Au Liban, d'irréductibles paludiers défendent leurs derniers marais

Par AFP/Nautisme.com

Pendant un demi-siècle, Elias al-Najjar a récolté le sel dans des bassins sur la rive libanaise de la Méditerranée. Mais aujourd'hui, comme ses collègues, cet homme de 93 ans redoute la mort de son métier.

Pendant un demi-siècle, Elias al-Najjar a récolté le sel dans des bassins sur la rive libanaise de la Méditerranée. Mais aujourd'hui, comme ses collègues, cet homme de 93 ans redoute la mort de son métier.

La production traditionnelle de sel le long de la côte, autrefois populaire au Liban, ne survit aujourd'hui que dans une seule localité balnéaire, celle d'Anfé, à environ 80 km au nord de Beyrouth.

Les marais salants ont souffert de l'exode des paludiers durant la guerre civile (1975-1990) et de la suppression des tarifs douaniers pour le sel importé.

"Je produisais 300 tonnes dans les années 1950. Aujourd'hui, j'en produis 30, au mieux", dit M. Najjar.

Les gardiens du métier, qui se voient refuser des permis d'entretien de leurs infrastructures, ont peur que le gouvernement ne veuille se débarrasser d'eux pour laisser la place à des projets immobiliers en bord de mer.

Si les autorités "ne peuvent pas détruire les vasières, elles veulent les rendre inutilisables afin que cela soit plus facile à des gros poissons de les acheter pour y construire des complexes touristiques", affirme Hafez Jreij, un paludier de 67 ans. "Les terrains où se trouvent les bassins vont être cédés à des promoteurs qui veulent ériger des stations balnéaires", assure-t-il.

Mais la porte-parole de la municipalité, Christiane Nicolas, nie toute intention du conseil municipal de détruire le secteur. Le gouvernement "estime que les bassins sont un empiètement sur la propriété publique", mais "il n'y a pas de preuve que les autorités veuillent céder ces terrains à des promoteurs", dit-elle à l'AFP.

- Marais inexploitables -

Pendant l'âge d'or de la production traditionnelle de sel au Liban, entre 1955 et 1975, celle-ci s'élevait annuellement à 50.000 tonnes, relève Hafez Jreij. A l'époque, "le Liban n'avait pas besoin d'importer du sel et l'Etat avait imposé une taxe douanière de 200%" sur le sel étranger.

Mais avec le début de la guerre civile en 1975, beaucoup de paludiers ont quitté le pays. La production de sel libanais a baissé, ne suffisant plus à satisfaire la demande intérieure et poussant le gouvernement à lever en 1990 cette taxe douanière.

Le secteur étant en chute libre, le gouvernement a annoncé qu'il considérait beaucoup de vasières comme des constructions illégales installées sur le bien-fonds maritime. Et la municipalité d'Anfé a commencé à rejeter des demandes de renouvellement de permis de maintenance des bassins.

Et depuis 1994, selon M. Jreij, la moitié des bassins d'Anfé sont devenus inexploitables depuis 1994.

- Quatre mois par an seulement -

La récolte artisanale de sel est un processus long, soumis aux caprices du temps et qui ne peut être pratiquée que quatre mois par an.

La première étape consiste à remplir d'eau de mer les vasières d'un mètre de profondeur grâce à des pompes actionnées par des petites éoliennes. L'eau stagne dans ces bassins de 20 m2 durant au moins 20 jours, avant de s'évaporer au soleil et former un résidu salin.

Le contenu est ensuite transféré dans un autre bassin moins profond où il est entreposé pendant 10 jours. Durant cette période, les paludiers s'assurent du séchage jusqu'à ce qu'apparaissent des cristaux de sel étincelants.

M. Jreij raconte avoir eu maille à partir en 2015 et 2016 avec les autorités locales qui arguaient que l'eau de mer remplissant les bassins était contaminée. "Des études en laboratoire ont prouvé le contraire", explique-t-il.

M. Najjar, qui a eu les mêmes problèmes, montre à l'AFP les résultats de ces tests de laboratoire menés au Liban.

Maintenant, les producteurs d'Anfé vendent leur sel à des industriels ou des acheteurs individuels entre deux et quatre dollars le kilogramme, un prix deux fois moins élevé que le sel d'importation.

Le pêcheur Daniel Fares, 37 ans, assure être un client régulier de Hafez Jreij car la production de ce sel est de qualité. Dans cette région, "la mer est propre et nous savons d'où vient le sel. Il n'a pas d'additifs et c'est ce dont on a besoin pour la conservation des sardines", dit-il.

Pour Hafez Jreij, le combat pour préserver les salines s'inscrit dans la bataille plus large pour protéger la côte libanaise, largement défigurée par les promoteurs et dont les taux de pollution sont supérieurs à la normale pour certaines plages - avec une présence de la bactérie E. Coli jusqu'à 400 fois supérieure aux normes fixées par l'OMS.

 

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...