Michel Desjoyeaux : « Il y a vingt ans, j'y serais allé ! »

Par Figaronautisme.com
carte de la course Arkea Ultim en direct

Ils ont déjà parcouru les mers du globe, déjà affronté des conditions harassantes et regardent avec attention et bienveillance cet incroyable challenge. Tous les samedis, nous donnons la parole à des marins qui ont marqué leur époque et qui savent trouver les mots afin d’évoquer l’actuel. Et pour commencer, échanges passionnés avec Michel Desjoyeaux. Double vainqueur du Vendée Globe (2001, 2009), lauréat en multicoque de la Route du Rhum (2002) et de la Transat anglaise (2004), « le Professeur » était sur l’eau, dimanche dernier, pour assister au départ de l’Arkéa Ultim Challenge. Il livre son regard sur cette première semaine de course, met en perspective les évolutions technologiques et s’enthousiasme à propos des performances de Tom Laperche.

La course a débuté dimanche dernier et tu étais en mer pour y assister… Qu’est-ce qu’il te reste de cette journée ?

C’était une superbe journée de partage. Après le temps qu’on avait eu, les gens étaient contents de sortir dehors. Il y avait énormément de bateaux et de monde sur la côte. Ça fait vraiment chaud au cœur de voir que la voile attire autant de monde, même dans les lieux où elle est un lieu commun. Ça a été un beau spectacle, on avait l’impression que les skippers partaient pour une régate de quelques heures. Mais ils vont tellement vite qu’on les a perdus en quinze minutes ! C’était une belle fête populaire. Ce n’est pas l’esprit des Fêtes maritimes de Brest mais il y avait du monde partout et c’est top.

Que t’inspire ce défi, le fait que des skippers partent en Ultim seul autour du monde ?

Ça ne m’impressionne pas plus que ça parce que je sais que cette taille de bateaux est adaptée à ce grand parcours océanique. Même dans des conditions très dures et très ventées, les bateaux sont plus gros et tu es moins en appréhension que sur une plus petite embarcation. Il y a vingt ans, j’y serais allé ! Ça reste le plus haut de la pyramide de la course au large.

« Si les bateaux sont bien utilisés, ils doivent aller au bout »

En tant qu’ingénieur, ce sont des évolutions que tu avais déjà perçues ?

J’ai travaillé sur l’hydroptère en 1993 et on se moquait de nous. Mais on savait déjà voler ! Certes, ce n’était pas le cas dans toutes les conditions, on n’allait pas aussi vite, il n’y avait pas d’assistance électronique, pas de pilotes automatiques aussi performants… Et bien avant l’hydroptère, nous avions la certitude que le vol était la solution pour aller plus vite que l’archimédien. C’était une évidence et maintenant tout le monde vole, même un gamin qui fait de la planche ou de la wing vole ! La technologie, la maîtrise des efforts,, le rendement aérodynamique, les études de fluides hydrodynamiques, ça a progressé en même temps et ça rend service aux Ultim. Il s’agit d’un cercle vertueux qui contribue à ce qu’on voit là.

La fiabilité des Ultim a souvent été pointée du doigt. Que penses-tu de ces questionnements-là ?

Plusieurs éléments composent la fiabilité. Le premier d’entre eux, c’est la résistance à la durée qui est un enjeu en matière de conception des systèmes. On a la culture et le savoir-faire pour faire des bateaux robustes, capables de tenir dans la durée, sans que l’on ait à intervenir. S’ils sont bien utilisés, ils doivent aller au bout. Après, il y a les impondérables à cause d’un facteur extérieur, à l’instar des Ofnis. Il faut néanmoins souligner l’effort qui a été fait avec les zones de protection des cétacés.

On dit que ceux qui vont au bout le seront avec un bateau en mode dégradé. Tu partages ce point de vue ?

Celui qui arrivera, ce sera le premier qui arrive ! Il faut se souvenir qu’au premier tour du monde, le Golden Globe, seulement un marin avait franchi la ligne (Robin Knox Johnston). Forcément, il y aura de la casse, de l’usure. Ce sera un miracle s’ils arrivent tous et ce n’est pas une critique sur la qualité des mecs, des équipes, des bateaux… Mais malgré tout, il y aura des dégâts. Mais ça fait partie du jeu et il ne faudra pas jeter le bébé avec l’eau du bain…

« Ce n’est pas un long fleuve tranquille »

Tu te dis admiratif des bateaux, des skippers aussi ?

Je ne suis pas admiratif d’eux parce que quelques années plus tôt, j'aurais pu être contre eux ! Je les connais tous, j’en ai battu quelques-uns… Ce sont des marins dont j’ai fait partie. J’aurais adoré faire cette course. D’ailleurs, quand on a conçu Géant (en 2001), cela faisait partie du plan de développement qu’il vole.

Revenons sur la course. Comment expliquer que la flotte soit aussi resserrée tout au long de la semaine ?

Je n’aurai pas misé là-dessus parce que les conditions étaient complexes et l’effort physique est important pour faire des manœuvres. Mais c’est génial ! Au départ, ils ont eu un rythme de Figaristes ! Parmi eux, il ne faut pas oublier que certains sont vainqueurs de la Solitaire du Figaro. Après, il faut trouver son rythme, son intensité et c’est d’autant plus difficile que la météo est complexe. Ce n’est pas un long fleuve tranquille !

« Tom Laperche est brillantissime »

Comment faire pour tenir sur la durée ?

Il y a un paramètre qu’on oublie : Tom Laperche est celui qui a été le plus au chevet de son bateau et qui a le plus navigué lors des dernières heures avant la course. Ce n’est pas un hasard ! Les deux sorties que SVR-Lazartigue a fait après la mise à l’eau, Tom était à bord à prendre en main son bateau avec son équipe. Le dimanche matin, ce n’était juste qu’une navigation en plus… Sauf que celle-là va durer un peu plus de 40 jours !

Quel regard portes-tu sur Tom justement ?

Je l’ai vu grandir, je ne suis pas surpris du tout. Ce qu’il vit, je trouve ça génial. C’est un skipper qui est brillantissime. Il a le côté cartésien de l’ingénieur, un très bon feeling, il est très à l’aise à bord, il n'en fait pas des caisses, il est content d’être là et surtout il est tout de suite dans le bon rythme. L’âge ne veut rien dire : c’est peut-être son premier tour du monde mais il faut bien commencer un jour. Les gens ont peut-être oublié – mais ce n’est pas mon cas – que j’ai failli perdre le Vendée Globe en 2001 devant une gamine de 24 ans (Ellen MacArthur) !

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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