Vendée Globe : bientôt il n'y aura plus de vent...

Par Figaronautisme.com

Cette cinquième nuit du Vendée Globe a vu ses marins foncer tête baissée vers une vaste zone sans vent, ralentissant déjà les leaders, pendant que les grains orageux continuaient de jouer avec leurs nerfs.

Depuis plusieurs jours, ils le savent parfaitement : ils ont beau cavaler au-delà parfois du raisonnable, se bagarrer des heures durant pour gagner un quart de pouillème de mille sur leurs concurrents, battre même le record de vitesse sur 24 heures façon Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 2e)... le résultat sera sans appel. Dans quelques heures tout au plus, ils n’auront plus de vent devant. Peu importe leur positionnement, ils vont tous s’arrêter, quasiment à égalité, comme si le premier départ n’avait pas été suffisant et qu’il fallait pimenter l’affrontement.

A quoi bon s’échiner, alors, nous direz-vous ? Et bien tous s’accrochent tout de même à cet espoir ténu que l’Atlantique, à défaut de leur ouvrir ses portes vers le Sud, respectera un tant soit peu l’ordre des choses, et des classements. Que les premiers à frapper de plein fouet ce mur sans vent seront aussi les premiers à le quitter. Que peut-être en se plaçant un peu plus à l’Ouest, ou à l’Est, ou en laissant la balle au centre tout en coupant la poire en deux, qui sait, on s’en sortira un peu mieux ?

C’est ce que doit espérer l’ancien leader Yoann Richomme (Paprec Arkea), désormais flashé à moins de 10 noeuds de moyenne sur les quatre dernières heures, et qui a vu revenir Louis Burton (Bureau Vallée, 8e) à 10 milles de son tableau arrière, et Justine Mettraux (Teamwork - Team SNEF, 7e) à 20 milles. L’avantage d’être deux, c’est que les VULNERABLE ont pour leur part pu encadrer le plan d’eau : à Sam Goodchild (1er) l’Est, à Thomas Ruyant (11e) l’Ouest.

« J’ai rarement navigué avec du vent aussi instable »
Un décalage occidental fait aussi par le skipper de Biotherm, Paul Meilhat, actuellement en 17e position, qui expliquait au petit matin : « La position plus à l’Ouest, j’ai l’impression que c’est là qu’il faut aller, mais je pensais qu’il y aurait beaucoup plus de bateaux à faire ce choix ! Je pense que la situation météo va être un peu plus favorable à l’Ouest, même si je pense en fait qu’il n’y a pas grand chose qui va être favorable… on est dans une situation météo qui est vraiment compliquée !»
Si l’ancien figariste habitué à l’exercice a conscience que beaucoup de choses vont se jouer « dans la capacité à aller vite dans le petit temps », il a aussi conscience qu’il y a dans ces conditions « toujours une petite part de réussite ! ». Son seul souhait ? « J’espère que ça ne va pas générer trop d’écarts si ça se passe pas très bien pour certains ! ».

En attendant cette épreuve de patience, les nerfs des marins sont déjà mis à rude épreuve par les conditions rencontrées dans la nuit. Car la dépression stationnaire, en plus de bloquer les alizés, génère des grains orageux particulièrement intenses. « On a quand même une instabilité du vent qui est incroyable, j’ai rarement navigué avec du vent aussi instable en force et direction », expliquait Paul Meilhat, qui en a pourtant vu passer. On a des grains et du coup on passe de 10 à 25 nœuds, donc on navigue très toilés mais c’est assez stressant. » Le marin de Biotherm, « très très fatigué », a d’ailleurs subi hier « un petit accident dans le cockpit, je suis tombé dans un départ au lof, j’ai pris un traversier de cockpit en latéral. Mais ça va, j’ai pas trop trop mal et surtout j’ai réussi à bien me reposer les dernières 24 heures. »

Nautisme Article
© Manuel Cousin

Une emmerde par jour, moi j’ai bien attaqué le quota
Des grains qu'a rencontré à son tour cette nuit Louis Duc (Fives Group - Lanta Environnement), qui a connu ses premiers déboires dès le deuxième jour avec un de ses safrans. « Ce qu’on savait mais qu'on a oublié à un moment donné, et je suis pas le seul je crois, c'est qu’il fallait faire un tour du monde ! On a continué d’attaquer et forcément quand t’attaques comme sur une transat, il y a des petits soucis qui peuvent arriver ! », s'amusait en fin de soirée le skipper normand, avant de reprendre le récit de ses misères. « Après l’histoire de mon safran, j’avais dans l’intention d’être très raisonnable mais j’avais perdu des milles sur tout le monde alors ça m’énervait donc j’ai attaqué un peu sous petit spi et il a dégagé par le bas. Bon, celui-là c’est réparable, donc je vais avoir un petit chantier couture d’ici quelques jours. Mais comme le petit était cassé, qu’est ce que j’ai fait ? Bah j’ai mis le grand ! Ca allait bien, j’allais plus vite encore ! Sauf qu’à un moment, les conditions c’était entre 18 et 32 nœuds, il y a eu une sortie de piste, et là le spi a explosé, je me suis retrouvé avec des morceaux dans tous les sens, ça m’a pris deux heures à larguer complet. J’ai la petite satisfaction de n’avoir rien laissé à la mer et d’avoir tout récupéré, ça je suis assez content ! »
D'ailleurs, hors de question pour le skipper de Fives Group - Lanta Environnement, actuellement 30e au classement, de se miner le moral, lui qui a « pris un énorme plaisir aujourd'hui, avec le bateau qui glisse, des couleurs magnifiques, un coucher de soleil avec une pleine lune, et ça c’est des moments qu’on aime. » Serait-ce d'accomplir son rêve de Vendée Globe qui le rend aussi épicurien et sage ?

« Je ne veux pas me brûler les ailes »
Mais si les premiers ont déjà commencé à ralentir, la queue de flotte, elle, est toujours sous l'effet du gros de la dépression. Après avoir passé l'île de Madère, où Maxime Sorel ( (VandB – Monbana – Mayenne) a pu se mettre en sécurité dans la soirée, Manu Cousin (Coup de Pouce) faisait part de conditions « très instables, avec du vent qui oscille entre 20 et 40 nœuds, il faut être dessus tout le temps, c’est assez fatiguant et on n’a pas beaucoup dormi depuis le départ ! »

Lui qui a déjà un Vendée Globe d'expérience a préféré pour l'heure « faire le gros dos » pour préserver son bateau : « La route est longue et je voulais vraiment pas prendre de risques ! Ma stratégie, c’est d’essayer d’y aller step by step, me donner des objectifs. Pas voir le Vendée Globe dans sa globalité parce que c’est assez abyssal, mais prendre les choses étape par étape et avancer tranquillement comme ça. Je ne veux pas me brûler les ailes, ça avait bien marché il y a quatre ans, donc il n’y a pas de raison que ça marche pas là ! En tous cas au niveau de la santé mentale ça va bien, il faut juste que je gère la fatigue. »

Et la météo devrait pouvoir aider Manu Cousin à remonter au classement. « On devrait pouvoir échapper aux tentacules de cette dépression demain, le but pour moi c’est de recoller au petit peloton devant, et on donne tout en ce moment pour arriver à ça ! », se réjouissait le marin sablais. Premiers éléments de réponse sur l'ampleur de ce tassement de la flotte dans la journée !

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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