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Fantastique empoignade en tête du Vendée Globe. Qui aurait pu imaginer que Jean-Pierre Dick pulvérise le record des 24 heures en solo, et devance de deux milles seulement son dauphin Armel Le Cléac’h samedi après-midi, après trois semaines de course et 6 000 milles parcourus.
Ce n’est plus un tour du monde en solitaire et sans escale, mais une régate planétaire au contact ! A 16 heures, les cinq leaders se tenaient en 93 milles à l’approche de la porte des Aiguilles (Sud de la pointe de l'Afrique), en filant toujours bon train sur la fin de l’Atlantique Sud, dans un vent de nord-ouest de l’ordre de 20-25 noeuds qui devrait rapidement basculé en fin d’après-midi dans le secteur sud-sud-ouest. Une rotation synonyme d’empannage dans les prochaines heures. Une phase à suivre attentivement qui pourrait créer quelques petits écarts. Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) et François Gabart (Macif) étant positionnés un degré en latitude plus sud que Le Cléac’h.
500 milles en bonus
Un bonheur n’arrivant jamais seul, le skipper niçois a amélioré à deux reprises le record du nombre de milles parcourus en solitaire en 24 heures sur un monocoque, en le portant une première fois à 498,80 milles, puis en parcourant 502,53 milles à une vitesse moyenne époustouflante de 20,90 nœuds. Bien entendu, l'exploit doit encore être validé par le WSSRC (World Sailing Speed Record Council). Une performance qui a même surpris le principal intéressé. « J'ai battu le record de Thomson (468,72 milles en 2003) ? Je ne savais pas, c'est bien ! C’est amusant car c’est quasiment au même endroit que nous l’avions battu avec Loïck Peyron (NDLR : record des 24 heures en double en monocoque sur la Barcelona World Race en janvier 2011 : 506,33 milles à 21,10 nœuds). Plus la première place au classement, c’est un mois de décembre qui commence bien, non ! Je suis content car mon option, prise il y a 10 jours, a marché. Même si les écarts sont faibles au final, c’est une satisfaction. La régate est belle avec trois bateaux collés et les trois suivants qui ne sont pas très loin ».
Les écarts se creusent...
Petit à petit, les écarts avec la tête de course se creusent. Jean Le Cam (SynerCiel), en leader des poursuivants devant Mike Golding (Gamesa) et Dominique Wavre (Mirabaud), compte 237 milles de retard. Et toute la question, pour ce trio, est d’espérer ne pas se retrouver avec un système météo de retard. En attendant, tous renouent avec la magie des mers du sud : les lumières rasantes, les oiseaux qui suivent en planant le sillage du navire, le mouvement perpétuel généré par la houle du large, et ce petit quelque chose d’indéfinissable dans l’air qui fait dire qu’enfin, on y est.
Double peine
De surcroit, le trio des quinquas peut relativiser l’inconfort de sa situation au regard des conditions que rencontrent les hommes de queue de peloton. L’anticyclone de Sainte-Hélène a décidé de reprendre ses aises et ferme la porte du sud à tout ce petit groupe qui voit sa progression stoppée nette. Javier Sanso (Acciona 100%EcoPowered) et Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) ont choisi de contourner les hautes pressions par l’est en essayant de couper au plus court, quand Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) tente de trouver une issue dans l’ouest. Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) est encore le seul à avoir le choix. Pour ce petit groupe de quatre, la punition est sévère. Le retard pris dans les premières heures de course ne fait que croître au fil des portes météorologiques qui leur claquent à l’étrave. C’est typiquement le genre de situation qui demande autant une bonne dose de fatalisme, la capacité de se concentrer sur les fondamentaux de la marche du bateau, et le recul nécessaire pour apprécier le bonheur d’être en mer. Faire le tour de la planète sur ces drôles de machines reste un privilège qu’il serait malvenu de galvauder.
