Christine Petr spécialiste du comportement des touristes « il n'y aura pas de retour à la normale avant 2022 »
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Considérant la crise sanitaire actuelle, les Français partiront-ils en vacances cet été ?
« Beaucoup de scénarios peuvent être engagés et les décisions des Français seront certainement prises au regard de l’évolution de la contamination. Je pense que malgré tout, les gens vont avoir envie de sortir et d’être dehors. Il y a une certaine ambivalence avec ce désir de grands extérieurs auquel s’ajoute la crainte des lieux bondés. Les gens vont sûrement préférer aller dans un camping où un espace spécifique leur est dédié. Vraisemblablement il y aura beaucoup de crainte et ceux qui sont très inquiets ne partiront pas ou iront visiter leur famille ou leur maison secondaire plutôt que d’aller dans des espaces partagés. »
Qu’en est-il des plages, seront-elles toujours fréquentées par les Français cet été ?
« Je me demande si la tendance naturelle des vacanciers ne va pas être d’éviter le sud de la France et la Côte d’Azur qui sont généralement prisés par les touristes en été, pour aller passer leurs vacances dans des endroits un peu plus cachés. Je pense que les Français préféreront se tourner vers les lacs ou les rivières. La plage est un endroit qui est difficilement sécurisable et d’eux-mêmes les Français iront chercher des zones où les espaces sont larges mais moins fréquentés. Si on prend la Côte d’Azur, par exemple à Nice ou à Cassis, où les plages sont petites, l’espace va poser un véritable problème et les gens vont être dans une inquiétude constante. »
Cette inquiétude que vous mentionnez, sera-t-elle toujours présente lors des voyages ?
« Toute proportion gardée, nous pouvons comparer cette inquiétude à celle que les Français ressentaient au moment des attaques terroristes. Au début les gens étaient très attentifs et vigilants et puis avec le temps ils baissent leur garde et la vie reprend le dessus. Vraisemblablement il y aura un relâchement de la part des vacanciers qui seront moins regardants vis-à-vis des règles de distanciation ou de sécurité. Cependant, je pense que l’argument sanitaire deviendra un argument de vente et de distinction pour les différentes structures liées au tourisme. Avant, il n’a jamais été question d’insécurité sanitaire, c’est une découverte dans notre monde moderne. Il va y avoir des choses qui vont se mettre en place par rapport à ça et il y aura surement une numérisation du voyage avec des applications qui permettront de contrôler le flux de passage dans les espaces libres. Cet été c’est sûrement trop tôt pour voir ce type de gadget entrer dans notre quotidien, cependant la logique de consommation des touristes sera moins spontanée. »
Comment se présente le futur du tourisme international ?
« Cette notion sanitaire n’était pas du tout intégrée dans les réflexions des touristes, or, aujourd’hui, elle entre dans leur questionnement et dans leur prise de décision. Cela fera partie des argumentations que devront mettre en avant les structures touristiques pour accueillir les voyageurs. De plus, il y a plein de pays dans lesquelles les Français ne vont pas être les bienvenus cet été. À mon sens les voyages internationaux cette année vont être très limités. Pour les années à venir, certaines compagnies aériennes vont sûrement devoir élever leurs tarifs. Proposer une place sur deux avec le mètre de distanciation de rigueur, ce n’est pas rentable pour les compagnies aériennes et il vaut mieux que l’avion reste au sol s’il est à moitié vide ou alors le billet d’avion sera multiplié par deux. C’est aussi une piste de ce à quoi peut ressembler le futur du voyage. Les personnes qui partiront devront acheter une place qui correspondra en fait à 3 places et coûtera le prix de 3 billets d’avion pour respecter ce mètre de distanciation. Il faudra plus d’argent pour voyager et tout le monde ne pourra plus partir en vacances. Il y aura certainement de l’exclusion sociale. »
Quand pouvons-nous espérer un retour à la normale dans le secteur du voyage ?
« Tout va dépendre de l’évolution de l’épidémie et des pics qui pourraient apparaître mais déjà nous savons que cet été la saison de vacances sera très courte. L’année 2021 sera une année de récupération pour le secteur du tourisme. À mon avis l’année prochaine sera une année d’adaptation et d’invention de nouvelles options pour voyager malgré le virus donc il n’y aura pas de retour à la normale avant 2022, sous réserve de l'accès à un vaccin.»