Vendée Globe : Des cadeaux pour certains, la patience pour d'autres

Bien malheureux celui qui est né avec un appétit pour la compétition particulièrement aiguisé, parce que bien souvent, il aura beau faire un festin, il restera sur sa faim. Au lendemain « de l’apothéose, de la grande bouffe et des p’tits cadeaux », comme chantait Renaud, c’est un peu notre sentiment en regardant au petit matin la carto.
Devant, c’est statu quo. Après un jour faste pour Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) qui avait creusé son avance - nous laissant songeurs à se demander presque « mais où est Charlie ? » - voilà que Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 2e) a remis du charbon et pointe ce matin à moins de 15 milles du leader, à la faveur d’une baisse du ventilateur. Un partout, balle au centre anticyclonique, et on verra bien qui s’extirpera le premier des petits souffles, sans trop s’essouffler !
Plus au Sud, c’est pareil. Un gros coup de moins depuis la perte de son foil tribord, mais tout de même, un passage du Cap Horn en troisième position sans être trop inquiété par la concurrence pour Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3e), qui n’aurait pas osé le demander sur sa liste avant le départ !
« pédale plus vite »
Par contre derrière, ça se corse, et n'y voyez pas là un hommage à l'île de beauté. Jérémie Beyou (Charal, 5e) a pris le temps pour nous de faire un peu de pédagogie topologico-sportive : "Je ne sais pas si vu de terre vous arrivez à bien comprendre comment ces écarts se font ou se défont... J'ai déjà entendu des suiveurs me dire, « ben accélère » quand je me suis retrouvé derrière ! Ou comme en vélo « pédale plus vite »… C'est différent dans ce sport. Je vous promets que je pédale comme un dératé ! Et c'est pareil pour Nicolas Lunven à côté de moi. Mais c'est comme si on était tout le temps en côte quand tous les autres sont en descente... J'espère que vous arriverez à faire comprendre cela à ceux qui nous suivent à terre ! "
Le message est transmis, Jérémie, et la côte est interminable effectivement pour son petit groupe incluant aussi Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e), qui semble tout de même au dernier pointage avoir réussi à retrouver un peu de pente et d’allant...
Ceux de devant, tout le Pacifique ils ont fait très peu de manœuvres, et des grands tout droit. Derrière, le groupe de Boris aussi, ils ont fait un gros tout droit ! Et nous, depuis qu’on a pointé notre nez dans l’Indien, on a tout le temps une barrière devant, et chaque fois qu’on accélère on bute dedans. Donc c’est sûr que c’est pas une sensation très agréable d’avoir lâché 2000 milles aux mecs devant, et de voir revenir des gens que j’avais pas vu depuis l’Equateur, mentalement c’est pas facile à gérer ! Je pensais qu’on aurait des opportunités de revenir, on en a eu zéro... Vraiment un Grand Sud qui aura pas été sympa pour nous ! C’est la météo qui décide, mais est-ce qu’il y a une justice là-dedans, non pas vraiment !
" Ah nous voilà replongés soudains dans nos cours de philo, et ce bon La Rochefoucauld qui nous rappelait que « l'amour de la justice n'est pour la plupart des hommes que la crainte de souffrir l'injustice ». Pas sûr que le frondeur prince de Marcillac était toutefois le plus assidu à la salle de sport et aurait goûté qu'on applique ses « Maximes » aussi prosaïquement ! "
Van Weynbergh au Cap Leeuwyn
Mais tous les lendemains ne déchantent pas dans la flotte. A commencer par celui de Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 36e), qui vient de franchir à 4 h et 36 secondes TU le Cap Leeuwin, deuxième marque symbolique de ce tour du monde sans escale et sans assistance. A l’ombre de l’Australie, il va pouvoir, comme ses camarades de fin de flotte devant lui, Fabrice Amédéo (Nexans – Weise, 35e) et Manuel Cousin (Coup de Pouce, 34e) profiter pleinement des derniers moments dans cet océan, avant de s’attaquer au prolifique Pacifique.
« C’est rigolo de se retrouver là »
S’il en est un autre qui n’a pas la gueule de bois, c’est bien Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement, 24e), propulsé au premier rang de son groupe, à la suite d’une compression de flotte dans les règles de l’art. Une situation atypique qui a permis aux compétiteurs de rendre à l’autre bout de la planète un petit hommage à leur coach lorientais :
" L’autre jour avec Seb Marsset, on se disait « Tiens on dirait un entraînement avec Tanguy Le Glatin ! Toi tu te mets un peu sous le vent, toi t’arrêtes de faire l’imbécile, toi si tu sais pas barrer, tu mets le pilote » (rires) ! C’est rigolo de se retrouver là, dans la pétole, c’est assez sympa de régater un peu. On est tous éclopés, je crois qu’il nous manque tous au moins une voile, on fait tous avec ce qu’on a et on ne sait pas trop les armes des autres… Quand on voit les angles, on devine ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire ! "
Après 45 jours de mer, se tenir là, en une poignée de milles, c’est une sorcellerie dont on ne se lasse effectivement pas, de notre côté de la cartographie non plus. Même si certains sont mieux servis que d’autres à la grande loterie de la vie, on sait au fond qu’ils n’échangeraient leur place pour rien au monde, car c’est se qui fait toute la beauté de ce sport au mille rebondissements par seconde.
Retrouvez toutes les prévisions météo sur METEO CONSULT Marine et suivez toute l'actualité du Vendée Globe dans notre dossier spécial.