Transat Paprec : un départ canon et le large pour horizon !

Il y a toujours l’idée d’un vertige avant un grand départ. Le moment a été trop pensé, trop envisagé, trop réfléchi pour qu’il n’ait rien d’anodin. Il l’est encore plus pour ces 38 skippers qui s’apprêtent à tout donner à bord de leur Figaro Beneteau 3 de 10,89 mètres, exigu, éreintant, qui fatiguera les corps et les organismes. Derrière ce combat-là, qui reste intime parce que les marins seront en « faux solo » la plupart du temps, le dépassement de soi est une nécessité. Et au bout de ce tunnel d’efforts, il y a la chaleur des Antilles, les douceurs de Saint-Barthélemy et la capacité, aussi, de s’inscrire dans la grande histoire de la course au large.
La Transat Paprec, devenue 100% mixte depuis la dernière édition, est un révélateur de grands talents. Celle et celui qui inscriront leurs noms au palmarès rejoindront un club de géants, aux côtés de Michel Desjoyeaux (lauréat en 1992), Jean Le Cam (1994), Karine Fauconnier (2000), Armel Le Cléac’h (2004, 2010), Thomas Ruyant (2018). Charlie Dalin, lauréat en 2012, en fait partie aussi. Présent sur le village hier mais aussi au départ ce matin, le vainqueur du Vendée Globe prodiguait ses conseils. « C’est une course qui se joue sur des réglages, des petits décalages, confiait-il. Ça se court à très haute intensité, avec très peu d’écart à l’arrivée. Ceux qui gagnent, ce sont ceux qui osent ». Et ça tombe bien : les 19 duos de la Transat Paprec, témoins de la vitalité de la classe Figaro, sont tous des audacieux.
Ambiance sur les pontons : entre enthousiasme et émotionsCe dimanche, l’enthousiasme est monté d’un cran au fil de la matinée. Le passage sur scène de tous les participants – devenus, un instant, des rockstars en ciré - a eu le don de réchauffer l’atmosphère. Une musique d’entrée, quelques mots, une signature, des photos : ici tout commence. Un grand moment partagé avec le public et une foultitude de petits détails : Jules Ducelier et Sophie Faguet (Région Normandie) entrent sur la chanson « En rouge et noir » de Jeanne Mas, Pauline Courtois (Wings of the Ocean) est pieds nus et en tongs, Martin Le Pape (Demain) a enlevé son bonnet orange, Davy Beaudart (Hellowork) esquisse quelques pas de danse.
Sur les pontons, ce sont les sourires qui marquent. Charlotte Yven et Hugo Dallenne (Skipper Macif) répètent à l’unisson « avoir hâte d’y être », Quentin Vlamynck (Les Étoiles Filantes) prédit « un sacré spectacle », Lola Billy (Région Bretagne - CMB Océane) assure « vouloir tout donner ». Le parcours côtier accapare les dernières discussions, Charlie Dalin est là pour donner ses derniers conseils à Victor Le Pape et Estelle Greck (Région Bretagne – CMB Espoir) alors que Kévin Bloch et Laure Galley (DMG MORI Academy), juste avant l’appareillage, refont point par point le parcours côtier. Maël Garnier (Selencia – Cerfrance), déjà présent il y a deux ans, préfère en rire : « pour aller à Saint Barth, c’est simple. Tu descends et après tu tournes à gauche ! »
Les « au revoir » sont l’occasion de dernières confidences. Thomas de Dinechin (Almond for Pure Ocean) confie que son duo avec Aglaé Ribon s’est renforcé « après deux nuits au large dans le froid cet hiver », Victor Le Pape et Estelle Greck (Région Bretagne - CMB Espoir) s’amusent de leur repas de la veille, lasagnes pour lui, pâtes au pesto pour elle. Mais l’émotion n’est jamais très loin. Elle est la conséquence de tant d’éléments : le fait d’avoir réussi à être au départ, de s’être entraîné tout l’hiver pour ce moment-là et de serrer forts les enfants, parents, amis, visages du quotidien qu’on ne reverra plus pendant près de trois semaines.
« Pour les enfants, c’est un peu dur », reconnaît Mathilde Géron (Demain) qui retient ses larmes. Un peu plus loin, le sourire éclatant d’Ellie Driver et Oliver Hill (Women’s Engineering Society) contraste avec les larmes d’à-côté. Ce sont leurs mères qui pleurent sans discontinuer en tentant de le cacher dans des étreintes. Une poignée de minutes plus tard, Ellie, Oliver et les autres étaient déjà partis. Dans le port de Concarneau puis un peu plus loin au large, leurs Figaro Beneteau 3 semblaient si petits, comme un rappel saisissant du défi qui les attend.
