
Sans vouloir être provocateur on pourrait considérer cette fiche technique tout à fait inutile. Après tout n’avons-nous pas observé certains équipages anglais se contenter matin, midi et soir de lait et corn flakes, ou même vu tel autre couple américain apportant pour tout vivre frais un tout petit panier de fruits et légumes du marché des Galápagos avant de traverser le Pacifique ?
Soyons francs, des trois aliments essentiels, les plus délicats à gérer sans moyen de cuisson sont les glucides lents. Sucre, confiture, miel…surabondent pour nous sucrer en urgence. L’huile d’olive convient pour les lipides. Les poissons et le jambon en boite ou salé apportent les protides. Mais patates, pâtes, riz, lentilles… ne peuvent être consommé sans apport de chaleur.
Je vais quand même vous le faire à l’américaine, et vous pourrez vous arrêter là sans poursuivre la lecture ni rencontrer de problème nutritionnel. Il y a trois moyens de consommer des glucides lents sans aucun moyen de chauffage : les corn-flakes, on en a déjà parlé ; le pain longue conservation et c’était notre option pour la traversée du Pacifique, nous avions suffisamment de pain longue conversation pour faire face en cas de défaillance des méthodes de cuisson ; et enfin la semoule de blé dur « le couscous ».
La graine de couscous est vraiment l’aliment parfait pour le bateau : très peu consommatrice d’eau et de gaz : une dose de semoule pour une dose d’eau bouillante, simplissime. Au pire l’eau de refroidissement du moteur et les gaz d’échappement peuvent pallier à l’absence de gaz butane, on fait chauffer l’eau sur le collecteur d’échappement : ça sort quand même à plus de 60 degrés… Et dans les cas ultimes on décide que ce sera un taboulé : à l’eau froide !
Non, si vous continuez la lecture de cet article c’est que vous considérez, comme à bord de PretAixte, que se faire plaisir à la table du carré participe aux charmes de la navigation que magnifie le fait d’avoir un Chef au piano. Alors aux fourneaux !!!!
1) COOK
1-1 GAZ
1-1-1 Contenu et contenant : Butane contre Propane
C’est bien sûr LE sujet pour deux raisons : d’une part parce que les bouteilles « camping gaz international », les petites bleues installées d’office sur nos bateaux de construction européenne et conservant le butane n’ont d’international que le nom ; et d’autre part pour cause que l’utilisation du butane est spécifiquement européenne, les américains et de nombreux autres pays, dont ceux traversés par notre route, utilisent le propane…
On perçoit la pertinence du sujet quand on sait que :
Le butane peut être installé à l’intérieur du bateau, et qu’il n’est pas utilisable en dessous de 0°C, il est stocké à 2 bars de pression
Le propane doit être stocké dans un coffre étanche ou à l’extérieur, et peut être utilisé jusque -44°C, il est stocké à 7 bars de pression.

