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Les mines d'étain gisant au fond de la mer en Cornouailles intéressent les industriels. Mais les surfeurs sont bien décidés à leur barrer le chemin.
De leur passé minier, les Cornouailles n'ont pas seulement gardé de pittoresques cheminées de pierre, vestiges des mines juchées sur les côtes de cette région à la pointe sud-ouest de l'Angleterre: elles ont aussi hérité de milliers de tonnes d'étain gisant au fond de la mer. "Il y a 22.000 tonnes d'étain ici", explique l'ingénieur des mines Mike Proudfoot, directeur général de Marine Minerals Ltd, en balayant de la main la mer Celtique depuis le site de Wheal Coates, une ancienne mine située sur la côte nord des Cornouailles. Ce sont les restes de déchets miniers déversés dans les rivières quand l'extraction d'étain battait son plein dans la péninsule aux XVIIIe et XIXe siècles. Ils ont été charriés jusqu'à la mer et réduits à l'état de petits grains par les courants. L'ingénieur souhaite donc profiter de cette réserve d'étain, battue par les flots, mais les surfeurs, habitués des lieux, ne l'entendent pas de cette oreille. Ils s'inquiètent de l'impact potentiel sur l'environnement et le tourisme, principal pourvoyeur d'emplois dans cette ancienne région industrielle.
"Toute la côte nord des Cornouailles est extrêmement importante pour le tourisme, donc tout ce qui pourrait affecter le secteur doit être pris très au sérieux", prévient Tony Flux, conseiller pour les côtes du sud-ouest de l'Angleterre auprès de la fondation The National Trust, en charge de la protection du patrimoine historique. "Les sédiments (où se trouve l'étain) forment des bancs de sable qui permettent aux vagues de se briser d'une certaine façon qui est idéale pour surfer", précise Andy Cummins, directeur de campagne de l'association de défense de l'environnement Surfers Against Sewage. Une étude datant d'une dizaine d'années avançait que l'industrie du surf rapportait 64 millions de livres de revenus annuels et viabilisait 1.600 emplois.
Un deuxième essai
Le directeur de la société minière Mike Proudfoot n'en est pas à son premier essai. Il avait déjà lancé un projet de récupération de l'étain au début des années 1980, mais il avait été interrompu par une brutale chute des prix. Cependant, la montée des prix de ces dernières années a décuplé son enthousiasme. L'étain, utilisé dans l'électronique pour les téléphones portables ou les tablettes, vaut actuellement près de 22.000 dollars la tonne. C'est moins que son record de 33.600 dollars datant d'avril 2011, mais cela reste une belle somme.
Pour contrer les opposants à son projet, Mike Proudfoot assure que sa méthode d'extraction a évolué. Dans les années 1980, l'ingénieur avait utilisé le dragage qui consiste à aspirer de grandes quantités de sable, ce qui abaisse le niveau des plages et endommage la vie marine. "Mais cette fois-ci nous ne prélèverons que 5%" des sédiments concernés, a-t-il assuré. Des robots aspireraient les sédiments qui seraient filtrés in situ sur un bateau de façon à ce que 95% soient presque immédiatement remis à leur place. Les 5% restants seraient triés dans une usine.
"Pour moi, cette société jette peut-être de la poudre aux yeux des gens en disant qu'il s'agit d'une nouvelle méthode, juge, sceptique, Matt Arnold, un surfeur de 22 ans tout juste diplômé en tant qu'ingénieur des mines. Ça ne sera qu'une variante d'une ancienne méthode." L'étain étant généralement associé à d'autres métaux lourds, les opposants s'inquiètent de voir l'extraction libéréer des éléments chimiques polluants. Mais Mike Proudfoot assure que les premiers échantillons prélevés n'ont révélé qu'une présence minime d'arsenic, de 1 millionième, et pas de mercure. "Nous ne mènerons pas ce projet à bien s'il n'est pas acceptable en termes sociaux et environnementaux", assure l'entrepreneur, dont la société consacre 500.000 livres (environ 583.000 euros) à une étude d'impact environnemental. Si Marine Minerals obtient la licence d'exploitation, l'extraction pourrait commencer en 2015 et durer dix ans.
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