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Alexis Vandevoorde - responsable de l’information chez METEO CONSULT
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Figaro Nautisme : Quelle est votre mission au sein de METEO CONSULT ?
Alexis Vandevoorde : « En tant qu’ingénieur en production de données météorologiques, notre mission est de collecter, analyser et interpréter les données météorologiques pour fournir à nos utilisateurs des prévisions météo précises et les plus fiables possibles.
La première étape consiste à collecter des données de plus en plus nombreuses. Ainsi, des dizaines de milliers de stations d’observation au sol quadrillent le monde, les satellites prennent en continu des photographies haute résolution de la planète et des nuages, les radars surveillent avec précision les précipitations et les avions de ligne fournissent de nombreuses mesures en haute altitude au cours de leur trajet. Ces données d’observation sont ensuite ingérées par des modèles de prévision du temps.
À l’aide d’équations mathématiques qui simulent les processus atmosphériques, les modèles calculent les états successifs de l’atmosphère depuis l’état initial, vers des échéances futures jusqu’à, pour l’instant, 15 jours de prévisions pour les plus performants. Ces modèles météorologiques sont gérés et développés par des organisations météorologiques nationales ou des agences intergouvernementales qui possèdent les supercalculateurs les plus puissants au monde, capables de réaliser des milliards d’opérations par seconde. À titre d’exemple, c’est l’équivalent de 100 000 ordinateurs domestiques !
En sortie de ces modèles, les données ne sont pas encore des prévisions météorologiques. Elles rendent compte de l’évolution de l’atmosphère à travers des paramètres bruts. Un peu comme du pétrole que l’on extrait du sol et qui doit être raffiné, l’ingénieur en production de données, à travers son expertise, analyse ces données et les transforme en paramètres raffinés, prenant la forme de pictogramme météo ou de carte connue du grand public et traduisant la couleur du ciel. »
F. N. : Pourquoi existe-t-il plusieurs modèles météo ?
A. V. : « Historiquement de nombreux pays ont tenu à développer leur propre modèle pour des raisons d’autonomie et d’affirmation de leurs compétences scientifiques propres. Ainsi la France, l’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis, le Canada, le Japon, et bien d’autres continuent de proposer, maintenant en open data ou en vente directe, leurs sorties de modèle. De nos jours, des consortiums ou des entreprises profitent de l’explosion du marché de l’informatique pour proposer également leur propre modèle pour des usages plus adaptés à différents domaines d’activité. »
F. N. : Quelle est votre spécificité ?
A. V. : « Les acteurs de la météo font face à un constat : les modèles se multiplient. Ces modèles peuvent produire des prévisions divergentes en raison de leur différence dans leur formulation mathématique, leur résolution spatiale ou leur paramétrisation physique.
METEO CONSULT a cherché à tirer parti de ses 36 années d’expertise en matière d’analyse et de prévisions météorologiques en développant une approche probabiliste dite multi-modèles qui permet d’améliorer la fiabilité des prévisions. Chaque modèle ayant ses propres forces et faiblesses, en combinant les résultats de différents modèles, on atténue les biais individuels et on obtient une vue plus complète et réaliste des conditions météorologiques futures. Cette méthode statistique et probabiliste analyse les modèles, leurs convergences, leurs divergences, et isole le scénario ayant le plus de probabilité de se produire tout en quantifiant l’incertitude qui pèse sur ce tout nouveau scénario. On parle alors de scénarios multi-modèles ou de prévision probabiliste. »
F. N. : Quels sont les modèles mis à disposition des marins ?
A. V. : « En plus de son propre modèle lié à son approche unique, METEO CONSULT propose sur différents supports un certain nombre de modèles bien connus des spécialistes afin de permettre aux marins de comparer les différentes options et interprétations. Ces modèles sont mis à disposition des marins pour qu’ils jugent de la fiabilité d’une situation météo. Concrètement, plus les scénarios sont proches, plus la fiabilité de la prévision est grande et inversement.
On peut donc retrouver le modèle américain GFS produit par la NOAA, les modèles français ARPEGE et AROME produits par Météo France, le modèle européen IFS produit par le CEP ou encore des modèles régionaux tels que le LaMMA disponible en Méditerranée. Chaque modèle est défini par sa résolution et sa couverture spatiale et temporelle. On préférera des modèles régionaux à haute résolution pour réaliser des prévisions plus fines de manière à caractériser des phénomènes locaux tels que les brises de mer ou les orages. Les prévisions à maille plus large sont mondiales et permettent de réaliser de grandes tendances. »
F. N. : Quels sont les points forts de votre organisation ?
A. V. : « La plupart des applications météo fournissent des prévisions automatisées issues d’un unique modèle brut. Généralement, ces prévisions sont basées sur le modèle américain GFS, celui-ci étant le plus facile d’accès, ou alors le modèle européen IFS, reconnu pour avoir une bonne fiabilité. Pourtant, que ce soit le premier ou le second, aucun n’est gage d’une infaillibilité à toute épreuve.