Au fou ! Nous devons subir sur notre route la norme américaine qui ne correspond pas à notre programme de navigation.
J’avais, lors de la préparation du bateau beaucoup travaillé le sujet, et trouvé d’excellentes informations sur les sites de camping-car qui rencontrent les mêmes problèmes que nous, car pour ce qui est de l’information dans le nautisme… mutisme. Guère plus d’aide au chantier X-Yacht qui exporte pourtant des bateaux aux USA. Les plus curieux trouveront en annexe PDF 2 le document préparatoire au gaz à bord de PretAixte adressé à l’importateur X-Yacht et qui reprend en intégralité une belle référence de camping cariste qui n’est plus à ce jour consultable sur internet.
Au final, neuf mois avant le départ en 2017 on dépose la boite à gaz de série du XC42 qui admet deux bouteilles camping gaz R907 de 2.75kg, on fait fabriquer une nouvelle boite à gaz étanche aux dimensions des bouteilles américaines de 5kg de Propane en alu 430x285 mm, cette boite admet aussi les « cubes » de chez nous 350x280mm et 5 kg de propane ou de butane. Les bouteilles américaines ont un robinet « classique » elles étaient distribuées dans tous les shipchandlers des îles caraïbes anglaises. Les cubes ont un détendeur spécifique. Et on décide de partir avec deux cubes, deux camping gaz et d’acheter à Sainte Lucie deux bouteilles « américaines » destineés à remplacer les « cubes » pour le reste du voyage.
Entre temps on acquiert chez Gas Boat un détendeur universel 4008G et le coffret de toutes les connexions qui vont avec. Ce materiel est monté sur les Amel, une référence ! Ne cherchez pas sur internet, cela n’existe plus. Ces bouteilles de gaz nous ont fait beaucoup voyager : on en a connu des usines à gaz, des refus de nous recharger en butane, ou en propane, des bouteilles trop grandes de 5mm pour notre coffre à gaz, des refus systématiques de remplir nos cubes. Dés le début, cela a commencé commencé aux Canaries ! Rappelles toi Jojo nos allers et retours avec nos bouteilles à Teneriffe, notre visite de l’usine à gaz au-delà de l’aéroport de Gran Canaria… Et, ultime desilussion, pas de bouteilles américaines à Sainte-Lucie…Finalement, les bouteilles en aluminium « classiques » et avec un robinet qui rentraient dans notre logement nous les avons trouvé et achetées…en Australie ! Une galère permanente pendant presque un an.
Comment éviter ces déboires ?
Voici l’expérience de nos amis de Muppi qui sont allés en double jusque’en Nouvelle-Zélande à bord de leur RM 10.50 dont l’orange égayait la flotte de l’ARC+ : avec cinq bouteilles de camping gaz de 2.75 kg, ils ont rechargé en butane ou échangé : en Martinique, à Curacao, à Hiva Hoa, à Raiatea, et n’ont rencontré des soucis qu’en Nouvelle-Zélande.
Voisi aussi ce qui nous est arrivé à Sainte-Lucie à l’aller en 2017 : on nous a proposé de charger nos bouteilles bleues avec du propane, j’ai refusé. Au retour du tour du monde, en 2019, j’ai cette fois accepté car plusieurs camarades l’avaient fait sans souci, et cela fonctionne très bien.
MORALITE : ON PEUT RECHARGER EN PROPANE DES BOUTEILLES CAMPING GAZ A CONDITION DE RESPECTER LA PRESSION MAXIMALE DE STOCKAGE.
1-1-2 En pratique, que choisir ?
Tout dépend de la place dont vous disposez pour le stockage et de la taille de l’équipage. La consommation par semaine et par personne est très proche de 0.5 kg de gaz. Ceci vous permet de déterminer le poids de gaz que vous devez emporter. Une bouteille camping gaz R907 de 2.75kg correspond à presque six semaines d’autonomie pour une personne. Une bouteille « classique » de 13 kg à vingt-six semaines d’autonomie pour une personne.
Evitez les bouteilles qui ont leur propre détendeur (cube, viséo, elfi, twini…) qu’on refusera de vous remplir et privilégier soit les bouteilles camping gaz, soit les bouteilles avec robinet.
Butane ou Propane cela a peu d’importance avec les détendeurs et les bruleurs modernes, vous pouvez faire recharger indifféremment vos réservoirs par l’un ou l’autre dans tout type de contenant à condition de ne pas mélanger les gaz.
Et de savoir que si l’on recharge une bouteille prévue pour du butane avec du propane, il y aura un poids de gaz inférieur pour respecter la pression maximale du contenant.
Il faut être intransigeant avec le local qui contient le gaz : il doit être absolument étanche avec une évacuation à la mer au point déclive. Plus il est grand mieux cela vaut car vous pourrez y insérer des bouteilles locales (Canaries, Tahiti par exemple) en veillant bien sûr à ce qu’elles soient solidement amarrées.
Certaines sociétés vendent des compartiments étanches et les bouteilles en polymère adaptées et munies d’un robinet, le must !! https://www.defender.com/category.jsp?id=2276261&path=-1|2276204|2276252
L’altenative consiste à entreposer des bouteilles de 13 kg à l’exterieur : c’était le cas sur Gitana VI, fameux bateau de course des années 70 à bord duquel des gamelles de spaghetti avaient peine à rassasier un équipage pléthorique et affamé. Deux bouteilles de 13 kg logaient dans un des cockpit que jamais l’équipage n’envahissait … .Nous avons aussi rencontré pour la deuxième fois ce stockage sur un bateau Australien dans les îles Lipari il y a bien longtemps. En terme d’efficacité, de rusticité, et de sécurité, c’est bien sur le summum, on parle aussi bien du gaz que de Gitana VI…

1-1-3 Le matériel de distribution
Là aussi aucune concession : partez avec des tuyaux et des détendeurs neufs, dont au moins un de rechange. Les nouveaux détendeurs distribués pour la plaisance admettent les deux gaz jusque des pressions de 30 bars.