LES VOIX DU LARGE
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) : « C’est sympa cette première place ! L’avenir dira si j’ai su me montrer raisonnable, on verra s’il y a casse ou pas. Normalement, les bateaux sont faits pour tenir dans ces conditions, ce qui est plus compliqué à mesurer c’est la longueur du voyage. La mer commence à être haute, dans les 4 mètres de creux. Avec de belles lames blanches, comme de gros moutons... des sortes de troupeaux de moutons même, car il y a de petites déferlantes. On voit le front, tout gris voire noirâtre, qui nous arrive dessus. On aura de la pluie d’ici 2 ou 3 heures - c’est toujours délicat à prévoir. Le vent va tourner, on va être obligé d’empanner ».
Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) : « Dame Hélène commence à me rattraper, il ne faut pas que je traîne, ça va être chaud. Il ne faut pas trop s’énerver, il faut faire avec la météo qu’on a. J’ai choisi d’aller vers le nord, mais c’est vrai que c’est complexe, les prochaines heures et dimanche ne seront pas de tout repos. Bertrand m’a dit hier qu’il allait falloir être patient car le week-end risque d’être compliqué. Je vais être ralenti par le front mais les autres aussi. Ceux de devant ont pris beaucoup d’avance mais rien n’est jamais perdu, il reste encore les 3/4 du parcours à faire ».
Dominique Wavre (Mirabaud) : « On a passé toute la nuit au reaching avec une très belle lune. Ce matin il fait grand soleil et il y a une vingtaine de nœuds. Le front était précédé par une pluie diluvienne mais on voyait le soleil pointer au loin. Il fait 15° dans la cabine, le soleil chauffe à travers les hublots donc il fait bon ! Les portes des glaces sont très hautes, l’anticyclone nous rattrape et va nous manger juste avant les portes, on va passer d’un anticyclone à l’autre. Ici c’est magnifique, la mer est d'un bleu profond, le ciel bleu clair. C’est un beau spectacle, on se sent bien au milieu de l’océan, au milieu de nulle part ».
François Gabart (Macif) : « Tout va bien, ça va vite. On est toujours devant le front, toujours à pleine vitesse. On va un peu moins vite qu’il y a quelques heures car la mer s’est formée au fur et à mesure, mais ça va super. J’ai mis les bottes, le bonnet, pas encore la totale mais on a bien dû perdre une dizaine de degrés en quelques jours et ça va se refroidir encore après avoir passé le front. Je pense qu’on est très proche du front, je suis toujours devant en bâbord amure. Il va falloir passer de l’autre côté ».
Mike Golding (Gamesa) : « Mon empannage s'est bien passé, j'ai pu faire ça assez rapidement même si les conditions n'étaient pas idéales. En général, l'opération prend une vingtaine de minutes. C'est moins contraignant quand on a pas mal de ballast. Après tous ces efforts hier soir, le bateau est maintenant paré pour la suite. J'ai dû légèrement changer de cap à cause d'un bateau que je ne voulais pas croiser de trop près mais maintenant, j'ai repris ma direction initiale. Actuellement, il y a beaucoup de vagues, ça tape et ça secoue beaucoup et il y a énormément de bruit, ce qui est assez gênant. Il faut que je fasse attention quand je me déplace sur le bateau. Mais ce n'est pas si terrible, j'ai même pu dormir un peu après avoir mis le bateau dans la bonne direction ».
CLASSEMENT
Positions du 01/12 à 16 heures : 1. Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) à 18 601 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 1,9 mille du leader; 3.François Gabart (Macif) à 19,1 m; 4.Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) à 73,6 m: 5.Alex Thomson (Hugo Boss) à 93 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 237,1 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 315 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 341,1 m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 623,1 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 963,3 m; 11.Tanguy de Lamotte (Initiatives-coeur) à 1 209,6 m; 12.Bertrand De Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 1 357,7 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 1 694,,8 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa);Vincent Riou (PRB).
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