Ce qui différencie METEO CONSULT et qui est l’une de ses principales forces aujourd’hui après des années de développement, c’est de chercher en permanence à maximiser la justesse de ses prévisions à travers la mise en place d’un scénario multi-modèles.Pionnière de cette vision ensembliste et sûre de son expertise, l’entreprise cherche la transparence en communiquant à travers un comparateur de modèles sur une multitude de scénarios. Plus qu’une simple prévision déterministe, le marin peut ainsi se faire une idée des différentes prévisions possibles entre celles des modèles bruts et celles du scénario METEO CONSULT communiqué dans tous nos bulletins.
Par ailleurs, nos météorologues surveillent en continu la cohérence et la fiabilité de ces prévisions en travaillant en étroite collaboration avec les ingénieurs qui produisent ces données afin d’améliorer les algorithmes de prévision.
Nos bulletins écrits se déclinent en vidéo avec la présence constante d’un météorologue afin d’assurer une expertise humaine et la présence « d’un pilote dans l’avion » pour asseoir encore davantage la fiabilité des données diffusées. »
F. N. : Quelles nouveautés pensez-vous mettre en place pour l’année ou les années à venir ?
A. V. : « L’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique (machine learning) sont devenus des outils précieux dans l’amélioration des prévisions météo.
METEO CONSULT développe depuis plusieurs mois une technique dite de “clustering” ou de “regroupement de scénarios” capable d’améliorer la qualité de ses prévisions en détectant les scénarios météo les plus probables. Le clustering regroupe les résultats de dizaines de scénarios produits par les modèles météo en ensembles distincts basés sur leur similarité. Les modèles météorologiques qui prévoient des conditions similaires sont rassemblés dans le même groupe ou cluster. Différents clusters comme autant de grands scénarios météo émergent de l’analyse qui apprend à maximiser la similarité intra-cluster et à minimiser la similarité inter-cluster. Une fois que les données ont été regroupées en clusters, l’algorithme analyse les caractéristiques de chacun pour déterminer le scénario météorologique prépondérant. Par exemple, si la majorité des modèles météorologiques prévoient des températures élevées et des précipitations abondantes dans un cluster particulier, ce scénario peut être considéré comme le plus probable. On améliore ainsi considérablement la communication en privilégiant les scénarios les plus significatifs, tout en prenant en compte l’incertitude, intrinsèque à la météo. Lorsque des phénomènes extrêmes sont susceptibles de se produire, cette technique permet également d’intégrer la notion de risque de phénomènes violents comme ce fut le cas lors de la puissante salve orageuse du 18 août 2022 en Corse où des vents records se sont produits.
En outre, METEO CONSULT investit sur les développements d’un nouveau type de modèles basés sur l’intelligence artificielle, en parallèle des modèles « classiques » fondés sur les lois de la physique. Ces nouveaux modèles ne sont pas encore intégrés dans nos prévisions car ils manquent un peu de maturité, mais il est fort à parier qu’ils deviendront au cours des prochaines années aussi utiles que leur équivalent « classique » avec, comme promesse, des temps de calcul considérablement diminués et permettront donc de faire sans aucun doute un bond en ce qui concerne la fiabilité des prévisions météo. »
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Cyrille Duchesne - responsable du service Prévisions METEO CONSULT
Figaro Nautisme : Quelle est votre mission au sein de METEO CONSULT ?
Cyrille Duchesne : « En tant que responsable du service Prévisions de METEO CONSULT, je dois veiller au bon fonctionnement du service et gérer une équipe de plusieurs météorologues qui doivent analyser quotidiennement les données issues de notre propre modèle de prévision météo mais aussi d’autres modèles de prévision européens et américains. L’expertise et le sens critique du météorologue sont nécessaires pour délivrer l’information météorologique la plus juste possible à nos utilisateurs. En tant qu’experts en météo marine depuis 1988, nous sommes chargés d’assurer l’assistance météo pour l’organisation de grandes courses nautiques telles que la Route du Rhum, l’ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest, la Transat CIC, la Solitaire du Figaro Paprec… Pendant les courses, nous sommes en contact permanent avec les directions de course pour assurer la veille météorologique et la sécurité des skippers. Des bulletins météo spécifiques sont fournis à la direction de course quotidiennement lors de ces grands évènements nautiques. »
F. N. : Quel savoir spécifique pour une assistance météo sur de grands évènements ?
C. D. : « Pour pouvoir faire une assistance météo sur de grandes courses nautiques, il est nécessaire d’avoir une connaissance approfondie en météorologie générale et en météo marine. Une simple analyse de la situation météorologique en surface ne suffit pas. Il faut appréhender l’atmosphère en trois dimensions et bien connaître la situation météo en altitude qui caractérise la plus ou moins grande instabilité des masses d’air. Un air froid très dynamique et instable en altitude qui vient surmonter de l’air doux en surface peut engendrer des conditions de vent très instables pour les marins, avec de puissantes rafales… La connaissance des caractéristiques climatiques des zones de navigation à travers la planète vient en complément de l’analyse météorologique. Il est important de connaître la géographie des côtes et la présence ou non de reliefs qui vont influer sur la direction et la force du vent. En ce qui concerne l’état de la mer, une bonne connaissance des reliefs sous-marins et des courants marins permet de mieux appréhender l’évolution des conditions de mer dans lesquelles vont évoluer les navigateurs. »
