage vient s’ajouter au fort taux d’accidentologie de tout sport de compétition, alors les marins ont trouvé une autre solution.
Les skippers de la classe Ocean Fifty, parmi les plus susceptibles de se retourner, se sont assurés le soutien d’Adrien Hardy. Cet ancien coureur, en Figaro entre autres, s’était notamment illustré par le sauvetage de l’Imoca SMA de Paul Meilhat en 2016. Il a depuis créé la société spécialisée Oceanic Assistance et surtout acquis en 2021 l’ancien ‘Brigitte Bardot’ de l’Association Sea Shepherd, désormais baptisé Merida. Ce trimaran à moteur de 35 mètres par 14, est parti de Lorient le 9 novembre, soit bien avant les accidents en cascade de ces dernières 24 heures, pour justement accompagner la flotte et intervenir rapidement en cas d’urgence, ce qu’il n’a pas manqué de faire. Conçu à l’origine pour des records autour du monde, il est capable de filer à 27 nœuds, ou de parcourir 5000 milles nautiques à 14 nœuds en toute autonomie. Il transporte ballons de renflouement, matériel de plongée, motopompes, cordages de remorquage… C’est lui qui est déjà sur zone pour secourir le trimaran bleu de Thibaut Vauchel-Camus. L’objectif est de le remorquer vers les Açores. Si les conditions météo le permettent, ils vont avant cela, remettre le trimaran à l’endroit. L’opération consiste alors à remplir volontairement un flotteur d’eau pour l’enfoncer, jusqu’à pouvoir faire basculer le trimaran en tirant sur le flotteur opposé, à la perpendiculaire. Une fois à l’endroit on comprend l’utilité des motopompes pour vider le flotteur plein d’eau. Il ne reste « plus » alors qu’à remorquer le bateau jusqu’au port le plus proche. A moins que le skipper ait prévu une aile de kite pour rallier l'archipel par ses propres moyens. S’il doit être remoqué à l’envers, les dégâts seront beaucoup plus importants. La structure pourrait être plus endomagée qu'elle ne l'est déjà, et la remise en état demander un budget plus que conséquent.
Une fois le trimaran Solidaires En Peloton - ARSEP et son skipper à l’abri aux Açores, Adrien Hardy pourrait être de nouveau sollicités. Le catamaran de Brieuc Maisonneuve est en effet actuellement à la dérive, son skipper ayant été récupéré par Jean-Pierre Dick, concurrent le plus proche au moment du chavirage, que la direction de course a dérouté pour porter assistance. Suivi par balise, le skipper Granvillais fera tout pour récupérer son catamaran de 50 pieds, qui est aussi son outil de travail.