Barrage de la Rance : fermeture pour travaux et dragage
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Examen complet de l’écluse et rénovation
Cette opération obligatoire permet de contrôler les parties régulièrement immergées. Elle est nécessaire pour garantir à long terme la sûreté du barrage. Entre 2016 et mars 2017, une inspection visuelle du barrage (partie mobile) a été effectuée ainsi qu’une de l’usine et de de la digue en enrochement. Ces inspections ont été effectuées avec l’aide de robots subaquatiques et de drones et ont donné lieu à divers relevés. Ces opérations ont confirmé le bon état de l’ouvrage. Cette fois (du 6 novembre 2017 au 2 février 2018), c’est l’inspection visuelle de l’écluse (auscultation du radier, des conduits aqueduc de la porte et des vannes) qui sera effectuée ainsi que des travaux de rénovation des portes et des vannes. Ils vont garantir le fonctionnement pérenne de l’écluse. Rappelons que les portes de l’écluse permettent de laisser passer les bateaux tandis que les 4 vannes aqueduc sont utilisées pour remplir et vider l’eau dans l’écluse.
Une contrainte pour les bateaux et les voitures
Pendant cette période, les bateaux ne pourront pas sasser. Le choix de ces dates a été fait en prenant en compte la période où l’écluse est la moins fréquentée. Le conseil départemental d’Ille-et-Vilaine devrait profiter de cette période pour réaliser des opérations de maintenance sur le pont mobile.
La navigation en Rance
Comme je le signalais dans mes précédents articles (cf. Barrage de la Rance : un anniversaire qui fait parler de lui, Estuaire de la Rance : la navigation est-elle menacée ?, Usine marémotrice de la Rance : une fausse bonne idée ?), dans la partie entre Plouër-sur-Rance et Le Lyvet, l’envasement rend la navigation difficile voire impossible lorsque le niveau à Saint-Suliac est à une cote inférieure à 10 m pour un bateau calant 1.40 m ou plus. Depuis un an, l’envasement est de plus en plus important et, à échéance rapprochée, la navigation deviendra impossible pour la majorité des quillards entre Mordreuc et le Lyvet. Ce ne sont pas que les plaisanciers qui en souffrent. Le 26 septembre, la vedette Corsaire qui va de Saint-Malo à Dinan (23 m, tirant d’eau 1.40 m) avec 70 passagers s’est échouée dans la dernière courbe avant l’écluse du Chatelier. La vedette s’est posée sur le fond avec impossibilité d’avancer, après plusieurs débrayages et embrayages, elle a réussi à pousser la vase pour arriver à l’écluse. A l’heure de l’échouage, l’éclusier a confirmé que la cote était à 10.23 m. Ce qui implique qu’un bateau avec 1.20 m de tirant d’eau (ou plus) peut s’échouer lorsque la cote de la Rance est à 10 m. La compagnie Corsaire se basait sur une hauteur d’eau de 8.50 m pour le calcul des horaires, puis sur une de 9 m et maintenant une de 9.50. Il est de plus en plus courant que la vedette touche, elle doit faire machine arrière pour se dégager, attendre un peu et forcer le passage dans la vase.
L’envasement : un problème qui perdure
Avant le barrage, la hauteur d’eau sur l’estuaire de la Rance suivait le rythme naturel des marées avec une dénivellation (marnage) qui était liée au coefficient et qui pouvait atteindre plus de 13 m. Avec le barrage, la différence entre le niveau haut et bas est considérablement réduite. Il est rarement supérieur à 6 m. On estime que le bassin de la Rance perd environ 1% de sa capacité par an (envasement) et que la majorité des plages de sable est transformée en vasières. La navigation entre Plouër-sur-Rance et l’écluse du Chatelier devient préoccupante. Le piège à vase mis en place en 2001 au Lyvet ne semble pas très efficace ou pour être plus exact pas utilisé comme il le devrait. Il a été partiellement vidé en 2015, la vase (65.000 m3) a été entreposée dans une lagune qui, après son dessalement naturel, vient d’être répandue dans les champs comme engrais. Mais ce piège est insuffisant et, en tant que plaisancier, je n’ai pas vu de résultats réels après le pompage et, à ce jour, il semble même qu’il y ait plus de vase qu’avant le vidage du piège. Cette année quelques modifications ont été apportées. La première a consisté, avant l’écluse du Chatelier, à mettre en place une balise (bouée) verte parallèlement à la perche verte existante. En fait, on a à tribord deux marques vertes, un balisage exclusif qui n’existe pas dans le code maritime (deux marques vertes parallèles). Pour les habitués, il est évident que l’on doit laisser les deux vertes à tribord. Pour les autres, on peut être tenté de passer entre les deux vertes et, dans ce cas, suivant la hauteur d’eau, le risque d’échouage est grand. La deuxième modification concerne les hauteurs d’eau. Dans le document publié chaque semaine, on trouve les hauteurs d’eau (hautes et basses) et depuis peu une information supplémentaire, les heures d’ouverture de l’écluse du Chatelier pour les bateaux calant de 0 à 1 m et ceux calant de 1 m à 1.60 m. Par exemple le 30 septembre, seuls les bateaux calant de 0 à 1 m pouvaient écluser entre 17h30 et 20h et le 01 octobre, les bateaux calant de 0 à 1 m pouvaient le faire de 7h30 à 9h30 et de 18h30 à 21h, quant à ceux calant de 1 à 1.60 m, ils pouvaient sasser seulement de 18h30 à 21h. En pratique, il est fortement conseillé de remonter la Rance de Mordreuc au Lyvet à marée montante et lorsque le niveau d’eau est au minimum égal à 10 m à Saint-Suliac. Pour les bateaux calant plus de 1.60 m, il n’est pas recommandé de s’aventurer dans cette zone à moins d’une hauteur de 11 m. La dernière modification concerne le draguage.
