
Selon le profil de l’expert, son expérience et sa connaissance de la navigation et du milieu maritime, il pourra aussi être de bon conseil pour s’assurer que l’achat envisagé corresponde au programme de navigations souhaitées.
Il est essentiel dès le premier contact entre acheteur et expert de bien évoquer le projet et les attentes afin que l’expert comprenne la typologie de l’expertise attendue.
Une expertise dans le cadre d’une vente ne comprend pas de démontage, mais la visite doit être complète (exhaustive). Nous allons passer en revue les différents éléments qui doivent être considérés et examinés. Chaque expert ayant son propre protocole pour mener à bien sa mission à bord, ainsi que la manière pour rédiger un rapport synthétique et compréhensible.
Il est indispensable pour mener à bien la mission d’expertise de disposer du bateau à terre, puis d’effectuer les essais en mer (ou à défaut l’inverse).
Bateau à terre :
Il s’agit d’ausculter attentivement la carène, les œuvres vives et les œuvres mortes, de déceler d’éventuelles déformations (sur les coques en acier ou en alu), les cloques et les éventuels phénomènes d’osmose sur les coques polyester (au moyen d’un détecteur d’humidité et selon un protocole précis), d’éventuels délaminages dans le cas de coque sandwich, de potentiels impacts provoqués par des OFNI (objets flottants non identifiés). Une attention particulière doit être portée aussi sur les ailerons de stabilisateurs, sur les chaises d’arbre, sur les éventuels skeg (aileron en avant du safran sur certains voiliers), sur les dérives (dériveurs), les quilles et les joints de quille.
L’aspect général de la carène reflètera aussi le niveau d’entretien, d’attention et de maintenance générale.
Dans certains cas particuliers, des mesures d’épaisseur de bordés de coque (coque acier) par ultrasons pourront être effectuées.
Les lignes d’arbres d’hélices, ou les embases (V drive, sail drive, etc…), les hélices, les bagues hydrolubes, les paliers de safrans, l’état général des anodes (phénomène d’électrolyse), les propulseurs d’étrave, les trimmers, les passe-coques, pieds de loch et sondeur seront également inspectés.
Les lignes de mouillage peuvent être dévirées pour s’assurer de l’état général des composants (ancres, manilles de liaisons, chaînes, étalingures), cela permettra aussi de vérifier le bon fonctionnement du guindeau.
La qualité et la brillance des peintures, laques ou gelcoat sur les œuvres mortes seront aussi mieux appréciées à terre sous différents angles.
Sur le pont : les chandeliers, balcons et filières sont un point crucial à vérifier, ainsi que déceler d’éventuelles faiblesses de fixation. Les capots de pont (état des plexiglass, des joints, de la bonne fermeture et de l’étanchéité).
Les pièces d’accastillage seront examinées : taquets, bollards, rails d’écoutes, poulies, winches, cabestans, grues, panneaux de pont, et même cadènes (pour l’anecdote lors d’une expertise d’un voilier de 41 mètres, j’ai découvert que la cadène d’étai principal était fissurée…).
Sur un voilier tout le gréement doit avoir une attention particulière : cadènes, ridoirs, gréement dormant et courant. Une ascension dans le mât est requise pour vérifier les points d’ancrage, les barres de flèche, les éventuels tip cut (liaison barres de flèche / haubans), les réas, les cadènes de fixations de poulies en tête de mât, les rails, les profils d’enrouleurs. Cette partie est parfois sous traitée à un gréeur afin de disposer d’un niveau d’expertise supplémentaire. La bôme, ses ancrages (vit de mulet, point d’écoute) et les réas sont à inspecter.
Lors de cette ascension il sera aussi opportun d’en profiter pour vérifier le bon fonctionnement des feux de navigation et de mouillage.
Les ponts en tek nécessitent une inspection détaillée pour apprécier l’usure des lames, la profondeur des rainurages et des joints, d’éventuels décollements et infiltrations sous les lames.
Les fonds de coque à l’intérieur doivent être vus afin de déceler d’éventuels dommages structurels (lisses, barrots, cloisons structurelles, longitudinaux, etc..). Les différentes vannes de coque et les flexibles feront partie des éléments à contrôler.
L’ensemble de l’armement de sécurité sera inventorié en détails avec une vérification des dates d’expiration ou des visites périodiques.
Sur les grosses unités, les systèmes hydrauliques des enrouleurs et des winches doivent aussi être vérifiés sous charge lors des essais en mer.
Toute l’électronique du bord doit également être testée. Les équipements dans la cuisine seront vérifiés, les groupes d’eau, chauffe-eaux mis en service.
La sellerie intérieure et extérieure doit être vue, ainsi que l’état général des emménagements : boiseries, vernis, moquettes, revêtements divers…
Essais en mer :
L’essai en mer est complémentaire et nécessaire pour se forger une opinion précise. Elle permettra de mettre en service et d’utiliser l’ensemble des systèmes : moteurs, trims, propulseurs, stabilisateurs, voiles, groupes électrogènes, dessalinisateur, pilote automatique, système de barre, etc…
Des essais de vitesse au moteur à différents régimes (nominal et maximal) seront effectués, avec éventuellement des relevés acoustiques dans les cabines à ces régimes moteur. Des relevés tachymétriques sur les volants moteurs et éventuellement en sortie d’inverseurs peuvent être nécessaires dans certains cas.
Sur les bateaux à moteur il est courant de faire appel à un mécanicien agréé par le motoriste pour se connecter en réseau sur le (les) moteurs afin de disposer d’un historique précis et des données détaillées en fonctionnement. Une attention sera portée sur l’état des différents systèmes de filtration et filtres (gasoil, eau de mer).
Il est fortement recommandé aussi de faire des prélèvements d’huile pour analyse (si les vidanges n’ont pas eu lieu récemment) pour disposer de données pertinentes sur l’usure des pièces internes. Le rapport du laboratoire d’analyse est annexé au rapport d’expertise et commenté.
Le rapport :
A l’issue de cette visite, un rapport d’expertise est rédigé sur la base des observations, en mentionnant les anomalies et les défauts constatés. Une liste de recommandations est établie avec des priorités d’intervention. A ce rapport est joint une banque d’images et de vidéos (souvent partagée via une dropbox ou un équivalent), et communiqué au client.
La valeur vénale et la valeur d’assurance du navire peuvent faire l’objet d’une estimation sur demande.
Selon les recommandations, l’expert pourra alors assister le client dans la phase de remise en service pour s’assurer que les travaux seront effectués selon la règle des trois, c’est-à-dire : dans les règles de l’art, dans les délais, dans le respect des devis communiqués.
Nous aborderons cette partie de l’expertise dans un futur épisode.
Gilles Chiorri - Expert maritime / yachtsconsulting@gmail.com