
L’assurance d’un bateau de plaisance n’est pas obligatoire, mais tous les propriétaires souscrivent un contrat, parce qu’ils sont conscients des risques et que les ports exigent une attestation de garantie en responsabilité civile.
Les dommages aux tiers et l’assurance responsabilité civile
L’assurance responsabilité civile garantit les dommages que le bateau peut causer aux tiers : les autres bateaux, les installations portuaires, les balises et aussi les nageurs, les plongeurs, et en premier lieu les équipiers ou passagers. Le plus souvent, les contrats garantissent les dommages aux tiers sans franchise. C’est-à-dire que l’auteur responsable de l’accident n’aura rien à débourser pour indemniser la victime d’un dommage matériel ou corporel. Maintenant, il faut savoir que l’éventuelle amende pour infraction n’est jamais indemnisée et surtout se rappeler que la cotisation d’assurance sera majorée dès l’échéance suivante. La règle bonus-malus n’existe pas en assurance maritime, mais rien n’empêche la compagnie d’augmenter les cotisations. On peut même dire que le moindre incident est un bon prétexte… Saurait-on le leur reprocher ? L’assurance plaisance n’est pas un secteur rentable pour les compagnies. Pour deux raisons : parce qu’elles subissent la pression des clients qui leur confient d’autres risques ou des placements financiers. Les plaisanciers sont souvent des chefs d’entreprise, cadres supérieurs ou exercent une profession libérale rentable… L’autre raison, ce sont les tempêtes. Les provisions que peuvent constituer les compagnies d’assurances pendant quelques années sont régulièrement anéanties par un mauvais coup de vent à mauvais moment, c’est-à-dire quand les bateaux sont sur l’eau. Nul besoin d’être actuaire pour comprendre qu’après la tempête, le terrible derecho qui a frappé la Corse le 18 août 2022, les assureurs maritimes ne sont pas à la veille de se refaire… D’autant que les chantiers navals, pressés de partout, n’allaient pas accepter de subir une pression supplémentaire sur le coût de la main d’œuvre et des pièces détachées…

Les limites des garanties « tous risques »
Les bateaux récents et ceux qui sont bien entretenus sont presque toujours assurés en dommages. Les conséquences des collisions, des échouements, des tempêtes, des heurts d’objets flottants non identifiés (OFNI), des incendies, des vols et autres actes de vandalisme sont garantis par les contrats dits « tous risques ».
Garantis, mais avec des franchises et ce que nous allons appeler des « limites » à tous les sens du terme.
Les franchises ne posent pas de problème. Elles sont, disons, raisonnables. On peut les trouver élevées au moment du règlement du sinistre, mais elles sont contractuelles et sans négociation possible, sauf geste commercial de l’intermédiaire.
Les autres « limites » sont d’abord les plafonds de garantie. Là aussi, les contrats sont clairs : le contrat garantit par exemple le vol des accessoires jusqu’à 10000 €. En cas de vol, vous serez indemnisé du montant de la valeur des objets qui ont disparu, dans la limite de 10000 €. Il vaut mieux être en mesure d’apporter la preuve ou au moins un commencement de preuve par écrit de la valeur des objets volés dont vous demandez le remboursement. Gardez toutes les factures et prenez des photos. Les contentieux entre les assurés et les assureurs ne sont pas fréquents en matière de vol. Soyez de bonne foi et vous serez indemnisé sans discussion. Rappelez¬¬-vous que les voleurs peuvent être interpelés et vos objets retrouvés. S’il en manque dans le butin découvert avant qu’il ne soit déjà revendu, c’est d’abord à vous que les enquêteurs demanderont des explications…
Appelons aussi « limite » la vétusté qui sera appliquée aux pièces du bateau qui auront été endommagées.
Déterminer la vétusté, c’est le rôle de l’expert. Il appliquera un abattement sur la valeur des pièces qu’il faudra remplacer par des neuves. Une hélice n’est neuve que le premier jour... 10 % de vétusté par an, c’est à peu près ce que va retenir l’expert à qui la compagnie va demander un rapport d’avarie. Même application du contrat sur les moteurs volés. Vous pourrez prétendre que votre moteur de deux ans qui ne compte que 50 heures de marche est comme neuf et parfaitement entretenu, un abattement pour vétusté est contractuel et même légal. Si l’assurance vous en payait un neuf, ce serait un enrichissement sans cause… L’assurance n’est pas faite pour enrichir l’assuré mais pour faire en sorte que les victimes soient indemnisées, qu’elles perçoivent tout ce qui leur est dû en application du contrat, mais seulement ce qui leur est dû, avec un reste à charge qu’on appelait autrefois un « ticket modérateur ».
Le « ticket modérateur » avait pour objectif d’inciter l’assuré social à faire attention. Attention à sa santé, puisque l’obligation de se soigner allait lui coûter un peu d’argent.
Dans le même ordre d’idée, les compagnies d’assurance maritime ont exclu de leurs garanties les dommages pour défaut d’entretien. Ainsi sont sanctionnés la négligence ou le laisser-aller quant à l’entretien du bateau. Une durite qui cède et l’entrée d’eau qui s’ensuit dans la cale moteur, c’est un évènement qui n’est pas garanti, sauf à apporter la preuve que la durite a été vérifiée et même changée récemment. Un passe-coque qui fuit parce qu’il est détruit par la rouille, c’est un défaut d’entretien. Le démarreur qui lâche parce qu’il a été arrosé d’eau de mer quelques mois auparavant ne sera pas pris en charge. Les dommages consécutifs à une erreur de navigation, même grossière, sont garantis. Les dommages consécutifs à un défaut d’entretien, même minime, ne sont pas garantis.
D’où l’importance de déclarer un sinistre sans donner à l’expert et à l’assureur de bâton pour se faire battre… N’allez pas laisser entendre à l’expert qu’un défaut d’entretien pourrait être à l’origine du sinistre… Une déclaration de sinistre doit être succincte. Ecrivez ce qui s’est passé, où et quand, mais pas comment, à moins que ce soit évident. Laissez l’expert chercher l’origine de la voie d’eau, de la rupture des amarres ou de la surchauffe du moteur, c’est son travail. Ne le mettez pas sur la piste d’un défaut d’entretien des durites, des soufflets, de la chaise, des taquets ou que sais-je : chacun son métier et vos intérêts seront sauvegardés…
Avant de rendre son rapport, l’expert va vous demander de lui fournir un devis de réparation établi par un chantier naval. Sachant que les dommages seront pris en charge par une assurance, les chantiers navals ne « tirent pas sur les prix », c’est le moins qu’on puisse dire… Le rôle de l’expert est aussi de modérer les prétentions du réparateur. Ils parviennent le plus souvent à un accord et le rapport de l’expert est transmis à la compagnie d’assurance. Vous pouvez toujours contester le rapport et missionner votre propre expert, mais il faut de bonnes raisons et des arguments pour se lancer dans une telle procédure qui va retarder l’indemnisation. Maintenant, si vous êtes d’accord avec les conclusions de l’expert, malgré les vétustés et franchises dont il faut s’accommoder même si c’est à contrecœur, vous le faites savoir à l’assureur et vous recevrez la somme convenue sans délai. De cette somme, vous faites ce que vous voulez. Vous n’êtes pas tenu de faire réparer par le chantier naval qui a établi le devis. Vous pouvez réparer vous-même, vous pouvez si cela vous chante, ne pas réparer et garder l’argent. Vous pouvez vendre le bateau endommagé en l’état et négocier l’achat d’un bateau plus récent avec le chantier naval. Vous le saviez, bien sûr, car sans doute vous l’a-t-il déjà proposé…