EN LIVE. Un départ engagéC'est à 13h02 précisément que les concurrents se sont élancés sur la Transat Paprec. Pier-Paolo Dean et Tiphaine Rideau (BANQUES ALIMENTAIRES), les deux bizuths du large se sont mêlés aux favoris. Au fil d'un parcours côtier très engagé, Cindy Brin et Thomas André (Cap St Barth) ont surpris leur monde en prenant les commandes dans la baie de Concarneau. Laure Galley et Kevin Bloch (DMG MORI Academy) ainsi que Romain Bouillard et Irina Gracheva (Décrochons la lune) étaient également aux avant-postes. Comme prévu, la bataille a redoublé d’intensité jusqu'aux Glénan avant de lâcher les bateaux suiveurs et de filer au large.
Dernières déclarations sur les pontonsArno Biston (Article.1) : « On a vraiment hâte de partir, c’est une course que j’attends depuis 2 ans, elle faisait partie des courses à cocher pour mon projet Figaro. Ça fait plus d’un an que j’ai proposé à Vittoria de s’engager sur la Transat Paprec avec moi et qu’on s’organise pour faire cette course. Rien n’était joué jusqu’à la fin, mais on est vraiment très heureux d’être là avec ce duo ! »
Romain Bouillard (Décrochons la lune) : « Très heureux de partir, je me sens plutôt prêt et confiant. J’ai même dormi d’une traite cette nuit. J’ai trop envie de traverser cet Atlantique ! J’ai de la chance car tous les enfants de l’association Décrochons la lune ont pu venir sur le village ce week-end, on leur a offert un moment pour participer au départ, le voir sur l’eau même. C’est une motivation supplémentaire pour tout donner, et ils m’ont offert des cadeaux qui serviront surement dans les coups durs ! Irina est une équipière solide sur le long terme, je connais très bien le bateau, elle connaît très bien le large. Je pense qu’on est un équipage d’outsiders très complémentaire. »
Lola Billy (Région Bretagne - CMB Océane) : « On est chaud, on a fait le dernier tour de scène à l’instant. Maintenant, il s’agit de mettre toutes ces émotions de côté et rentrer dans sa course, prendre un bon départ aux avant postes et rapidement trouver son niveau de jeu. C’est super de pouvoir embarquer Corentin, je pars sereine, maintenant c’est à moi de me gérer pour fonctionner super bien avec lui. Formation et transmission, c’était le but de notre duo, l’objectif est qu’il me donne toutes les armes du bateau pour faire une super Solitaire du Figaro Paprec en solitaire en septembre. »
Corentin Horeau (Région Bretagne - CMB Océane) : « C’est génial d’être co-skipper de Lola à bord de Région Bretagne - CMB Océane, j’avais vraiment envie de refaire cette course. Je ne l’ai pas encore gagné, c’est aussi pour ça que je suis là. Mais l’objectif principal reste la formation de Lola, qui débute, en essayant de lui transmettre un maximum de choses et si on peut faire un bon résultat à l’arrivée ça serait trop, mais on ne se met pas de pression. On va essayer de bien rentrer dans notre course, on sait que parfois ça peut se jouer dès le début car les autres ne nous attendront pas ! C’est une route que je connais et on devrait envoyer le spi après le Cap Finisterre donc c’est plutôt agréable et c’est ce qu’on vient chercher sur ce genre de courses. »
Cindy Brin (Cap St Barth) : « Je suis prête à 5000% ! J’ai hâte d’être sur le départ, j’ai hâte d’envoyer les voiles, le spi… la totale ! Je suis très entourée dans la vie et je l’ai beaucoup été ces derniers jours. J’ai eu la visite de jeunes dont j’ai été la monitrice quand ils étaient enfants et il ne m’ont pas oubliée. Ça fait très plaisir d’avoir du monde sur le départ aujourd’hui, sachant qu’on est à 8000 kilomètres de chez nous. J’espère qu’on va vivre une belle expérience. L’objectif principal c’est d’arriver au bout, après sur un malentendu on ne sait pas ce qu’il peut se passer. On peut être dans les bons coups, on peut en louper. L’avenir nous le dira ».
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