F. N. : Quel est votre souvenir le plus marquant ?
C. D. : « L’un des souvenirs les plus marquants des assistances météo que j’ai faites en course au large, concerne la situation météorologique du départ de la dernière Route du Rhum 2022, initialement prévu le 6 novembre. Quelques jours avant le départ, une première analyse météo montrait un flux perturbé très dynamique sur le proche Atlantique et l’ouest de la Manche, qui alertait sur une situation compliquée pour les premières heures de course. À 36 heures du départ, les modèles à mailles fines, ainsi que notre expertise météo sur les courses au large, nous ont permis d’affiner la prévision météorologique pour les premières heures de course. La direction de course nous a demandé une analyse la plus détaillée possible sur la situation météo pour prévoir au mieux les risques liés à la météo. Très vite, les marins auraient dû affronter un front perturbé très actif balayant tout le proche Atlantique, sans qu’ils puissent y échapper. Des vents moyens à 40 nœuds avec des rafales à 55 nœuds devaient les cueillir à la sortie de la Manche… À ce fort coup de vent s’ajoutait une forte houle venant de l’Ouest, se combinant avec des vagues levées par le vent de sud (mer croisée). Une mer « casse-bateau », qui aurait mis à rude épreuve le matériel… Avec un tel contexte météo expertisé par METEO CONSULT, la direction de course a opté pour le report de la course au mercredi 9 novembre, après que la situation météo se soit calmée. Un report de Route du Rhum n’est pas une décision simple à prendre pour la direction de course étant donné les enjeux importants. Je me suis senti investi à cette occasion d’un vrai rôle d’expert en météo marine qui a permis à la direction de course de prendre les bonnes décisions pour assurer la sécurité des marins. Les relevés météo des bouées et stations météorologiques de la pointe bretonne ont confirmé les violentes rafales de vent à plus de 50 nœuds et des hauteurs de vagues de plus de 8 mètres en mer d’Iroise. »
F. N. : Quels sont les outils à disposition des plaisanciers amateurs ?
C. D. : « Notre site METEO CONSULT Marine et nos applications permettent aux plaisanciers d’avoir accès à un grand nombre de données météo pour connaître, le plus précisément possible, l’évolution des conditions météo sur leur zone de navigation. Ils peuvent consulter les prévisions météo à différentes échelles géographiques : les abords du port, la zone côtière, la zone large ou grand large. La carte météo interactive est un outil très précieux qui permet de voir d’un seul coup d’œil l’évolution des différents paramètres météo dans l’espace et dans le temps. Ils peuvent aussi opter pour différents abonnements marine METEO CONSULT qui leur donneront accès à des bulletins météo expertisés par nos météorologues, écrits ou en vidéos, présentant quotidiennement des cartes de risques par paramètres (vent, vagues, orages…) sur les bassins de la Manche, de l’Atlantique et de la Méditerranée. Pour ceux qui disposent d’un logiciel de routage, il est possible de télécharger des fichiers grib METEO CONSULT sur leur zone de navigation, afin de préparer le mieux possible leur traversée. »
F. N. : Quels conseils avez-vous à donner aux navigateurs ?
C. D. : « Pour permettre une navigation mieux maîtrisée en cas de situation météorologique compliquée, le conseil est de faire appel à nos services personnalisés. Un briefing téléphonique avec un expert prévisionniste permettra de sécuriser leur traversée et d’optimiser leur route en tenant compte des caractéristiques de leur bateau et des seuils de vent et de mer qu’ils ne souhaitent pas dépasser. L’objectif est d’anticiper au mieux les conditions météo qui peuvent présenter des risques pour la navigation. Le prévisionniste marine pourra proposer le meilleur créneau pour partir en fonction des toutes dernières données météo dont il dispose. Il pourra aussi conseiller les éventuelles zones d’abri pour laisser passer une éventuelle fenêtre de temps perturbé. »
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METEO CONSULT accompagne marins professionnels et amateurs dans toutes leurs activités nautiques, que ce soit une croisière familiale en Méditerranée, une régate en Atlantique, une sortie pêche en Manche ou une plongée sous-marine au bout du monde, depuis 36 ans déjà. Avec le développement de son propre scénario multi-modèles et une utilisation intelligente et raisonnée de l’IA, METEO CONSULT et ses experts fournissent des prévisions toujours plus fiables et précises pour accompagner les plaisanciers, tout au long de l’année. Rendez-vous sur marine.meteoconsult.fr et sur l’application mobile METEO CONSULT Marine pour découvrir toutes les fonctionnalités.
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