Lui donner des ailes (ou des voiles)...

Ah qu'elle est belle notre carène ! Oui, mais il va bien falloir la doter d'un quelconque moyen d'avancer...
On distingue plusieurs modes propulsifs majeurs :
- le plus ancien est la propulsion musculaire
De la perche initiale, qui a rapidement été améliorée en pagaie pour les eaux trop profondes, jusqu'à l'aviron et la godille, l'essentiel de la propulsion musculaire se fait via les membres supérieurs.
La plupart des embarcations utilisant des rames, pagaies, perches et autres avirons s'en servent également comme système directionnel. Les radeaux de rondins descendant les cours d'eau utilisent d'ailleurs la perche essentiellement pour se diriger.
A l'échelle de l'histoire de la navigation (les premiers radeaux préhistoriques dateraient de -100 000 avant J.C.), l'utilisation des jambes pour la propulsion est très récente (exception faite du halage de péniches le long des canaux, effectué par des animaux de trait ou par les mariniers eux-mêmes). Ce n'est qu'au début du 19e siècle que les premiers pédalos apparaissent. La grande majorité des pédalos et autres waterbikes mettent en œuvre des appareils propulsifs semblables à ceux utilisés par la propulsion mécanique, à savoir la roue à aube et l'hélice.
Aujourd'hui, le principe du pédalo a été perfectionné par HobieCat sur le système mirage qui réinterprète les mouvements de nageoires, au lieu de faire tourner une hélice.
Dans la même veine biomécanique, les aquaskippers utilisent l'ondulation d'un foil pour se sustenter, et avancer.
Actuellement le mode le plus répandu est le mode mécanique pour lequel aucune énergie humaine n'est mise à contribution. On transforme une source d'énergie de base (charbon, pétrole, uranium, hydrogène, soleil) en un mouvement, afin d'actionner les propulseurs (roue à aube, hélice, hydrojet, réacteur).
La motorisation thermique représente une écrasante majorité de la propulsion auxiliaire de nos voiliers mais gageons que les récents progrès des moteurs électriques et les campagnes d'essais grandeur nature de Planet Solar et Energy Observer permettront bientôt la généralisation de systèmes plus durables et respectueux de l'environnement.
Citons également quelques sujets particuliers au fonctionnement peu répandu, mais très intéressant sur le plan technique : le rotor de Fletner utilisant l'effet Magnus, ou encore la turbo-voile de l'Alcyone du Commandant Cousteau, combinaison de propulsion mécanique et éolienne.
Enfin, la propulsion vélique, ou éolienne, est celle qui nous intéresse le plus. Le vent, source d'énergie fluctuante en force et en direction, mais cependant inépuisable, a depuis des millénaires porté les rêves d'horizons des marins.
De multiples configurations de voilure ont émergé autour du globe, et au fil des âges. Ces plans de voilure sont souvent issus des matériaux et techniques disponibles, mis en corrélation avec l'usage qui sera fait du navire.
En ce qui concerne la plaisance moderne, l'avènement du gréement bermudien, ou marconi (de par sa ressemblance avec les mâts de transmission radio) ne fût possible que grâce à l'invention d'un détail d'importance : la gorge de ralingue.
Les voiles étaient auparavant transfilées autour du mât, il était donc impossible de la hisser plus haut que les barres de flèche. Et sans barres de flèche, impossible de réaliser un mât d'une longueur correcte sans lui infliger de très fortes contraintes de compression. C'est pourquoi les gréements auriques utilisent une grand voile enverguée, et d'aspect ramassée, complétée dans le petit temps par une voile de flèche. Le gréement houari quand à lui utilise sa vergue très apiquée (quasi verticale) pour obtenir une grand voile à l'allongement supérieur, donc au rendement bien meilleur aux allures près du vent.
Les premiers gréements bermudiens nécessitaient un haubanage complexe, mais aujourd'hui, il est possible de se passer des bastaques, bas étai, étai volant, doubles bas haubans, etc... tout en conservant un mât léger. L'utilisation des barres de flèche poussantes, des espars en carbone, permet également de se passer de pataras, et de généraliser l'emploi des grand voiles à corne hors du domaine de la course au large et de la voile légère. Les matériaux modernes ouvrent la voie à d'autres types de plans de voilure, comme les mâts autoportés, les voiles épaisses, etc...
Chaque gréement sera à étudier selon le programme du navire, et ses caractéristiques. Par exemple, les multicoques de course sont des engins qui, du fait de leur vitesse, naviguent souvent avec un vent apparent très différent du vent réel. Ils privilégient donc des voiles "plates", même aux allures portantes. Sur un voilier de grande croisière, on privilégiera plutôt la robustesse et la simplicité de manœuvre, alors que sur un voilier de régate entre 3 bouées l'accent sera plutôt mis sur la légèreté et les possibilités de réglage fin.
L'équilibre sous voile : un point sensible !
Le centre de voilure est le point sur lequel s'applique la résultante des forces véliques. La composante propulsive n'en est qu'une partie, car la composante transversale est rarement négligeable ! Plus le centre de voilure est élevé, plus le couple à gîter sera important. Mais une fois gîté, le centre de voilure sera décalé sous le vent, ce qui induit un différentiel transversal avec le centre de carène, donc une tendance à lofer. C'est pourquoi lorsqu'au près, une risée vous cueille sans prévenir, le navire part au lof aussi brusquement qu'il s'est mis à gîter.
Pour compenser l'effet 'lofant' dû à la gîte, le centre de voilure est positionné en avant du centre de dérive. Plus l'écart sera grand, plus on se rapprochera d'un bateau 'mou', plus l'écart sera faible, plus le bateau sera 'ardent' et réactif.
Ce fonctionnement est peu sensible sur les lourds multicoques de croisière, qui ne gîtent quasiment pas. Les multicoques légers qui lèvent aisément la patte sont eux soumis à l'effet inverse. Le centre de voilure se retrouve au vent du centre de carène, lorsqu'un seul flotteur est immergé. La tendance est donc à l'abattée, c'est pourquoi les gréement sont plus reculés, et le centre de dérive proportionnellement plus avancé que sur les monocoques.
Voici un document très bien réalisé (et accessible à tous) qui décrit parfaitement le fonctionnement d'un voilier.
Au prochain épisode, nous parlerons d'anatomie, de structure et de matériaux. Histoire d'éviter à notre fier navire de se rompre au moindre zéphyr !