
« Ma liberté, c'est toi qui m'as aidé à larguer les amarres, pour aller n'importe où… », chantait le poète inspiré. Rares sont les activités à offrir un sentiment d’évasion comme la plaisance. Voilà qui explique sans doute son succès grandissant dans notre pays qui compte plus de 20 000 kilomètres de façades océanique et maritime (métropole et outre-mer). Le développement de nouvelles pratiques comme la navigation partagée ou la location contribuent à booster le phénomène… et les statistiques d’accidentologie associées. « Chaque année, le nombre d’accidents augmente de 3 % », observe Marc Hélary, formateur sécurité nautique chez Infornav à La Rochelle. « En juin, juillet, août et septembre les Cross (Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage) font 50 % de leur activité annuelle. » Des chiffres encore plus flagrants en Méditerranée où la météo change vite. « On peut sortir sans vent le matin et se retrouver avec force 8 l’après-midi. »
Un réseau maillé de satellites
La division 240, texte officiel émis par le Secrétariat d’État chargé de la biodiversité et de la mer, « fixe les objectifs de sécurité que les plaisanciers doivent atteindre ». La notion d’éloignement d’un abri côtier structure le document. « Plus on s’éloigne, plus il faut être équipé de matériel en capacité de répondre à une avarie qui pourrait devenir majeure si elle n’était pas contrôlée dans l’instant, explique Marc Hélary. Le navire doit répondre à l’aventure que l’on souhaite. Si on veut une aventure hauturière, il faut avoir le bateau et l’armement qui s’impose à bord. » Quatre zones ont été définies auxquelles correspondent des dotations en matériel. Si on peut compter sur son téléphone portable pour joindre les secours quand on reste près des côtes, au-delà de six milles (environ onze km) la radio VHF devient obligatoire. La technologie satellitaire offre encore plus de garantie. « Depuis au moins deux ans, on a un réseau maillé de satellites de communication haut débit. Grâce à cela j’ai pu faire une transat avec du réseau H24, ajoute le marin. J’avais la météo, la hauteur des vagues, la puissance du vent et des rafales, vérifiées en permanence… Ça a changé ma transat. J’ai même pu faire de la vidéo conférence avec ma famille en plein milieu de l’Atlantique. » Le formateur le sait bien. Ces préconisations se heurtent à l’esprit frondeur des puristes qui se défient de la “sur connexion“. Les objections sont les mêmes au sujet des balises AIS. L’équipement, pouvant être emporté dans les radeaux de survie ou intégré sur les gilets de sauvetage, émet un signal de détresse en cas d’avarie. « Elles “arrosent“ jusqu’à cinq milles et sont donc susceptibles de déclencher des secours au-delà du bateau concerné. » Le prix d’environ 300 € peut paraitre dissuasif, surtout quand on fait du bateau une fois par an, « mais que vaut la vie ? » interroge le formateur qui impose le port de ce matériel à son équipage lors de ses sorties, nocturnes notamment. La division 240 n’impose la présence à bord de radiobalise pour la localisation des sinistres qu’en cas de navigation hauturière (au-delà de 60 milles soit plus de 96 km). En deçà, les naufragés doivent compter sur la performance de leur matériel de pyrotechnie. Là encore, le monde de la voile cultive sa liberté. « Certains puristes veulent pouvoir partir quand ils veulent sans être pistés, rester invisibles. »
Les gilets, les extincteurs, les bib…
« Lors d’expertise, je vois des bateaux dans lesquels les extincteurs et les gilets sont périmés. Tant que les gens n’ont pas vécu l’accident ça ne les inquiète pas », constate Marc Hélary. Les gilets de sauvetage occupent une place de choix dans les stages sécurité d’Infornav. Le matériel peut aider à la nage mais doit aussi être efficace en cas d’hypothermie. L’état de paralysie des membres peut survenir dans l’heure qui suit la chute à l’eau. « Il faut savoir qu’un gilet de 150 newtons, imposé au-delà de six milles, ne suffit pas forcément à garder la tête hors de l’eau. Pour une personne de 120 kg par exemple, il faut compter 300 newtons. Et ça, peu de personnes vous le diront dans le commerce. » Les radeaux de survie, ou bib, ne sont exigés qu’à partir des sorties semi-hauturières, après six milles. « Mais comment fait-on en cas de naufrage plus près des côtes ? » Là encore la sécurité présente un coût. Il faut compter entre 300 € et 500 € pour une révision dont la fréquence dépend de l’ancienneté de l’équipement.
On ne pense pas spontanément au feu qui pourrait survenir sur un bateau. Et pourtant, « ce serait l’une des seules raisons pour lesquelles on serait amené à monter dans un radeau de survie. » La réglementation prévoit un extincteur à trois mètres de ce qui pourrait brûler. Marc Hélary, ancien pompier de Paris, trouve cela un peu juste. D’autant plus qu’il vient de vivre un départ de feu survenu à 3 h du matin lors de sa toute dernière transat fin février. « J’ai démonté des meubles pour vérifier derrière s’il n’y avait pas de feu couvant susceptible de se réveiller à la première arrivée d’air. »
Stopper le bateau fou
La dernière mise à jour en date de la division 240 date de décembre dernier. Elle concerne les coupe-circuits pour la conduite de bateaux à moteur. Ces équipements permettent d’arrêter le navire en cas de chute à l’eau du conducteur. Les pilotes sont désormais tenus de s’en munir dès que le moteur est allumé. Un deuxième coupe-circuit doit être accessible à l’intérieur de l’habitacle. « Ce sont souvent les accidents qui font évoluer les lois. » Marc se souvient d’un événement, survenu voici quelques années dans le bassin d’Arcachon. « L’homme était tombé de son hors-bord sans coupe-circuit au poignet. La SNSM avait dû mettre sa vedette en travers de sa trajectoire pour stopper le bateau devenu fou. J’avais présenté ce cas dans une classe de stagiaires. L’homme en question a levé le doigt, il était dans la salle. »
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