
Plus qu’une tendance, le Slow Cruising représente une véritable révolution dans la manière de vivre la mer, influençant autant les pratiques des navigateurs que les innovations dans l’industrie nautique.
Un virage nécessaire face à une plaisance en quête de sensDepuis plusieurs décennies, la plaisance a suivi une logique de performance et d’optimisation du temps. Courses aux milles parcourus, itinéraires réglés à la minute, escales enchaînées sans véritable immersion… Cette approche a pourtant ses limites. Une étude menée par la Fédération des Industries Nautiques en 2023 montre que 72 % des navigateurs interrogés disent vouloir ralentir leur rythme de navigation, 65 % souhaitent réduire leur consommation de carburant et 58 % expriment une lassitude face aux itinéraires contraints. L’envie d’une navigation plus contemplative se fait sentir, en écho aux grandes tendances sociétales : quête d’authenticité, besoin de déconnexion et volonté de limiter son empreinte écologique.Ce changement ne concerne pas seulement les plaisanciers aguerris. De plus en plus de nouveaux venus dans le nautisme, séduits par l’idée d’un mode de voyage plus lent et immersif, découvrent la voile sous un angle différent. Plutôt que de chercher à maîtriser immédiatement toutes les techniques de navigation, ils apprennent à naviguer au rythme des éléments, acceptant les aléas comme une partie intégrante du voyage.

Des chantiers innovants qui s’adaptent au Slow CruisingFace à cette nouvelle approche, l’industrie nautique s’adapte. Un peu partout dans le monde, des chantiers réinventent le bateau de croisière en intégrant ces nouvelles aspirations.Whisper Yachts, une start-up française, a fait le pari d’une navigation totalement décarbonée grâce à des catamarans propulsés uniquement à l’énergie solaire. Le premier modèle de 50 pieds, équipé de panneaux solaires de haute capacité et d’un système de batteries optimisé, permet de naviguer sans utiliser une goutte de carburant. L’idée est de proposer une autonomie quasi illimitée, sans bruit et sans pollution, tout en maximisant le confort à bord. En Allemagne, Alva Yachts développe une gamme de monocoques et de catamarans hybrides, combinant propulsion électrique et panneaux solaires. Leur objectif est de limiter au maximum l’usage du moteur thermique, en proposant des bateaux capables de parcourir de longues distances en toute autonomie énergétique. La conception est pensée pour maximiser le confort de vie à bord, dans une logique de croisière prolongée et éco-responsable.
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De son côté, Silent Yachts, un chantier autrichien pionnier dans le yachting solaire, propose des catamarans capables de naviguer exclusivement grâce à l’énergie solaire. En éliminant complètement la dépendance aux carburants fossiles, ces bateaux permettent aux plaisanciers d’envisager une navigation plus libre, sans les contraintes de ravitaillement et avec un impact minimal sur l’environnement.Enfin, Windelo, chantier français basé à Canet-en-Roussillon, mise sur une approche différente : l’éco-conception. Leurs catamarans sont fabriqués à partir de matériaux recyclés et sont équipés d’une propulsion hybride permettant de réduire jusqu’à 50 % les émissions de CO2 par rapport à un voilier classique. Avec des carènes optimisées pour favoriser la navigation à la voile et une autonomie énergétique renforcée, Windelo s’inscrit pleinement dans la dynamique du Slow Cruising.
L’émergence de ces nouvelles générations de bateaux montre que le Slow Cruising ne se limite pas à une philosophie de navigation. Il modifie profondément la manière dont les bateaux sont conçus et utilisés, en intégrant des préoccupations environnementales et un mode de voyage plus contemplatif.

Un rapport différent au voyage et aux escalesMais au-delà de la technologie, c’est avant tout une nouvelle relation à la navigation qui s’installe. Adopter le Slow Cruising, c’est accepter de naviguer au rythme des éléments, sans chercher à imposer un itinéraire rigide. C’est privilégier la voile au moteur, choisir les routes les plus économes en énergie et savourer les escales sans précipitation.Certains plaisanciers vont encore plus loin en adoptant un mode de vie minimaliste à bord. Plutôt que d’enchaîner les mouillages à un rythme soutenu, ils préfèrent passer plusieurs semaines dans une crique isolée, découvrir la vie locale, explorer l’arrière-pays à pied ou en annexe, et s’adapter aux conditions météo plutôt que de les subir. Dans certaines zones comme la Bretagne, la Corse ou les Baléares, ce type de navigation est de plus en plus fréquent. En Grèce, certains navigateurs n’hésitent pas à prolonger leur séjour sur une île, attendant la bonne fenêtre météo plutôt que de se forcer à partir sous contrainte.Ce rapport plus instinctif à la mer, où l’on accepte l’imprévu et l’adaptation permanente, tranche avec la planification rigide qui domine encore une partie de la plaisance moderne. À l’image de ce qui s’est passé dans d’autres secteurs du tourisme avec le slow travel, cette approche invite à une consommation plus raisonnée de l’espace maritime.

Vers un avenir durable pour la plaisance ?Le Slow Cruising n’est pas une simple tendance passagère. Il répond à une évolution profonde du rapport à la mer, influencée par des préoccupations environnementales et un désir de navigation plus paisible. Avec l’émergence de nouvelles générations de bateaux pensés pour une consommation énergétique minimale et une autonomie maximale, il y a fort à parier que cette approche s’ancre durablement dans le paysage nautique.
Plus qu’un simple ralentissement, c’est peut-être l’avenir de la plaisance qui s’écrit, entre sobriété et contemplation. Une nouvelle manière de naviguer, où l’on redécouvre le plaisir de prendre le large sans contrainte d’itinéraire ni de performance, en laissant la mer dicter son propre tempo.Et vous, seriez-vous prêt à lever l’ancre sans autre objectif que celui de savourer chaque mille parcouru ?