Le phare de Point-Amour, en route vers le Canada
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Brume, baleines et icebergs
La route goudronnée n’est pas encore arrivée jusqu’à cette pointe basse et venteuse, couverte de lichen et de lande, que l'été voit fleurir pour quelques courtes semaines de clémence. Pour rallier le phare, il faut quitter la seule route confortable du Labrador et piquer vers la côte par une piste cahoteuse et sauvage. Elle longe l’anse Amour, bordée de dunes désertes, et débouche sur le détroit de Belle-Île. Ce passage maritime large d’une vingtaine de kilomètres sépare l’île de Terre-Neuve de la péninsule du Labrador.
L’été, l’eau s’engouffre dans l’immense Golfe du Saint-Laurent. C'est la saison des courants tourbillonnants, des brouillards et des icebergs à la dérive. Puis la région se referme, comme le détroit que prennent les glaces. Période des aurores boréales.
Un amour de phare
Au milieu du XIXe siècle, quand les vapeurs commencèrent à traverser régulièrement l’Atlantique depuis l’Europe, le détroit de Belle-Ile apparut comme la route la plus courte pour rallier le Canada. Ce passage tempétueux, dont les glaces dérivantes étaient souvent cachées par le brouillard, se révéla si dangereux qu’il fut décidé d’y élever quatre, puis neuf phares dotés de sirènes et de puissantes lentilles de Fresnel.
Celui de l'anse Amour, considéré comme le plus moderne du pays en son temps, fut bâti entre 1854 et 1857 au milieu de nulle part. Le campement permanent le plus proche se trouvait à L’Anse aux Loup, à environ sept kilomètres. Des blocs de calcaires furent extraits d’une carrière proche mais les pierres de taille, les briques, les poutres en bois et le reste du matériel nécessaire à la construction de la tour et à l’installation des gardiens et de leur famille, fut acheminé par bateau depuis Québec, débarqué à l’Anse-aux-Loups et transporté en charrettes à cheval jusqu’à l'anse Amour. Au milieu de l’été 1857, le phare et les bâtiments attenants étaient terminés mais les navires durent attendre la saison suivante pour voir briller le nouveau feu.
Perché à trente-trois mètres du sol, au sommet de la plus haute « tour à feu » de la côte Atlantique du Canada, on découvre, outre un paysage dépouillé et vide d’hommes, tout un foisonnement de vie. Les baleines, nombreuses à emprunter cette route vers les eaux paisibles du Saint-Laurent, soufflent aux quatre azimuts ; des troupes de dauphins passent, les oiseaux marins piquent dans les bancs de capelans… Parfois, la silhouette bleue et blanche d’un iceberg remonte le courant et dérive, comme un songe, au pied des roches où demeurent, dispersés, les restes des navires naufragés. Il faudra revenir en hiver.
Avant de partir consultez les prévisions de La Chaîne Météo Voyage !