Et assurer vous bien sur de la tuyauterie en cuivre avant de partir. Nous avons à bord de PretAixte une commande à distance de l’ouverture du gaz dans la boite de stockage (electrovanne) et un détecteur de gaz. Cela semble aussi INDISPENSABLE.
1-1-4 La gazinière
Voilà un appareil qui va fonctionner quasiment trois fois par jour pendant deux ans, cela correspond à plus de vingt ans d’une utilisation de plaisance classique. Il ne faut pas l’oublier.
Deux possibilités donc, soit prendre une gazinière basique que l’on doit considérer comme un matériel consommable… La prendre neuve au départ, la changer à l’arrivée !
Soit, et c’était notre cas, opter pour du matériel de qualité comme une Force 10 de chez Eno. Faute de l’avoir fait réviser avant de partir nous avons accompli la moitié du tour avec un feu fonctionnel sur trois… Au retour, pour un coût plus que raisonnable, elle a été remise à neuf à l’usine de Niort.
Bien sûr là aussi partir avec des rechanges que le constructeur vous conseillera.
1-1-5 Economiser le gaz
On l’a vu la graine de couscous ou le boulgour sont les amies du marin : peu d’eau, peu de gaz.
La plus fidèle alliée du Chef est la cocote minute, un excellent risotto en 7mn et deux volumes d’eau, des pommes vapeur à l’eau de mer en 12 mn, et la sécurité d’un récipient fermé. Dans le pacifique on trouve dans la moindre épicerie des nouilles chinoises, 4mn dans l’eau bouillante, un régal accompagné avec ce que vous voulez ! Alors seulement on s’offrira, les jours un peu maussades ou à l’occasion d’une fête, des spaghettis, des linguinines ou autres farfadelles, ces délices grands consommateur d’eau et de gaz réservés aux célébrations et destinées à remonter le moral !
Et les lyophilisés ? Avant de partir nous avions prévu que chaque équipier emporte une petite quantité de lyophilisé au cas ou… Expérience avortée, en cours de route : ce n’est vraiment pas bon ! Qui plus est, il faut de l’eau bouillante et un mode opératoire pas toujours sécurisant. Autant se munir de délicieuses soupes en sachets, d’onctueuse purée en poudre, de morue salée et autre jambonneau en boîte beaucoup plus « gustatif » comme dirait « vieux chou ».
Enfin pour les plus radicaux. En 1980, navigateur à bord de Tangaloa au retour des Antilles vers Saint-Raphaël, la nourriture de base était essentiellement constituée de yaourt, fabriqué avec du lait en poudre, et du chou râpé. C’est bon pour la ligne !
1-2 ELECTRICITE
On décrit ici les joies et bonheur de la fée électricité en courant alternatif, le 220 volts comme à la maison.
A bord de PretAixte nous avons en 220V de quoi suppléer à une défaillance en gaz, que ce soit en approvisionnement ou en distribution, peuvent pallier au butane : un four micro-onde, une bouilloire électrique, une plancha électrique Tefal, un appareil à Nespresso.
La bouilloire électrique est la plus utilisée. Elle ronronne gentiment avec le groupe qui tourne le matin et prépare sans qu’on s’en soucie thé et café.
La cafetière à capsule c’est pour le chic et le bon.
La plancha électrique, de faible coût, se range facilement et peut être utilisée aussi bien à l’intérieur pour suppléer au gaz, qu’en extérieur. Elle remplace avantageusement le barbecue qu’il soit à charbon ou à gaz : deux problèmes de carburants en moins. Et puis on peut faire griller la dorade coryphène ou le thon au mouillage à bord comme à terre.

Le four à micro-onde n’est guère utilisé dans notre pratique de terrien. Il reste cependant un appareil de sauvetage très efficace en cas d’absence de gaz et permet de l’économiser au port comme en mer.
1-3 ALTERNATIVES AU GAZ ET A L'ELECTRICITE
Il y a d’abord le four solaire portable, option étudiée bien en amont lors de la préparation du projet. Faut pas rêver ! A moins d’être Robinson sur un atoll, ce n’est pas utilisable en mer : les mouvements du bateau ne sont pas compatibles avec la rigueur de la parabole : on oublie donc le four solaire en mer.

Bien plus intéressante est la cuisinière à fuel. Il s’agit de la cuisinière Wallas à air pulsé. Son prix est élevé, elle nécessite une alimentation électrique pour la pompe d’alimentation du brûleur. Voici pour ses défauts. Pour ses qualités, elles sont suffisamment nombreuses pour équiper beaucoup des bateaux qui naviguent dans les hautes latitudes. Si c’était à refaire voici une option que j’étudierais très sérieusement, quitte à lui dédier une batterie et un tank journalier à gasoil filtré, ne rigolons pas avec la cuisine et le chef au fourneaux !

Une autre marque populaire au Etats-Unis est la cuisinière Dickinson. Elle peut s’adapter à plusieurs combustibles : gaz, pétrole, fuel.
Enfin la cuisinière à pétrole a peut-être fait des progrès depuis le « Prismus » qui noircissait avec constance les barreaux de Mood Indigo sur la route des Indes de l’Ouest en 1978, mais le carburant reste tout aussi dangereux et difficile à approvisionner, autant rester au gaz.