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Marc Helary, le skipper d’Infornav, forme des plaisanciers à la navigation toute l’année dans les eaux rochelaises. La façon de s'habiller fait partie intégrante de son enseignement. « On aborde ces questions dans le volet sécurité. Il suffit de descendre d’un degré de température pour que nos muscles fonctionnent beaucoup moins bien », présente le marin. Qu’il s’agisse de sortie côtière ou hauturière les précautions à prendre ne sont pas les mêmes, mais les principes de base demeurent : « Je préconise trois couches de textiles : une première, respirante, à même le corps, une polaire par-dessus et une veste de quart pour finir. » En fonction de la saison, Marc Helary complète la panoplie avec un bonnet et des gants. « Le sang circule par les extrémités et capte les calories froides au niveau de la tête, des mains et des pieds. Le corps se refroidit très vite par conductivité si ces zones sont découvertes. Je conseille aussi de porter des chaussures avec une pointure supplémentaire, pour garder une poche d'air protectrice et des chaussettes techniques. »
Des matières techniques
Jusqu'en 2019, le magasin Armorique Diffusion, basé à Auray, proposait uniquement du matériel d'accastillage pour les bateaux. Face à la demande croissante, il a élargi son offre à l’équipement des plaisanciers. Même si la mode marine est prisée, le choix du magasin est de rester concentré sur les vêtements techniques. « Ils sont conçus à partir de membranes et de tissus spécialement étudiés pour la pratique du bateau. Ils protègent de l'humidité, apportent de la chaleur, contribuent à couper le vent et sont respirants », argumente Jean-Baptiste Soudée, l'un des responsables. « Même avec une veste de quart très haut de gamme, si on porte un t-shirt en coton qui ne respire pas, ce sera difficile. Il faut être cohérent de la première à la dernière couche. » Car la plaisance présente des contraintes particulières. Elle se pratique sur des temps assez longs, dans des conditions climatiques changeantes et implique des efforts fractionnés entre des périodes calmes et des manœuvres. « Nous travaillons pour ne pas empêcher l'humidité produite par le corps de s'évacuer, explique Romain Laurant, ingénieur produit chez Tribord, la marque de vêtements dédiée à la plaisance des magasins Décathlon. En étudiant la cartographie corporelle on arrive à déterminer où le marin a surtout besoin de chaleur, où il faut aérer en priorité. »
Un laboratoire de recherches
« Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la liberté de mouvement. On garde l’image des vestes de quart qui faisaient des épaules très larges dans lesquelles on ne pouvait pas bouger. Les matériaux ont évolué vers plus de légèreté et de fluidité. » Tribord s’est ainsi associé à Yannick Bestaven, le dernier vainqueur du Vendée Globe, « afin de développer des produits hybrides chauds, ventilés, coupe-vent, légers. » Respiration, mobilité, oui. Les recherches se sont aussi concentrées sur l'imperméabilité des matériaux. En témoigne, la pièce vitrée de 50 m2 du Tribord sailing lab, un centre de conception ouvert au public sur le port de La Rochelle, dans laquelle on peut simuler une vague, de la pluie de tempête et tester les solutions dans l’atelier de prototypage attenant. « Quand on est mouillé, on a froid, ça fatigue, donc on perd en lucidité, en vigilance et on se met en danger », décrit Romain Laurant.
« Un gilet qui facilite le retournement »
Le laboratoire s'est également rapproché de la SNSM pour la mise au point d'un nouveau gilet de sauvetage. « Quand un marin tombe à l 'eau, l'air emmagasiné dans sa veste et sa salopette peuvent l’empêcher de se retourner. En janvier 2023, nous sortirons notre gilet 180 newtons qui facilite le retournement d'une personne immergée inconsciente, même habillée en tenue de voile hauturière. »
En matière de plaisance, l'habit n'est pas un sujet accessoire et doit être complètement intégré à la pratique, de la chaussette aux équipements de flottaison. Pour les amateurs comme pour les vedettes de la course au large, il convient de leur réserver une place adaptée, sans oublier le change.