Un dragage de la vase ou un déplacement du problème
Dans un communiqué, EDF précise « Du 18 septembre au 6 octobre, EDF va procéder au dragage du chenal de la Rance à l’aval immédiat de l’écluse du Chatelier. Cette opération est réalisée afin de restituer le tirant d’eau suffisant nécessaire à la navigation sur ce secteur. Il s’agit là d’une obligation réglementaire d’assurer la navigation au titre de la concession hydroélectrique de l’usine marémotrice. Ainsi 500 m3 de sédiments vont être extraits par pompage-dilution. La pompe est déplacée au fur et à mesure de l’avancement du chantier à l’aide d’une grue située sur une barge. Le rejet des sédiments extraits se fera par remise en suspension à marée descendante afin de favoriser la dilution et le non-retour des sédiments sur la zone d’extraction ». En quoi consiste le pompage-dilution ? En pratique, les sédiments sont aspirés par une pompe puis rejetés à quelques dizaines de mètres en aval de la zone d’extraction à l’aide d’une conduite de refoulement. En clair, un gros aspirateur avec une turbine est placé sur le banc de vase, il aspire l’eau et la vase et les rejette plus loin, avec comme il est précisé le non-retour obligatoire, en Bretagne la vase est disciplinée ! Cette turbine est alimentée par un groupe électrogène placé sur la barge qui porte un nom évocateur « Coz’Toujours » un clin d’œil aux associations et aux plaisanciers qui se battent pour pouvoir naviguer dans cette zone. En réalité, si les 65.000 m3 extraits en 2015 n’ont pratiquement pas eu d’effets sur l’envasement alors que les sédiments étaient enlevés, il y a de fortes probabilités que les 500 m3 simplement repoussés vont se déposer un peu plus loin, par exemple, dans la courbe où la vedette à passagers Corsaire s’est échouée récemment.
L’impact sur la navigation, la région et les ports
Tout d’abord, cela concerne les bateaux calant plus de 1.60 m qui sont basés au port du Lyvet (plusieurs dizaines) qui devront, s’ils souhaitent naviguer, à moins de ne sortir que lorsque le niveau est très haut, trouver d’autres ports encore faudra-t-il qu’ils trouvent. Un deuxième point est la fréquentation des bateaux entre Plouër-sur-Rance et Dinan. Le port du Lyvet estime que pour 2017, elle est en baisse de 30 % par rapport à 2016. Antoine Malafosse, nouveau directeur du barrage de la Rance, est ouvert à la discussion pour comprendre et aboutir à une solution pour toutes les parties. Pour lui, la sédimentation est un phénomène naturel sur un estuaire, l’usine a certes un impact mais EDF refuse d’en porter l’entière responsabilité. Sur le fait que des bateaux s’échouent dans le chenal aux abords de l’écluse du Chatelier, il rappelle que la concession (1957) oblige EDF à assurer la navigabilité entre les écluses du barrage et du Chatelier (sans toutefois préciser avec quel bateau). Le dévasement naturel était assuré par des chasses d’eau (on ouvre les vannes du Chatelier et le flot de l’eau repousse les sédiments), or depuis trois ans, le manque d’eau dû à la sécheresse a empêché ces chasses. C’est la raison du curage par aspiration. En novembre 2016, le sénateur Michel Vaspart a interpellé Ségolène Royal qui a répondu être décidée à aller vite pour trouver des solutions. Récemment, Michel Vaspart a interrogé le nouveau ministre Nicolas Hulot, lui rappelant les promesses de son prédécesseur. Celui-ci a répondu qu’il a pris conscience du problème (ouf !) et qu’il allait faire en sorte que ce dossier soit pris en charge rapidement en précisant qu’il franchit la Rance deux fois par semaine quand il rentre chez lui et qu’il repart à Paris. Il est évident que du barrage on a une vue imprenable sur l’envasement entre Plouër-sur-Rance et l’écluse du Chatelier !! Le rapport demandé à des experts par Ségolène Royal vient d’être rendu public en septembre 2017, dans leurs conclusions, ils estiment que « l’extension du phénomène d’envasement de l’estuaire de la Rance a atteint aujourd’hui un niveau tel qu’il convient de réduire au maximum les dépôts, voire mettre un terme à la progression des volumes de sédiments qui continuent à se déposer. Ils reconnaissent une modification importante du paysage comme la disparition des plages et une navigation rendue compliquée ». Ils proposent dès cette année d’entreposer des sédiments dans une lagune comme en 2015. Ensuite, d’adopter un programme expérimental sur 5 ans qui permettrait de tester différentes mesures de gestion et d’extraire 250.000 m3 de sédiments. Coût estimé 9.5 millions d’euros. Qui financerait ce programme ? Les experts suggèrent 40% par EDF, 9.5% par la Région, 8,4% par les départements Ille-et-Vilaine, Côtes-d’Armor ou encore 7.9% par les communes. Pari loin d’être gagné quand on sait que l’usine marémotrice est déficitaire depuis 2013 et qu’un coûteux plan de modernisation a été entrepris par EDF, est-ce que la Région, les départements et les communes considèrent cet investissement comme prioritaire ? En fait, la mise en place du financement risque de retarder le projet.