Jérémie Beyou le long tunnel

« Je pense qu’on est positionné pile sur l’autoroute des dépressions, en fait on n’en sort jamais ! Cela fait depuis la mer de Tasmanie que le vent n’est pas descendu en-dessous de 35 nœuds, c’est assez usant. Aujourd’hui, ça a été, mais ça faisait longtemps que la mer n’avait pas été à peu près rangée. Il y a trois jours, c’était n’importe quoi, c’était super violent. Il y avait entre 6 et 7 mètres de creux et ça venait de coté en déferlant, donc le bateau partait dans une vague et d’un coup une déferlante venait par le côté. Je me suis fait projeter à l’arrière du bateau à plusieurs reprises. Tu as vraiment l’impression de ne pas être grand-chose, c’est impressionnant."
Fortes bascules de vent
"Ce sont des grains, là, j’ai entre 18 et 38 nœuds, avec un vent qui bascule de 30 degrés à chaque passage de grains. Il n’y a rien qui est très stable.
Comment se toiler alors ? C’est la question. Alors tu te toiles pour 25 nœuds de vent et quand il y a 38 nœuds tu es surtoilé, quand il y a 18 nœuds, t’es collé à l’eau. Ce n’est pas un sentiment très agréable. Et puis avec ces bascules, tu écris ton nom sur le plan d’eau, tu fais des S. En termes de vitesse moyenne vers le but, c’est famélique. On a du vent, mais qui ne permet pas d’avancer."
J2 amoché
Je suis un peu agacé, parce que je ne suis pas en mode maxi attaque, je prends soin de mes voiles depuis le début et hier j’ai déroulé le J2 alors que ça faisait une semaine que j’étais sous J3 ou sous grand-voile seule. A maintes reprises, j’ai navigué sous grand-voile seule à trois ris. Hier, je constate que le J2 est déchiré sur la chute, et je m’y suis repris à plusieurs fois pour le rouler correctement. J’espère qu’il ne va pas partir en morceaux car il y a encore du vent fort qui nous attend notamment au cap Horn. Selon les modèles même après le cap Horn, il y a 30 nœuds.
Normalement dans le Pacifique ou dans l’Indien, tu as toujours une dorsale entre deux dépressions et là, on n’a pas de quoi souffler, même de quoi inspecter le bateau, le moindre petit pépin peut vite tourner à la catastrophe. Je pense à la pauvre Pip Hare qui doit changer un safran, je ne sais pas comment elle va faire !
Baffe sur baffe
Dans la grosse baston, quand on a pris 40 à 50 nœuds pendant 24-36 heures. Dans ce cas, tu mets trois ris seuls et tu peux dormir. En ce moment, il faut que je fasse avancer le bateau car il y a une autre une dépression qui arrive. Ce n’est pas évident de se reposer et ça caille ! Ce n’est vraiment pas un coin idéal pour les vacances, c’est sûr ! C’est un grand tunnel sans fin, dans lequel tu prends baffe sur baffe. Le bonhomme est un peu fatigué. Vivement le cap Horn, j’en ai plein le dos du Pacifique. Je devrais y arriver vers le 11 ou le 12, tout dépend si j’arrive à rester en avant du coup de vent…"
Jérémie Beyou, Charal