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Créée en 1953 à l’initiative de deux passionnés de yachting et de courses à la voile, le français René Lelainville, président de l’Union Nationale des Croiseurs, et de Beppe Crocce président du fameux Yacht Club Italiano. Tous deux imaginèrent le concept de la Giraglia lors d’un dîner parisien. Le but de la course était alors de rapprocher les deux pays frontaliers dans la période d’après-guerre. Vingt-deux bateaux prenaient ainsi le départ lors de cette édition inaugurale.
Le parcours originel partait de Toulon, pour aller virer l’île de La Giraglia située face au Cap Corse, puis cap vers la ligne d’arrivée à Gênes, soit une distance de 245 milles nautiques. La course s’est depuis quelques années ancrée à Saint-Tropez comme lieu de départ et se termine à Gênes, San Remo ou Monaco selon les éditions.
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Aujourd’hui la course a atteint une notoriété et une reconnaissance internationale qui va bien au-delà des espoirs de ses fondateurs. Il est habituel de voir des armateurs et des équipages convoyer les bateaux d’Australie, de Nouvelle-Zélande ou des Etats-Unis pour être sur la ligne de départ de la Giraglia.
Chacun rêve de remporter le trophée du vainqueur toutes classes en temps compensé. En 1997, le célèbre horloger Rolex s’engage à soutenir l’épreuve, désormais dénommée la Rolex Giraglia. Les records de participation s’enchaînent pour atteindre 268 bateaux en 2016.
Si en 2020 la course fut pour la première fois annulée à cause de la crise sanitaire, le comité d’organisation a mis en place pour 2021 un parcours original avec un départ de San Remo, puis cap à l’Ouest vers une bouée à virer au large de la magnifique Rade d’Agay, puis route vers le large et la Giraglia, et une arrivée à Gênes, soit une distance de 241 milles nautiques, proches de la distance habituelle.
L’une des particularités de la course Giraglia Rolex est de rassembler une flotte imposante et hétéroclite. Au-delà des très majestueux et impressionnants Maxis, Swans et autres Wallys Yachts, la ligne de départ reflète aussi le dynamisme de l’industrie nautique : tous les grands constructeurs sont représentés, citons entre autres BENETEAU, Jeanneau et Dufour.
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Ce mercredi 16 juin 2021 à midi, c’est 147 équipages représentant 33 nationalités qui ont pris le départ (la flotte part en 3 départs décalés), les plus grandes unités faisant pas moins de 100 pieds (soit 30,50 mètres), et le plus petit bateau environ 9,50 m. Comme chaque année la subtilité des conditions météorologiques de la Méditerranée a encore parlé, et la régate s’est jouée à plusieurs moments clés. A commencer par le long bord de portant de 45 milles le long de la Riviera italienne et de la Côte d’Azur, dans un vent léger de Sud Est. Quelques empennages au large du Cap d’Antibes et des Iles de Lérins ont alors séparé la flotte sur le plan d’eau, avant de converger de nouveau au niveau de la bouée d’Agay en fin de journée. Les bateaux se sont ensuite retrouvés sur un long bord de 112 milles nautiques au près serré. L’habituel dilemme entre privilégier la vitesse ou le cap a animé les échanges à bord entre skippers , tacticiens, et stratèges… Le relief imposant de la Corse joua un rôle décisif, car le flux de Sud Est soufflant sur le Golfe de Gênes et la côte de la Corse orientale ne réussit jamais à passer au-dessus des montagnes corses. L’approche du « cailloux » (l’îlot de La Giraglia) se transforma pour tous, petits ou grands, en une longue attente du retour du vent, chacun spéculant sur la meilleure option pour s’extirper des vents (très) faibles au plus vite dans un exercice de patience que le marin n’affectionne pas toujours...Une fois paré le Cap Corse, les compteurs s’affolèrent franchement dans le dernier bord (85 milles) vers Gênes, dans un vent de force 6 et une mer formée. Les équipages s’en donnèrent à cœur joie dans de jolis surfs permettant de s’approcher de la ligne d’arrivée très rapidement. Comme habituellement, une dernière difficulté attendait les équipages avec des vents évanescents en approche de la ligne d’arrivée sous l’influence de la brise de terre, quelques places à perdre ou gagner selon les cas … !
Le 1er bateau à franchir la ligne d’arrivée fut le maxi ARCA SGR après 26 heures et 8 minutes de course, mais néanmoins loin du record de 2012 détenu par un autre maxi, ESIMIT EUROPA 2, en 14 heures et 56 minutes !
En temps compensé, les vainqueurs 2021 de la 68ème édition sont en jauge IRC le bateau IMAGINE (Sidney 46 GTS) de Gilles Argellies, et en jauge ORC le bateau ANYWAVE SAFILENS (Frers 64) d’Alberto Leghissa.
Il est certain que tous ont déjà à cœur de revenir sur cette mythique course en 2022 dont le départ devrait être redonné de Saint-Tropez et une arrivée à Gênes. Le succès de cette épreuve est bien dans ce mélange subtil incluant la régate à haut niveau, la présence de bateaux exceptionnels, d’une lumière du mois de juin sublime, des odeurs du maquis en approche du Cap Corse et de la Giraglia, et surtout de conditions météorologiques souvent difficiles.
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