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Si la question de la préservation de sa santé et des soins médicaux se posent dans toutes les pratiques de loisirs, elle est d’autant plus aiguë dans le domaine de la plaisance. « L’environnement hostile, exposé au froid, au chaud, à l’humidité est propice à compliquer les choses, note François Gouin, chirurgien oncologue et marin émérite. C’est un milieu qui exacerbe tous les problèmes psychiques notamment. On est confiné, sans possibilité d’isolement, loin de son environnement habituel. La situation peut être anxiogène. » Au niveau somatique, les problèmes médicaux les plus banaux peuvent prendre une ampleur importante. Dans un contexte d’humidité, où l’hygiène est relative, « les blessures s’aggravent très facilement. Une plaie doit être traitée avec beaucoup d’attention et de rigueur. La navigation offre une caisse de résonnance à tous les petits bobos, ajoute celui qui prendra à l’automne le départ de la Global Solo Challenge, un tour du monde en solitaire et sans escale. Il y a peu d’événements vitaux à craindre, mais largement de quoi pourrir une sortie en mer comme une croisière. » Pour limiter au maximum l’exposition aux risques, une bonne préparation est nécessaire. Cette mission incombe au chef de bord désigné, le skipper qui convoie un groupe par exemple.
Dans le cas d’une traversée de plusieurs jours, le « capitaine » a tout intérêt à recueillir des renseignements de base sur l’état médical de ses passagers : les pathologies à risques et les antécédents (diabète, accidents cardiaques, épilepsie mal équilibrée…) « Ou même les luxations d’épaule ; quand on se l’est déboitée une fois, on a 50 % de risque que ça recommence ». Les prothèses de hanche peuvent aussi présenter des risques de déboitement. « Sans être vital, ce problème peut-être très ennuyeux et anxiogène au large. » Les informations peuvent être recueillies sous forme de fiche type, puis placés sous scellés pour des questions de confidentialité.
Une pharmacie bien organisée
Le docteur Gouin recommande par ailleurs une grande rigueur dans la constitution de sa pharmacie, « même s’il existe peu de contraintes réglementaires pour les plaisanciers ». On peut trouver sur le site de FFV (onglet médical), de bons conseils sur les dotations obligatoires pour la course au large, que l’on peut transposer pour la plaisance. Certains livres de références ont été écrits sur le sujet : « Le guide médical de bord » de Jean-Marc Le Gac ou « Le Guide de la médecine à distance » de Jean-Yves Chauve. « Une pharmacie c’est du travail. Il faut gérer les stocks, l’organiser, la répertorier par couleurs… Si on part plusieurs jours il faut demander des prescriptions d’antibiotiques à son médecin traitant, prévoir des attelles, un collier cervical… Son coût est de plusieurs centaines d’euros. » Il faut garder en plus sous la main, une petite pharmacie pour les bobos du quotidien : pansements, antalgiques, désinfectant, comme quand on part en excursion. « Il est tout à fait possible de prendre contact en amont avec le CCMM et faire connaitre son parcours et ses dotations de pharmacie. »
Dix urgentistes, H24
Le CCMM, Centre de Consultation Médical Maritime, est la structure française chargée d’assurer la prise en charge médicale des personnes qui naviguent sur des bateaux partout dans le monde. « Nous sommes de plus en plus sollicités en amont par des plaisanciers qui partent faire une transat, un tour du monde. Ceux-ci prennent bien conscience des enjeux et des risques, explique Patrick Roux le directeur. Ils veulent savoir quel matériel ou dotation embarquer, quelle formation suivre pour gérer un événement à distance. » Ils sont ainsi dix médecins urgentistes, basés au CHU de Toulouse, à assurer une réponse et la couverture H24 de l’aide médicale en mer. « En 2022, nous avons assuré 7000 consultations et pris 3000 patients en charge. Les plaisanciers représentent 10 % de notre activité. » La plaisance est beaucoup plus concernée par la survenue de problèmes médicaux que de pathologies en lien avec des blessures. « Les trois-quarts de nos patients sont des malades. L’été on voit beaucoup de coliques néphrétiques car les gens se déshydratent. On voit aussi des réactions allergiques, des problèmes cutanés et parfois des choses plus urgentes pouvant nécessiter une prise en charge à terre » Le médecin urgentiste déplore le manque de conscience du risque médical en mer de nombreux plaisanciers. Il insiste notamment sur « ceux qui partent à la journée sans rien anticiper. Ils pensent que le système est là pour les protéger, mais on n’enverra pas un hélico pour une entorse de cheville. »
Pour contacter le CCMM il faut composer le 196 (numéro d’urgence en mer relié au CROSS) depuis son propre téléphone portable (jusqu’à 10 miles des côtes), le CROSS de la zone prendra l’appel en charge et le transmettra au CCMM. Si le téléphone portable n’est pas utilisable, la VHF (jusqu’à 25 miles) par l’intermédiaire du CROSS ou au-delà le téléphone satellitaire iridium en composant le 05 34 39 33 33 permettront de contacter le Samu de Toulouse où se trouve le CCMM. « On recommande très vivement d’anticiper en affichant ces numéros sur la table à cartes, accessibles à tous. »
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